Catherine de Médicis, Jean François Solnon, 2003

Catherine de Médicis peut être cernée d'emblée par des chiffres. Vertigineux.
69 ans sur terre. 3 semaines : le temps qu'il fallut avant qu'elle ne devienne orpheline. 5 rois côtoyés, dont 1 beau père, 1 mari et 3 fils. 12 ans : reine. 3 ans : régente. 10 enfants. 8 guerres de religion. Et d'innombrables deuils.
Il y a là plus qu'il n'en faut pour remplir une vie. Catherine c'est l'histoire d'une Florentine, bien née, mais que seule la proximité avec le Pape Léon X a pu faire rentrer dans la cour royale. Pari audacieux de la part de François 1er, dans le cadre d'une France s'étendant jusqu'en Italie. Pari raté.
Propulsée Reine de France alors qu'elle avait épousé le cadet. Puis régente sans le puissant soutien d'une assise familiale solide. Là voilà donc à la merci des factions dans une France qui s'embrase après 3 décennies de tension religieuse. Ce sera paradoxalement sa force : vivacité d'esprit, pragmatisme et tentative de trouver une voie médiane. Dans une France où la royauté a perdu son autorité, Catherine aura finalement réussi à sauver la monarchie. La petite Florentine au secours des Valois.
Échaudé par ma lecture d'un "Charles IX" cryptique, il me fallait un livre qui me guide dans cette tumultueuse deuxième moitié du XVIe. La figure de Catherine est alors un guide rêvé, tant elle constitue l'épine dorsale de la monarchie de cette période. Cette biographie signée Jean-François Solnon le démontre brillamment. Avec pour propos de démystifier la légende noire qui tourne autour de Catherine, il met en scène, clairement et sans fioriture toutes les péripéties rencontrées par la Reine Mère. Simple, sans être simpliste, grand public sans être sensationnaliste, complet sans pour autant être détaillé. J'ai pu parfois m'agacer de certaines interprétations assénées sans pour autant être sourcées. En effet, il ne faut pas s'attendre à des annotations sourcilleuses, nous ne sommes pas chez Didier Le Fur. J'ai parfois eu la sensation qu'un sujet aurait mérité un approfondissement. L'ouvrage qui compte un peu plus de 400 pages (plus quelques annexes plutôt utiles) aurait facilement pu en faire le double, s'il s'agissait d'un ouvrage académique. L'auteur a fait le choix de rester digeste et c'est tout aussi bien ainsi. La période riche en évènement demande en effet au lecteur d'être attentif aux alliances et autres renversements d'allégeance. Autant ne pas se perdre dans les circonvolutions inutiles.
La Saint-Barthélemy : les mystères d'un crime d'Etat : 24 août 1572, Arlette Jouana, 2007

À force de lire des biographies, j'avais un peu oublié la saveur d'une monographie. Voici donc un ouvrage sur ce sinistre épisode de la Saint-Barthélemy, 1572.
Débuté et abandonné l'année dernière, il aura fallu que je me familiarise avec les guerres de religion pour bien inscrire l'ouvrage dans son contexte historique et ainsi en reprendre la lecture plus confortablement. Bien documenté, l'ouvrage manque pourtant de repère pour le néophyte : la Saint Barthélemy s'inscrit dans un contexte des plus complexes et maniant d'innombrables acteurs qu'il aurait été difficile d'exposer ici mais qui manquera aux lecteurs les moins avertis.
L'ouvrage est autrement bien solide et ne fait l'impasse sur aucun des aspects de cette tragédie.
Autant pour la première Saint Barthélemy, celle de l'élimination des puissants chefs huguenots, il est rappelé le contexte de tension religieuse, la fragilité de l'autorité royale, les jeux de factions qui entourent le roi pour aboutir à cette décision, précipitée et si peu compréhensible. Plus qu'un complot ou qu'une manigance, c'est bien là le choix de l'auteur : attribuer cet évènement à la précipitation d'une réaction face aux évènements, malheureuse tentative d'instaurer l'ordre et la reprise d'une autorité par une justice royale expéditive.
Autant pour la seconde Barthélemy, analyse sociologique d'un peuple, inquiet, fanatisé et sous pression qui explose toutes ses frustrations passées en un tourbillon meurtrier, dépassant largement les intentions d'un Roi largement inconscient de la suite d'évènements qu'il allait déclencher.
Autant pour les innombrables retentissements de cet acte, entre échos diplomatiques sur l'échiquier européen, interprétations diverses des publicistes de leurs temps et, au final, impact sur la notion même de monarchie avec diverses tentatives de juguler le pouvoir royal qui, paradoxalement, paveront la voie à l'absolutisme de droit divin.
Au final, une monographie des plus solides, qui n'apporte pas de réponse absolue à la raison intime du déclenchement de cet évènement mais qui ne manquera pas d'inscrire cette date fondatrice dans le temps long d'une France en pleine crise confessionnelle et d'une royauté en voie de transformation.