Houses of the blooded : retour de lecture

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Pellinore
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Houses of the blooded : retour de lecture

Message par Pellinore »

Parlons aujourd’hui d’un jeu qui a été évoqué ça et là sur ce forum, mais pas vraiment chroniqué : Houses of the blooded.
Il s’agit d’un jeu paru en 2008, écrit par John Wick, à qui l’on doit L5R, 7th sea, et dont le contesté livre de conseils de jdr « dirty MJ » a été traduit dans la langue de Molière il y a peu de temps.
J’en vois déjà qui salivent. Ne vous emballez pas, les gars : les récents jeux de M. Wick n’ont pas grand-chose à voir avec leurs illustres prédécesseurs. Wick a découvert le système FATE, l’a arrangé à sa sauce et a sombré dans le style narratif/participatif.
Disons-le tout de suite, afin qu’il n’y ait pas de malentendu là-dessus : je ne suis pas fan du système Fate et des jeux de troisième génération (participatifs et à traits libres), parce qu’ils ne correspondent pas, habituellement, à ce que je recherche dans le jdr.
Mais de même qu’un amateur de bon vin peut préférer le bordeaux et savoir apprécier de temps en temps un bon bourgogne (ou inversement), j’aime le jdr en général, et donc j'ai eu la curiosité de décortiquer le machin. Mais revenons-en à Houses of the Blooded.

I. Présentation du BG :

Une civilisation mystérieuse
HotB s’inspire d’une civilisation mythique, les Ven, qu’il situe « quand les civilisations Atlantes et Hyperboréennes étaient encore jeunes ». On nous dit qu’il en est brièvement question dans quelques très vieux bouquins moisis, mais je ne suis pas allé vérifier si c’était vrai, et franchement, on s’en tape un peu le coquillard, puisqu’apparemment on ne sait quasiment rien d’eux : l’auteur a largement extrapolé à partir de ce qu’il avait sous la main, et il nous encourage à faire de même.
Les Ven vivaient donc sur un monde qu’ils appelaient « Shanri », et s’ils ressemblaient beaucoup à des humains, ils n’en étaient pas pour autant. Ils avaient des couleurs de peau allant du brun rouge au brun foncé, des teintes de cheveux semblables aux nôtres (encore que le blond soit beaucoup plus rare) et des yeux aux couleurs parfois très exotique (genre rouge ou jaune). La grossesse d’une femme Ven ne durait qu’une saison, et les gens de ce peuple « vivaient » environ un siècle. La maladie était une chose inconnue chez eux, et ils ne mourraient jamais de vieillesse. Mais en prenant de l’âge, ils devenaient plus grands, plus fins, plus fragiles. Puis, vers cent ans, ils se mettaient à exsuder un liquide blanchâtre qui formait comme un cocon autour d’eux et ils sombraient dans un sommeil sans fin, devenant ainsi des Suavens, des créatures aux désirs énigmatiques avec lesquelles on n’entre en contact que par le rêve.
Ainsi, ni le temps ni la maladie ne pouvaient tuer les Vens. Mais ils n’étaient pas immortels pour autant. Les accidents, les meurtres et autres morts violentes n’étaient pas rares, et suscitaient une tristesse infinie : être privé du sommeil des Suaven pour entrer dans le néant de la mort, la fin de toute chose, leur semblait tout simplement insupportable.

