Pour les personnes homosexuelles (ou supposées telles) concernées, c'était déjà de l'homophobie. Tout comme les femmes victimes de sexisme souffraient déjà de cette discrimination et des inégalités avant l'invention du mot "sexisme" ou des luttes féministes. En l'occurrence, le mot anglais "homophobia" existe déjà à l'époque de cette affaire (il a été créé en 1971 par un psychologue américain, selon
le Wiktionnaire).
Quand bien même le mot n'aurait pas existé, il faut faire le distinguo entre le mot et la réalité qu'il désigne. L'absence d'un mot peut façonner notre regard sur le monde, mais n'ôte pas nécessairement toute réalité à la chose qu'il désigne.
La même chose vaut dans toutes sortes d'autres domaines. En grec ou en latin, il n'y a pas de mot pour dire "volcan", mais les volcans existaient déjà, indépendamment du regard des Anciens sur eux. On peut s'amuser, dans un scénario purement historique, à mettre en scène les croyances "d'époque" (géant qui se retourne, théories physiques obsolètes, etc.), mais le volcan, lui, fonctionne de la même manière que dans un cours de géologie.
Pareil avec les maladies : une dépression, même si elle n'est pas un virus, est un phénomène qui, dans une certaine mesure, est documentable et identifiable au delà des mots "d'époque" employés pour le désigner. Quand Mary Shelley perd coup sur coup deux enfants en bas âge, son deuil la plonge dans un état qu'on n'appelle pas encore la dépression, mais qui correspond à la notion actuelle.
De la même manière, la souffrance causée par une discrimination, une inégalité, des brimades, un statut infériorisé dans une société humaine, comme le sexisme, l'homophobie, le racisme, l'esclavagisme, etc., tout cela entraîne des conséquences physiques sur la personne — dépressions, suicides —, qui sont elles aussi documentables et identifiables même aux époques où la notion n'existe pas encore.
Naturellement il faut faire preuve de rigueur, comme partout en matière d'études historiques, mais ça fait un bail que les sciences humaines ont développé la méthodologie nécessaire.