Lordelric a écrit : ↑mar. janv. 14, 2025 7:59 pm
Urotsukidôji véhicule quelques images bien Cthulhiennes et beaucoup d'images culiennes aussi je trouve. Un exemple :
Spoiler:
Chez Cthulhu, les tentacules ne sont pas positionnés si bas.
Mais surtout, les protagonistes d'Urotsukidōji sont des habitants du Jūjinkai (les jūjin, ou hommes-bêtes) ou du Makai (les yōki, avec le yō de yōkai et le caractère oni, lu différemmen), des sorciers ou des surhommes, mais pas des investigateurs.
Sois satisfait des fruit, des fleurs et même des feuilles,
Si c'est dans ton jardin à toi que tu les cueilles.
Ne pas monter bien haut peut-être, mais tout seul.
Mugen a écrit : ↑mar. janv. 14, 2025 11:21 pm
... Mais surtout, les protagonistes d'Urotsukidōji sont des habitants du Jūjinkai (les jūjin, ou hommes-bêtes) ou du Makai (les yōki, avec le yō de yōkai et le caractère oni, lu différemmen), des sorciers ou des surhommes, mais pas des investigateurs.
Et quelques lycéen(ne)s aussi. Mais je te l'accorde, ça n'en fait pas du Buffy/Bichette pour autant
Ma remarque était essentiellement d'ordre visuel. L'image du Chôjin énorme et tentaculaire jaillissant de l'hôpital avant de déployer ses ailes de chauve-souris a tellement de similitude graphique avec celle du Maître de R'lyeh émergeant des profondeurs de sa cité à la fin du récit de l'Appel de Cthulhu que j'y vois plus que des coincidences
Elthaïn a écrit : ↑mar. janv. 14, 2025 9:18 pm
Je ne suis pas certain pour la France, et encore moins en 2025 : pour ma part, j'associe Lovecraft à la Nouvelle-Angleterre, et à son époque aussi.
Note que je n'ai pas dit « pour jouer dans l'ambiance des nouvelles de Lovecraft », mais « pour jouer lovecraftien ». Pour un lecteur ou une lectrice française de 2025, les nouvelles sont ancrées « il y a longtemps dans un pays lointain », mais Lovecraft lui-même ancré ses nouvelles « ici et maintenant ». Et je pense que l'angoisse métaphysique qu'il tente de véhiculer s'appuie notamment sur le fait qu'il met le minimum de barrières entre la réalité et la fiction. Mais tout le monde n'a pas envie de « jouer lovecraftien » et on peut très bien simplement vouloir « jouer avec Lovecraft ».
Ce que tu décris c'est plus Stephen King que Lovecraft je pense. La normalité version Lovecraft est bien alternative, y compris pour les lecteurs de son époque. Pour le "ici", Lovecraft dépeint une version plus sombre de New-York, de Boston, de Providence, de la Nouvelle-Angleterre, une variante subtilement déviante de l'ordinaire car nuancée d'une angoisse en gestation qui ne ne demande qu'à percer. Et d'ailleurs, ce "ici" ne lui suffit bientôt plus, alors il invente sa Nouvelle Angleterre à lui, celle que personne ne connait puisqu'elle n'existe pas, avec Arkham, Innsmouth, Dunwich, Kingsport... Arkham est peut-être ce qui s'apparente le plus à la normalité telle que la conçoit Lovecraft et si elle semble parfois proposer un cadre rassurant et rationnel (via son université par exemple), elle possède aussi ses vieux quartiers, ses rues tortueuses, ses édifices délabrés, parfois anciens au risque d'en devenir anachroniques et qui dépeignent une fausse normalité qu'il exploite pour mieux instiller le malaise dès les premières lignes.
Et si le "ici" est envisagé chez Lovecraft par le biais d’un prisme déformant, le "maintenant" l'est tout autant, avec l'anachronisme suggéré de nombreux lieux déjà, mais aussi avec le style même de Lovecraft. Lovecraft n'écrit pas comme un auteur du début du XXème, son style accuse un bon demi-siècle de retard quand ce n'est pas carrément un siècle entier. Ce qu'il revendique d'ailleurs, en bon admirateur de Poe, Huysmans, Machen ou Verlaine.
Je ne crois pas qu'un lecteur contemporain de Lovecraft aurait pu facilement se dire "woah, ça pourrait se passer en ce moment même, à deux rues de chez moi", je pense au contraire qu'il y découvrait un univers alternatif, plus hostile, plus menaçant, plus paranoïaque en somme, souvent légèrement suranné aussi, et ce même quand l'auteur s'employait à décrire le quotidien.
Dernière modification par Pyth le mer. janv. 15, 2025 4:40 pm, modifié 1 fois.
All things are true. God's an Astronaut. Oz is Over the Rainbow, and Midian is where the monsters live.
En sens inverse, on peut noter que la plupart de ses tentatives pour ancrer des histoires dans un terreau qu’il ne connaissait pas bien ont été des échecs (tentatives pour écrire sur Londres qui ne dépasse pas quelques paragraphes).
Mais aussi, quand il sort de la Nouvelle-Angleterre, sur le tard, il le fait en se documentant solidement et sans refus de la modernité (cas des Montagnes hallucinées, qui est une ode au progrès technique et au matos moderne qui devrait être adaptée par James Cameron).
Bref et comme toujours, chacun voit midi à sa porte…
Pyth a écrit : ↑mer. janv. 15, 2025 10:48 amune variante subtilement déviante de l'ordinaire
Oui, et tout est dans le « subtilement ». Note que s'il n'y avait pas de déviance, il aurait écrit des nouvelles réalistes, et pas fantastiques ; mais ici on s'attache à ce qui est à côté de la suspension consentie de l'incrédulité. Cette suspension marche d'autant mieux que le cadre en lui-même est réaliste (cf. aussi la notion de « magie² » de Blake Snyder).