Du sang dans les Vens
Sur le monde de Shanri il n’existait que deux types de créatures : les Vens et les Orks. Le mot « ork » désignait en fait tout ce qui n’était pas Ven, et les Orks étaient monstrueux, au propre comme au figuré.
A l’origine, les Vens n’étaient que les serviteurs de puissants roi-mages, mais ceux-ci s’étaient livré à une guerre fratricide à outrance, et aucun d’entre eux n’y avait survécu. Cette guerre avait fait de Shanri une terre brûlée et peuplée de monstres, et les Vans avaient eu bien du mal à la rendre à nouveau vivable. Aussi s’étaient-ils regroupés en familles, puis en lignées de sang, puis en maisons. Les plus nobles d’entre eux étaient les « Blooded », car ils avaient bénéficié d’un rituel de sang qui les rendait plus puissants. Les autres, les « unblooded », étaient considérés comme des esclaves dépourvus de droits, des objets, en quelque sorte. Ils acceptaient cet état de fait comme une chose naturelle.
Chaque Ven appartenait donc à une des six maisons existantes, et chacune de ces six maisons prisait une vertu plus que les autres. Chacune de ces maisons avait également un totem animal.
Ainsi, l’isolationniste et rude maison de l’Ours prisait la force. La raffinée et prévoyante maison du Cerf vénérait l’intelligence. L’exotique et vagabonde maison du Faucon mettait en avant le courage. L’intrigante et artistique maison du Renard appréciait avant tout la beauté. La mystique et mystérieuse maison du Serpent croyait en la sagesse. Et la vaillante et bouillonnante maison du Loup révérait la prouesse martiale.

[Ici, tous les gens qui connaissent un peu L5R lèvent l’oreille : les maisons rappellent forcement un peu les clans. L’Ours ressemble à un mix dragon/crabe, le Cerf pourrait être la grue, le renard s’appeler le scorpion, le serpent fait penser au phoénix et le loup au lion…
En fait, on s’imagine vite jouer à L5R avec le système de HotB, possibilité qui deviendra encore plus évidente avec le supplément/complément Blood & Honor, qui utilise les mêmes règles pour jouer des samuraïs. On y reviendra dans une chronique future. Néanmoins, pour ce qui est d’HotB, la société Ven ne ressemble pas vraiment à la culture Rokugani.]

Chacune des maisons s’organisait selon une structure pyramidale d’inspiration féodale, commune à toutes. A la tête de chaque maison se trouvait un duc. Celui-ci régnait sur des marquis, qui régnaient sur des comtes, qui régnaient sur des barons, qui régnaient sur des chevaliers, qui régnaient sur les paysans.
Il n’y avait pas vraiment de prêtres chez les Ven, car la seule chose qui pouvait ressembler à une religion résidait dans la prière aux Suavens, qui depuis leur sommeil guidaient parfois les éveillés. Certes, certains Suavens étaient révérés par plus de monde, et leurs adorateurs formaient des cultes plus ou moins secrets, mais tout ceci était une question de foi et n’avait rien d’officiel.
L’ensemble des nobles formaient le sénat, où la valeur du vote de chacun était indexée selon le nombre de territoires qu’il possédait. La plupart des décisions importantes étaient donc prises collégialement. Jadis, les Ven avaient eu un empereur, mais le dernier en date, 200 ans auparavant, avait sombré dans la folie en manipulant imprudemment le savoir magique des anciens roi-sorciers. Il avait fallu la coalition de toutes les maisons pour venir à bout de son règne maléfique, et sa maison d’origine, celle du Cerf, porta à jamais la honte de cette faute.
Depuis, un consensus tacite s’était fait : il n’y aurait plus jamais d’empereur, les plus puissants des Vens seraient les six ducs des six maisons.

Ce qui est à moi m’appartient
Lorsqu’un Ven voulait une chose, il se contentait de la prendre. Si cette chose appartenait à quelqu’un, il y avait deux cas de figure : soit cette personne la lui cédait, soit elle essayait de la conserver.
La loi du plus fort prévalait : si un Ven ne parvenait pas à conserver ses biens, c’est qu’il n’était pas digne de les conserver. Cette règle valait tout aussi bien pour une tasse en terre cuite que pour un cheval ou un château.
Néanmoins, afin d’éviter que tout cela ne dégénère en un bain de sang généralisé, il existait les duels. Ceux-ci n’étaient permis qu’à partir du moment où un conseil composé de six membres des six maisons l’autorisait. Ces duels allaient rarement jusqu’à la mort, et pouvaient être autorisés également dans les cas où un Ven estimait qu’il avait été offensé par un autre. Et comme depuis la chute du dernier empereur plus aucun noble n’était autorisé à entretenir une armée, les conflits territoriaux se soldaient généralement par un duel entre deux seigneurs.
Pourtant, ceux qui ne se satisfaisaient pas du caractère aléatoire d’un duel usaient volontiers de l’assassinat, et l’usage du poison était populaire : il est plus facile de prendre quelque chose dont le propriétaire est mort. Bien sûr, le meurtre était illégal, mais encore fallait-il découvrir le coupable et prouver sa culpabilité.


La vengeance est vôtre
Il n’existait pas de mot Ven pour désigner la justice, mais il en existait un pour désigner la vengeance. Ce même mot, prononcé légèrement différemment, signifiait également « passion ».
Certes, les Ven avaient quelques lois fondamentales (six, en fait) et le fait d'enfreindre ouvertement l'une d'entre elles pouvait obliger un Ven à "porter le noir". Durant cette période, le Ven renonçait à l'usufruit de ses terres et se trouvait socialement ostracisé.
Mais pour tous les cas où l'identité du coupable n'était pas clairement définie, et ne pouvait donc donner lieu ni à un duel, ni à une condamnation à porter le noir, il restait la vengeance.
Le Sénat avait loisir d’autoriser un Ven à exercer son droit de vengeance durant une période définie. Le Ven se vêtait alors de rouge et, durant cette période, était autorisé à rechercher et à tenter de tuer le coupable, ainsi que tous ceux qui voudraient s’interposer entre lui et sa vengeance. Une fois la vengeance accomplie ou le temps écoulé, l’affaire était close. Définitivement.

Et les PJ dans tout ça ?
Les PJ sont de jeunes barons. Ils doivent survivre aux intrigues des PNJ et parfois des autres PJ, voire intriguer eux-même pour accroître leur pouvoir si ça les amuse. On louche clairement plus vers une ambiance à la trône de fer que vers une ambiance à la Seigneur des anneaux. Et la partie des règles qui concerne la gestion des fiefs rappelle des jeux comme Birthright ou encore Pendragon.

Etrangetés en vrac
Comme nous l’avons dit plus haut, les Ven ne peuvent entretenir d’armées. Cependant, ils sont autorisés à avoir une « garde personnelle » afin de protéger leurs biens et eux-mêmes. A ces unités limitées en taille s’ajoutent des armées secrètes, dissimulées dans les provinces et déguisées en paysans.
Les Ven privilégient également l’amour courtois, et leurs histoires de cœur s’étalent souvent sur de longues années, au terme d’un parcours amoureux extrêmement codifié, que n’auraient pas reniées les cours d’amour Arthuriennes.
Et puis il y a les Orks. Ces bêtes aux pouvoirs étranges qui errent un peu partout.
Et les reliques des roi-sorciers, leurs anciens artefacts et les rituels qui s’y rattachent, formant ensemble un savoir interdit et dangereux, à la fois si tentant et si corrupteur…
Bon, je ne vais pas expliquer ici toutes les subtilités et les contradictions de la culture Ven, mais elle est riche, complexe, et offre largement de quoi dépayser les joueurs tout en leur donnant du grain à moudre.

