
Un de mes anciens collègues, aujourd'hui retraité, est passionné de tramway. Mais vraiment passionné, au point de réaliser de véritables travaux de recherche et de publier des monographies sur des sujets aussi passionnants que "les tramways belges dans l'Empire Ottoman", par exemple. C'est que la Belgique de la fin du 19ième et du début du 20ième siècle était à la pointe du progrès industriel et exportait des initiatives ferroviaires un peu partout dans le monde...
Or donc, au cours d'une de ses explorations, il rencontre une dame qui lui cède un exemplaire d'un journal qui traînait dans un grenier familial, journal qui relate la vie de Julie Jacquemin, épouse du directeur des tramways hippo-tractés de Kischinew (aujourd'hui capitale de Moldavie, mais qui à l'époque faisait partie de l'Empire Russe), par le biais d'une correspondance avec une de ses amies entre 1903 et 1907...
Après avoir cherché en vain à trouver un éditeur pour ce document, mon ex-collègue a finalement décidé de le publier seul, sous la forme d'une monographie au format A4 de 120 pages, agrémentée de cartes postales, de documents d'époque et d'aquarelles réalisées pour l'occasion. J'ai donc eu droit à lui en acheter un exemplaire en primeur...
La qualité littéraire de l'ouvrage n'est évidemment pas sa plus grande qualité: l'éditeur a fait le choix de fournir l'ensemble des documents sans les corriger, et même si Julie Jacquemin avait une plume très passable... bon, ce n'est pas Zola, quoi... L'ouvrage a un petit côté suranné bien compréhensible vu son âge. A noter un grand nombre de notes de bas de page pour expliciter certaines références culturelles ou politiques, et pour éclairer le lecteur français de la signification de certaines expressions typiquement belges...
Il y a des éléments dans ces écrits qui choqueront certaines sensibilités actuelles (Julie n'est pas tellement plus grande que son époque, de ce point de vue), mais dans l'ensemble, j'ai trouvé qu'en tant que témoignage de la vie des expats en Russie Tsariste, c'est plutôt intéressant à lire. Il y a également quelques anecdotes assez... fascinantes. Julie est notamment témoin du pogrom de 1903 (au cours duquel elle s'interposera avec un pistolet à un coup entre des émeutiers et les juifs qui s'étaient réfugiés dans les entrepôts de la compagnie) et des grèves de 1905. Les descriptions qu'elle fait de son mari sont plutôt hilarantes: on sent bien qu'elle a un sacré caractère, et que le sexe fort, dans le ménage de madame Jacquemin n'est pas celui qu'on pense.
Bref, l'un dans l'autre, une assez bonne découverte, qui peut fournir de l'eau au moulin des maîtres de jeu de Space 1889 ou de Maléfices, par exemple...
Lectures de 2024: