Hellfrost : Player's guide
 
Les premiers settings pour Savage World, qui est au départ un système générique, répondaient à la règle du "tout en un".
Pour chacun d'entre eux, on trouvait, en un seul livre, un background, des modifications et ajouts de règles spécifiques à l'univers de jeu, un bestiaire et un synopsis de campagne, ainsi que des accroches de scénarii intercalaires en option, pour rallonger la sauce.
Cependant, depuis quelques années, la politique éditoriale de l'éditeur de SaWo a changé. Savage World n'est pas OGL, mais il est possible, moyennant finance, de produire des suppléments sous licence savage World. Beaucoup de petits éditeurs s'y sont mis, sans doute pour surfer sur l'engouement croissant que connaît ce système outre-atlantique.
Les éditeurs râtissent large et, ayant constaté que beaucoup de joueurs sont fidèles à un système davantage qu'à un jeu, certains n'hésitent pas à proposer des versions de leurs jeux maison sous différents systèmes (exemple : Green Ronin propose son setting Freeport, originalement crée pour DD3, sous version True20 ou Savage World ou Pathfinder).
Rien de tout cela avec Hellfrost dont l'auteur, Paul "Wiggy" Wade Williams, fut dès les origines un des auteurs les plus prolifiques pour Savage World avant de créer sa propre maison d'édition, Triple Ace Games. On doit déjà à cet éditeur les daring Tales of Adventures pour jouer du Pulp et les settings "sundered skies" ou "Necropolis", par exemple. 
Hellfrost est donc bien, pour l'instant, un produit 100% SaWo.
Pourtant, il s'éloigne de la règle du "tout en un" pour nous proposer un setting qui tient en trois livres : un player's book, un gazeeter et un bestiary.
Pour tous ceux qui auraient pu reprocher aux settings habituels de SaWo de manquer de substance, en raison de leur format très court, c'est une innovation. Pour tous ceux qui, au contraire, appréciaient le format habituel lié à ce système, c'est potentiellement une déception de la part d'un des maîtres du genre, à qui on doit entre autres les settings "Rippers" et "50th fathoms".
En tant que fan de savage World, j'ai décidé d'acheter ce setting pour me faire une idée ce qu'il vaut, et l'analyse ici-présente en est le modeste résultat.
Commençons par le Player's Book.
Disons-le tout de go, si vous souhaitez créer vos propres aventures dans le monde de Rassilon, le player's book ne vous suffira pas. Comme son nom l'indique, il s'intéresse avant tout à la création de personnages et aux règles spécifiques à Hellfrost.
Néanmoins, si vous comptez faire jouer les scénarios vendus par l'éditeur, vous n'aurez besoin de rien d'autre, car chacun d'entre eux fournit la description des lieux visités et les caractéristiques des pnj et créatures rencontrés.
Ceci étant dit, passons au contenu du livre en lui-même.
1. Le monde
L'ouvrage commence avec une brève description, en une page, du setting. Disons pour résumer qu'il s'agit d'un monde high-fantasy assez classique, si ce n'est qu'il est entré dans le début d'une ère glaciaire. Un siècle auparavant, des monstres des glaces divers et variés ont afflué du nord lointain et ont ravagé la plupart des terres connues. Cette sombre période, connue sous le nom de guerre du blizzard, s'est soldée par un repli des monstres dans le nord. Mais depuis ce temps, un mur de glace gigantesque est apparu au nord, et le froid s'est fait de plus en plus intense, et les hivers de plus en plus rudes. Si les terres du sud sonr à peu près préservées, le froid y gagne inexorablement du terrain. Quant aux territoires les plus septentrionaux, ils sont devenus des enfers de glace, des terres ravagées où les peuples qui n'ont pas fui vers des contrées moins hostiles survivent péniblement.
2. Les peuples
Les peuples humains se divisent en quatre cultures principales.