Conclusion du BG
Les amateurs d’action débridée ne trouveront probablement pas ici le terrain de jeu idéal : certes, les opportunités de combat sont nombreuses, mais le BG sent l’intrigue d’alcôves, les complots, les alliances, les trahisons, les chantages, les passions les plus exaltées ou les plus noires de l’âme humaine, la tragédie.
C’est un jeu de politique. Et c’est, je le pressens, un de ces jeux qui plaira beaucoup aux filles, ce qui n’est pas si courant dans le jdr.
Mais c’est aussi un BG bien vide. J’entends par là que si beaucoup de choses nous sont dites sur les us et coutumes des Ven, sur leurs valeurs morales, leur mode de vie et leur conception de l’existence, on ne saura par contre rien des lieux qu’ils habitent ni des gens qui les dirigent : il n’y a même pas de carte du monde fournie.
Un peu comme dans le jeu Sengoku, où on vous explique tout des mœurs du Japon féodal sans pour autant vous donner un cadre géopolitique et historique précis, vous saurez qui sont les ven et comment ils vivent… mais pas plus.
Cela tient à une raison intrinsèquement liée au système de jeu choisi. En effet, chaque table aura une vision du monde de Shanri extrêmement différente des autres… car c’est un monde que vous allez fabriquer avec vos joueurs. Et quand je dis « avec », ce n’est pas qu’une image. Les joueurs y apporteront autant de choses que le MJ, et sans doute même plus !

[à suivre avec la partie II : le système]
Dernière modification par Pellinore le sam. juil. 02, 2011 10:14 am, modifié 1 fois.
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chaviro
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J. Wick, le type qui s'écoute écrire et qui ne se relit jama

Message par chaviro »

Merci Pellinore pour ce résumé intéressant (de la part d'un lecteur de HotB qui en est déjà à sa seconde tentative avortée).
Pellinore a écrit :[à suivre avec la partie II : le système]
Mangelunes, aiguise ton couteau :twisted:
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Re: J. Wick, le type qui s'écoute écrire et qui ne se relit

Message par Mangelunes »

chaviro a écrit :Merci Pellinore pour ce résumé intéressant (de la part d'un lecteur de HotB qui en est déjà à sa seconde tentative avortée).
Pellinore a écrit :[à suivre avec la partie II : le système]
Mangelunes, aiguise ton couteau :twisted:
Schling, schling, schling...

Ce jeu a une bonne base, la preuve : il reste toujours dans un coin de mon esprit, façon "Et si tu résumais les règles comme tu l'as fait pour 127 jeux auparavant, histoire de mettre le doigt sur les trucs qui manquent - ou qui sont disséminés ailleurs me dit un naïf - et comprendre enfin comment faire de ce jeu un tout, peut-être même y faire jouer un jour ? Ou s'en inspirer ?"

Effectivement, la différence entre Sengoku et HoB, c'est que ce dernier n'a pas de parti-pris historique (on peut tout inventer sans crainte de se faire reprendre par un ayatollah du Japon) - au contraire, le principe avoué est qu'on ne se souvient plus de ce peuple passé - et qu'en plus il propose une forme de création de royaume.
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philippe_j
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Re: Houses of the blooded : retour de lecture

Message par philippe_j »

Très intéressant tout ça. Ca fait des mois que j'entends parler de ce sacré jeu sans qu'on ne m'explique vraiment de quoi il retourne. Merci :)
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Dokkalfar
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Re: Houses of the blooded : retour de lecture

Message par Dokkalfar »

La suite, la suite! Je l'avais loupé celui-là, c'est avec impatience que j'attends de te lire.
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Re: Houses of the blooded : retour de lecture

Message par Prosnit »

Choucroute. Toujours intéressé par ce qui s'en dit.
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Pellinore
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Re: Houses of the blooded : retour de lecture

Message par Pellinore »

Bon, le week-end est chargé et je manque de temps pour rédiger, du coup, je vais le faire par morceaux :)

II. le système

C'est pas ma FATE
Comme je l'ai dit plus haut, le système d'HotB est inspiré du système FATE. Pour ceux qui le connaissent, je me contenterai de dire qu'HotB n'en conserve directement que le notion "d'aspects", et qu'il se débarasse des Fudge dices pour les remplacer par des pools de d6 ordinaires. Pour ceux qui ne connaissent pas FATE, il y a ailleurs sur ce forum un long sujet qui en parle de façon détaillée. Je ne développerai pas davantage sur ce point, car cela ne ferait qu'embrouiller mon propos.