Tristan a écrit : ↑mar. janv. 14, 2025 10:53 pm
En toute première approche :
1. Les effets de la guerre, à la fois physiques (25% du territoire ravagé, un million de maisons détruites), psychiques (des asiles qui débordent de soldats traumatisés) et idéologiques (entre le pacifisme et « l’Allemagne paiera »)
2. Le remodelage de villes qu’on croit bien connaître (Paris au premier chef) + des lieux qui n’ont pas tant changé que ça.
3. L’affaissement des élites en général et du personnel politique en particulier entre 1919 et 1939.
4. Des faits d’actualité qu’on connaît tous vaguement, mieux que ceux des USA (Stavisky vs Teapot Dome),
5. Le colonialisme assumé et magnifié.
6. Des luttes politiques qui font encore écho aujourd’hui, alors que l’équivalent US exige de s’y connaître en histoire.
Je comprends mieux, merci.
J'étais resté sur le "en 2025, en France", donc je n'avais pas pensé à l'après première guerre mondiale façon Adèle Blanc-Sec/Brindavoine, l'empire colonial, etc.
Pyth a écrit : ↑mer. janv. 15, 2025 10:48 amJe ne crois pas qu'un lecteur contemporain de Lovecraft aurait pu facilement se dire "woah, ça pourrait se passer en ce moment même, à deux rues de chez moi", je pense au contraire qu'il y découvrait un univers alternatif, plus hostile, plus menaçant, plus paranoïaque en somme, souvent légèrement suranné aussi, et ce même quand l'auteur s'employait à décrire le quotidien.
C'est comme cela que je vois les choses également.
Je ne partage donc pas ta perception de ce qui est lovecraftien, cdang. La Nouvelle-Angleterre et les années 20 entrent dans ma définition du lovecraftien, de même que le "vernien" me paraît intimement lié à la seconde moitié du XIXe siècle. Il y a, cependant, des transpositions réussies du lovecraftien ou du vernien à d'autres époques et sous d'autres latitudes. Delta Green, par exemple, pour ce qui est du jeu de rôle, et peut-être The Thing de Carpenter. En tout cas, nul besoin de transposer nos histoires dans l'ici et maintenant pour "jouer lovecraftien" parce que c'est ce que Lovecraft aurait fait. Il ne s'agit pas d'être Lovecraft ou d'imiter sa démarche, mais de ressusciter l'ambiance de ses nouvelles autour de la table.
Cassius Clef a écrit : ↑mer. janv. 15, 2025 2:12 pm
Je ne partage donc pas ta perception de ce qui est lovecraftien, cdang.
Et c'est tout l'intérêt d'en débattre ^_^
Cassius Clef a écrit : ↑mer. janv. 15, 2025 2:12 pmEn tout cas, nul besoin de transposer nos histoires dans l'ici et maintenant pour "jouer lovecraftien" parce que c'est ce que Lovecraft aurait fait.
En fait, tout dépend de ce que l'on entend par « jouer lovecraftien » ; pour moi, ça veut justement dire « parce que Lovecraft l'aurait fait », donc c'est tautologique. S'intéresse-t-on au décor ou au cœur du style ?
Qui Revient de Loin a écrit : ↑mar. janv. 14, 2025 9:25 pm
Je suis pas trop sûr à quoi c'est dû, mais j'ai l'impression que les villes/villages, les gens sont moins isolés en France, et donc que cela rend les choses moins effrayantes, moins mystérieuses.
J'attribuerai ça, sans l'avoir vérifié, à des densités de populations plus importantes en France, des distances plus faibles, une plus grande connectivité (route, chemin de fer), mais aussi à notre tradition centralisatrice.
J'avoue n'avoir pas pensé à cet aspect, mais, hormis la Lozère, c'est sans doute vrai. Et c'est aussi un pays qui a été crée plus récemment et ou la majorité de la population est arrivée depuis peu. J'entends que c'est encore, à ce moment, un territoire à conquérir (pas militairement parlant, s'entend). Ce qui laisse des zones d'ombre à...combler.
Pour illustrer ce propos, j'avais entendu dans un podcast, dans le cadre d'une série consacrée à l'histoire de l'automobile, qu'au tout début de l'aventure (donc avant les années 20), il y avait une proportion non négligeable d'automobiles électriques aux États-Unis. En effet, le principal défaut de ce type de propulsion, l'autonomie, n'était pas gênant dans la mesure ou les -rares- possesseurs d'automobiles les utilisaient dans des trajets urbains et donc court. Pour ce qui est de sortir des villes, ils passaient au train.
Alors qu'en France ou le pays est plus petit et plus densément peuplé, les utilisateurs sont vite sortis des villes pour faire le tour du pays et le moteur à explosion s'est vite imposé, pour son autonomie et la rapidité avec laquelle on pouvait remplir le moteur (par rapport au temps de rechargement de la batterie).
@Cassius Clef C'est marrant que tu cites The Thing en adaptation Lovecraftienne, car, pour ma part, dans la filmographie de Carpenter, j'aurais bien davantage cité In the Mouth of Madness (L'Antre de la folie).
Elthaïn a écrit : ↑mer. janv. 15, 2025 8:38 pm...pour ma part, dans la filmographie de Carpenter, j'aurais bien davantage cité In the Mouth of Madness (L'Antre de la folie).
Tu as raison, on ne peut pas faire plus lovecraftien !