Les Anari, les plus civilisés, règnaient autrefois sur un vaste empire, mais leur peuple est devenu décadent. Lors du début de la guerre du blizzard, leur capitale fut anéantie en quelques heures par les hordes des glaces. De nombreuses provinces en profitèrent pour déclarer leur indépendance, et le royaume Anari, de taille réduite, n'est plus que l'ombre de sa gloire passée. Ces heures sombres n'ont pas rendu son peuple moins décadent. Tournés vers le passé, ils se gargarisent en vain de leur grandeur perdue.
Les Saxa, comme leur nom l'indique, sont très inspirés des saxons. Dirigés par un haut roi, ce peuple est divisé en plusieurs royaumes secondaires plus ou moins alliés, mais tous confrontés à leurs propres difficultés. Si certains s'enrichissent des cultures étrangères et s'éloignent peu à peu de leurs racines, d'autres, au contraire, s'accrochent farouchement à leur culture et à leurs traditions. Ainsi, il est difficile de décrire un Saxa type, car si certains sont désormais sédentaires et mènent une vie paisible dans les terres du sud, d'autres continuent à mener une vie qui tourne autour des raids et des pillages.
Les Tuomi  évoquent plutôt la culture picte, avec leurs tatouages intégraux et leurs cheveux teintés au henné et autres colorants naturels.
Les Finnar enfin, qui vivent au nord, sont des nomades dont le mode de vie évoque celui des esquimaux, des survivants qui hantent les étendues glacées.
Les elfes se divisent en deux peuples.
Le premier, celui des elfes du foyer, est le plus proche des elfes "classiques". Réfugiés dans les terres chaudes, ces exilés du nord ont abandonné leurs forêts d'origine pour des forêts aux climats plus vivables.
A l'opposé, les elfes de la taïga ont refusé de quitter le nord et se sont adaptés à leur nouvel environnement.
Les deux peuples ne s'aiment guère, chacun ayant un peu de mépris pour les choix de l'autre, mais ne sont néanmoins pas en guerre, d'autant qu'ils sont trop éloignés les uns des autres pour cela.
Les nains, dans les montagnes, sont sans aucun doute ceux qui ont eu le plus à souffrir des changements climatiques. Désormais connus sous le nom de nains des glaces, ils ont payé un lourd tribut à la loi de l'évolution et sont devenus plus isolationnistes que jamais.
Quant aux halfelins, ils sont appelés Engro dans le monde de Rassilon. Si certains cultivent l'herbe à pipe dans l'équivalent local de la Comtée, la majorité d'entre eux sont des voyageurs itinérants, des sortes de gitans qui se promènent en caravanes bariolées, jouent les amuseurs publics et sont suspectés de vol de poule. Pour une fois, ils ne sont pas experts à la fronde mais à la matraque (imaginez des hobbits CRS habillés en gitan, et vous aurez une idée du tableau).
Restent enfin les Frostborn, mutants issus de toutes les races qui naissent avec une peau bleue, une grande résistance au froid et une affinité naturelle avec la magie des glaces. Souvent considérés comme maudits dès la naissance, beaucoup d'entre eux sont abandonnés ou chassés de leurs village, ce qui conduit la plupart d'entre eux vers la criminalité. A moins qu'ils ne choisissent de partir vers le grand nord pour rejoindre les troupes des monstres des glaces...
3. Des dieux,des sociétés secrètes et des ordres laïcs à foison :
Il y a plus de vingt dieux majeurs dans le panthéon de Rassilon (on ne parle pas encore des dieux mineurs), et tous ne sont pas très fréquentables. Chacun d'entre eux dispose de son clergé et de son ordre de paladins. Chacun a ses projets plus ou moins secrets.
Le panthéon est cependant expedié de façon assez laconique, avec une à dex colonnes par dieu, mais en même temps, pas besoin de trois pages pour expliquer ce qu'est un dieu de la guerre ou un dieu de la justice...
Comme si les bêtes des glaces ne suffisaient pas, l'ancien dieu de la mort a pété un plomb et ouvert les portes de l'enfer. Les démons et les mort-vivants se sont répandus en masse, mais heureusement, un autre dieu a fermé la porte et monte la garde à la place du traître. Mais le dieu renégat et ses sbires rôdent toujours.