La notion participative
Dans HotB, comme dans la plupart des jdr, lorsqu’un doute raisonnable concernant l’issue d’une situation importante survient, on lance les dés.
Cependant, là où les jeux « normaux » utilisent les dés pour savoir si une action tentée est réussie ou pas, dans HotB, l’enjeu du jet est de déterminer qui[ /i] va raconter ce qui se passe. Pour aller à l’extrême, même si vous ratez votre jet, le MJ peut décider que vous avez réussi, et même si vous réussissez votre jet, vous pouvez choisir d’échouer.
Gagner grâce aux dés le droit de décider ce qui se passe s’appelle ici « le privilège », et cette notion se trouve au cœur du système. Tout le reste du système consiste à déterminer jusqu’à quel point celui qui gagne le privilège prend le contrôle de l’histoire.
C’est une notion très dérangeante, de prime abord, pour le MJ, qui habituellement contrôle à peu près tout, et pour les joueurs, qui bien souvent réagissent plus qu’ils n’agissent dans le déroulement des parties.
Ici les joueurs deviennent co-créateurs du scénario et aussi du BG, qui se construisent tous deux au fil des jets de dés et des séances.
Pour schématiser le concept du jeu, le MJ se contente de présenter des situations dont les joueurs inventent eux-mêmes les tenants et les aboutissants. A l’entrée de chaque scène, à l’apparition de chaque nouveau PNJ, le MJ présente trois faits, et après les PJ brodent.
Pour ce faire, ils écartent volontairement des dés parmi ceux qu’ils sont autorisés à lancer, réduisant aisni leur chance d’emporter le privilège. Chaque dé ainsi mis de côté s’appelle un gage. Et chaque gage permet d’ajouter quelque chose à une scène. On pourrait donc dire que finalement, les dés les plus importants du jeu sont ceux… qu’on ne lance pas.

Exemple :
MJ : Vous entrez dans la pièce. Il y a un cadavre allongé par terre. C’est une femme. Elle porte l’emblème de la maison du loup.
PJ1 : Je cherche des indices. Qu’est-ce que je vois ?
MJ : Je ne sais pas. Fais ton jet.
PJ1 : j’ai trois gages.
MJ : Vas-y, invente trois trucs.
PJ1 : Elle ne porte pas de traces apparentes de blessure. Il y a un verre vide et brisé à côté du corps. La fenêtre du fond est ouverte.
PJ2 : Est-ce que je connais cette femme ?
MJ : Je ne sais pas. Fais un jet.
PJ2 : j’ai trois gages aussi.
MJ : Vas-y, tu connais la chanson.
PJ2 : Oui, je la connais. C’est la femme du baron local. On la suspectait d’avoir une aventure avec un baron de la maison du serpent. Elle n’avait jamais eu d’enfants.

Bon, il y a des garde-fous dans le système. Un joueur ne peut pas affirmer : « c’est son amant serpent qui l’a tué », par exemple, puisqu’il ne peut parler que de ce qu’il voit ou de ce qu’il a entendu dire. Mais à l’extrême, il pourrait dire : « c’est moi qui l’ai tuée ».
Dans les jets en opposition, les personnages utilisent à tour de rôle leurs gages pour broder l’histoire. Il est impossible d’annuler ce qui a été dit, mais il est possible de compléter ou de nuancer en disant « oui mais » ou « oui et ».

Exemple :
Un des PJ cités plus haut s’apprête à rentrer dans sa chambre, mais un PNJ est en train de la fouiller. Le pnj tente de se cacher, et le PJ tente de le voir. Le PJ gagne le privilège avec trois gages. Le PNJ perd l’opposition mais conserve quand même deux gages.
PJ : Je trouve ce type en train de fouiller ma chambre (privilège). Il n’y a pas de fenêtre par laquelle il puisse s’enfuir (premier gage).
PNJ : Oui, mais tu ne portes pas ton épée (premier gage)
PJ : D’accord, mais j’ai mon couteau (deuxième gage)
PNJ : Je jette une capsule fumigène à terre afin de m’enfuir (deuxième gage)
PJ : Si tu veux, mais je n’ai pas quitté l’encadrement de la porte (troisième gage)

Bon, OK, il est impossible de prévoir comment le scénario va se dérouler et dans quelle direction on va aller. Je connais au moins 15 MJ qui auraient une attaque d’apoplexie à la seule idée de laisser un tel pouvoir aux joueurs. Et je connais au moins trente joueurs qui seraient tétanisés à l’idée de devoir inventer eux-même des trucs sur le BG, les PNJ rencontrés ou les indices qu’ils vont trouver… Et j’en connais au moins autant qui seraient ravis de le faire… Et qui transformeraient la partie en cauchemar ludique à force de faire n’importe quoi.
Et étrangement, j’en connais même certains avec qui je suis à peu près sûr que ça se passerait très bien.
Et en en parlant autour de moi, j’ai même trouvé des gens que je crois assez matures pour y arriver… mais qui ne sont pas encore enthousiastes à l’idée d’essayer

Ce n’est définitivement pas un système à mettre entre toutes les mains… Mais pourquoi ne pas essayer ? A condition d’arriver à former la bonne table pour ça, bien sûr…

Les mains dans le cambouis, comment ça marche

Lorsqu’il tente de gagner le privilège, un personnage lance un certain nombre de D6 qu’il additionne entre eux. Ce nombre est égal à la somme de son score dans la vertu la plus appropriée, auquel s’ajoutent des dés liés à un éventuel aspect.

Les vertus sont au nombre de six, et on les a déjà vues en parlant plus haut des maisons : Force, intelligence, courage, beauté, sagesse et prouesse. A la création, chaque Pj se voit attribuer une vertu à 4, deux vertus à 3, deux vertus à 2, et une à zéro, qui représente sa faiblesse (personne n’est doué partout).
Je veux mentir comme un arracheur de dents, j’utilise beauté. Je veux blesser quelqu’un, c’est prouesse. Je veux escalader un mur c’est force, trouver un indice c’est l’intelligence, bref, rien de compliqué.
On additionne les dés. Il faut faire plus de 10 sans opposition, et plus que les autres protagonistes s'il y a opposition. Le vainqueur emporte le privilège.
Sauf pour la faiblesse. Quand j’ai 0 dés à lancer, comment je fais ? Je ne peux pas gagner le privilège ? Mais si, car c’est ici que les aspects entrent en jeu.

[à suivre : les aspects]
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Re: Houses of the blooded : retour de lecture

Message par Dokkalfar »

Très bien présenté. J'ai craqué, je me suis payé le pdf et je le recommande à tous pour un peu moins de 3 €. Je ne suis pas une star en anglais, mais le style de Wick est vraiment limpide.
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Re: Houses of the blooded : retour de lecture

Message par segle »

Je pense ne pas me tromper en écrivant que ce jeu place le jeu d'histoire comme essence de chaque session de jeu. Ça plaira peut-être à peu, et ce n'est certainement pas le genre de jeu capable de convenir pour initier quelqu'un au jeu de rôle.

Sans troll aucun, pour moi le jeu de rôle c'est du ludique (jeu) et de l'histoire (on incarne un rôle, qui va vivre les aventures). Coller à la réalité de l'univers joué ? Des combats tactiques et/ou stratégiques ? "Gagner" ? Ce n'est pas ce que je cherche. Je cherche avant tout ce que je faisais il y a longtemps : de l'impro, mais avec le ludisme en plus...