Parmi les laïcs, les sectes et les sociétés secrètes abondent, peut-être même trop car du coup les PJ comme le MJ ne savent plus trop où donner de la tête, d'autant que les buts occultes de la plupart d'entre eux sont décrits dans le Gazeeter (autre supplément). Néanmoins, tous ces cultes et tous ces ordres sont accessibles pour des personnages débutants, ce qui promet de longues explications avant que les joueurs ne fassent leur choix s'ils décident d'orienter leur PJ davantage vers l'intrigue que vers l'action.
4. De la magie en veux-tu en voilà :
Les familiers du système SaWo savent que sa magie fonctionne habituellement avec des points de magie. Pas de bras, pas de chocolat, plus de points plus de magie.
Dans Hellfrost, exit cette méthode pourtant éprouvée par les fans : le monde de Rassilon souffre d'un phénomène nommé le siphonage (en anglais cest plus classe, c'est le siphoning, ouaaaah).
En gros, on peut jeter autant de sorts qu'on veut tant qu'on réussit, mais sur un échec, on risque de perdre la faculté d'en lancer pendant une prériode plus ou moins longue. Parfois même pour toujours, dans les cas les plus graves.
Donc, soit on a du bol et c'est son et lumières à chaque partie, soit on n'en a pas et c'est un sort par séance, voire moins...
Par contre, la variété est de mise dans les lanceurs de sorts. On trouve dans Rassilon des haut-mages issus de la magiocratie (le pays des haut-mages) avec leurs bâtons magiques. On trouve aussi des élémentalistes, des druides, des bardes/skalds, des mages des glace (très impopulaires par les temps qui courent) ainsi que des prêtres (qui eux ne sont pas sujets au siphonage, mais qui s'exposent à la colère de leur dieu) ou encore des magiciens runiques qui tracent des glyphes (genre nain).
Chaque type de lanceurs de sorts choisit dans une liste qui lui est propre. 
A cet effet, la liste de sorts du ldb de SaWo est réecrite et étendue.
5. Avantages et handicaps, matériel et autres joyeusetés :
Comme dans tout setting pour SaWo, les avantages et handicap spécifiques à hellfrost abondent, et ce d'autant plus que cette fois-ci l'auteur a assez de pages pour se lâcher. Ceux-ci vont du plus trivial au plus bourrin, pour la plus grande joie des joueurs qui auront de quoi choisir... mais une liste récapitulative de tout ça, avec les pré-requis à côté, aurait été la bienvenue. Or, il semble qu'elle ait été oubliée.
Côté catalogue de matériel, on est face à du classique et du solide, de la dague à l'engin de siège pour les armes, du sac à dos à la monture mamouth antropophage (oui, c'est un poil bizarre) pour le matériel.
Côté règles spéciales, le setting introduit aussi le score de gloire, qui permet de mesurer la réputation des pj et d'influencer leurs rapports avec les pnj.
Et bien sûr, la gestion des malus liés au froid (c'est quand même un monde où ça compte).
6. Quelques touches en plus :
Il faut enfin ajouter à tout cela des indications à propos de la vie sur Rassilon telles que le calendrier local, les us et coutumes les plus marquants de quelques peuples et les titres de noblesses, afin de se faire une meilleure idée du monde.
Au final, l'impression laissée par le player's book est mitigée. Il s'inscrit dans la politique modulaire de la gamme, puisqu'il est suffisant pour faire jouer les scénarios officiels mais trop court pour créer les siennes. 
Il enrichit grandement les règles de base de SaWo mais les rend par là-même plus complexe, ce qui ne fait pas d'hellfrost un bon setting pour découvrir le système.
Il évoque une ambiance qui rappelle un peu celle d'un Warhammer des glaces (parce que le chaos rampe sournoisement et qu'on y trouve plusieurs peuples en commun), mais plus orienté celtique que renaissance, contrairement à son aîné.
On devine d'ores et déjà un setting riche de potentialités, mais qui part un peu dans tous les sens. 
Le MJ va devoir faire du tri pour donner une vraie cohérence à l'ensemble.