Y amener des rôlistes capables d'improviser rapidement, et avoir/faire le MJ qui va avec, en utilisant ce système de privilège/gage, ça me paraît tout simplement jouissif, et je vais claquer les 3euros dans quelques secondes. Qui sait, j'y trouverai peut-être des astuces pour pousser/aider mes joueurs à utiliser davantage la possibilité d'influencer la narration possible avec le système maison que j'utilise à toutes mes parties ^^'
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Re: Houses of the blooded : retour de lecture

Message par Prosnit »

A tout hasard, si quelqu'un se sent de lancer une partie-test sur Paris...
^^.
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Re: Houses of the blooded : retour de lecture

Message par Whimpering Vote »

C'est vrai que l'idée est clairement intéressante ... dommage que Wick ne nous propose plus que des béta depuis bien longtemps, parce qu'il y a un potentiel énorme, si tout cela était clairement explicité et encadré
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Re: Houses of the blooded : retour de lecture

Message par segle »

Le grue et le scorpion qui se foutent sur la gueule ouvertement autour de la table, alors que leurs personnages restent "de marbre", ça vous rappelle pas des souvenirs ? Le joueur qui vous dit que tel truc est pas possible parce qu'en l'an X, à tel village, tel personnage célèbre n'a pas réussi donc tu ne pourras pas y arriver toi non plus ? Ca vous rappelle rien non plus ?

C'est le genre de possibilités qui me donne envie de... NE PAS maîtriser un jeu donné.

J'aime bien davantage les univers volontairement nébuleux mais conséquents pour cette raison spécifique qu'aucun joueur ni MJ ne peut avoir LA vérité sur quelque chose qui n'est pas dans le livre, ça laisse donc les MJ imaginer ce qu'ils veulent sans se faire reprendre par le joueur qu'a acheté le livre aussi mais le connaît au mot près... Et en plus ça permet à deux MJs d'interpréter ou d'imaginer des choses de manière si différente qu'aucun joueur n'aura l'impression de déja-vu en jouant sur la table de l'un des deux après avoir joué sur la table de l'autre... Tout ça dans un univers pourtant semblable...

Maintenant, ce sont mes goûts, j'aime bien en tant que MJ amener mon style personnel à ma maîtrise, et souvent cela se ressent dans ce que j'y introduis, ce que j'y ajoute. Dans un univers très figé, il est impossible d'ajouter quelque chose sans que les joueurs maniaques de cet univers se sent trahis et outrés. Et bien que vous allez me dire qu'il suffit de prévenir les joueurs au début de la campagne ou d'en choisir qui ne connaissent pas le jeu, malheureusement, d'expérience, il suffit d'un joueur mal choisi et c'est la cata niveau ambiance à la première partie...
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Whimpering Vote
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Re: Houses of the blooded : retour de lecture

Message par Whimpering Vote »

houlà, perso je ne parlais que de système, pas de setting.

L5R m'a tellement vacciné des joueurs intégristo-stupido-débilo qu'un setting dont on évoque juste les grandes lignes pour laissez toute liberté à le créer ensemble derrière me va bien
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segle
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Re: Houses of the blooded : retour de lecture

Message par segle »

Hmm, pardon, c'est le carnivore impulsif en moi qui a réagi au huitième de quart de tour.

Pour le système j'en parlerai mieux quand j'aurai fini de lire... :)
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Dokkalfar
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Re: Houses of the blooded : retour de lecture

Message par Dokkalfar »

Whimpering Vote a écrit :houlà, perso je ne parlais que de système, pas de setting.

L5R m'a tellement vacciné des joueurs intégristo-stupido-débilo qu'un setting dont on évoque juste les grandes lignes pour laissez toute liberté à le créer ensemble derrière me va bien
Et pourtant, en théorie la force de L5R, tout comme 7th Sea, c'est justement de n'être qu'un univers tel que nous l'imaginons, en s'affranchissant de la réalité historique. Mais dans la pratique, pour avoir fait un one shot L5R avec un gars de la voie du Rokugan, l'intégrisme historique pointe vite son nez.
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