Re: [CR][AiME] Aventures d'un dúnedan en Terres Sauvages
Publié : ven. mai 29, 2020 2:53 pm
Un pas. Puis un autre. Et encore un. Inlassablement. Au loin, les hurlements perçaient la noirceur de cette nuit mourante. La fatigue nous gagnait et garder nos yeux ouverts était un effort de chaque instant. Étions-nous traqués, la bête sur nos talons ? Les nouveaux hurlements dans les bois alentours me glacèrent le sang, notre petite troupe ne résisterait pas à une nouvelle attaque du monstre. Les premières lueurs s’immisçaient à travers la frondaison des arbres, l'aube se levait. Enfin. Nous prenions vers le nord et espérions rejoindre le palais de Thranduil au plus vite. Peu à peu les bois se clairsemèrent et notre allure s'accéléra. Néanmoins les porteurs des civières, sur lesquelles les blessés gémissaient, peinaient et les hurlements persistants alourdissaient leurs pas comme les miens. Je blêmissais un peu plus à chacun de ces cris. Beleg encouragea notre équipée et ses propos apporta un regain. Au petit matin nous franchîmes enfin la rivière enchantée. Mais celle-ci n'était plus un gage de sécurité, son enchantement ne semblait point entraver les élans belliqueux du loup car nous oyions toujours ses hurlements dans les profondeurs des bois. Je fis halte et me laissais distancer. J’apposais alors une oreille sur une large roche mousseuse recouverte pour partie de vielles racines noueuses. La pierre apporta des réponses à mes interrogations angoissées. Ses vibrations presque imperceptibles me soufflèrent les visions d'un loup en chasse. Le monstre n'était plus qu'à quelques lieux de nous mais sa course était erratique car il empruntait les sentes les plus ombragées. Toutefois sa vitesse de course était telle qu'il ne semblait plus souffrir des blessures que nous lui avions infligé avec mes compagnons. A mois que celui-ci soit une autre de ces créatures ? J'en tremblais.
Je rejoignis rapidement le groupe. Beleg et Vannedil étaient resté en arrière. Notre vive allure marqua Vannedil, son souffle hoquetait et ses tempes battaient la chamade. Je dus l'épauler avec Finn pour l'aider dans son effort. Par bonheur, nous perçûmes au détour du chemin le pont elfique enjambant la rivière courante. Comme si cela était encore possible, notre groupe accéléra son allure. Vannedil haletait, ses poumons étaient un feu ardent lorsque nous franchîmes le pont. Face à nous, les portes du Palais sylvain s'ouvrirent. Les hurlements de la bête se firent alors plus fort. A peine avions nous franchi le seuil des portes et, alors que les gardes en faction refermaient les deux hauts battants, je risquais un œil en arrière. Le loup dans toute sa noirceur se précipitait vers nous. Fusant comme un vent tempétueux, il vint s'échouer sur les portes du palais les lacérant de ses griffes rageuses. Ses hurlements vifs et perçants vrillèrent nos tympans. Comment était-ce même possible qu'une telle créature de l'Ombre puisse ainsi approcher le Palais de Thranduil ?
Le hall du palais nous couvrait de toute sa grandeur. Nos râles et halètements troublèrent son calme. Soudain un chant elfique s'éleva et berça d'une langueur mélancolique nos âmes. Progressant en procession, une colonne d'elfes vint vers nous. Certains se dispersèrent et accompagnèrent les blessés, d'autres emportèrent leurs morts. Puis nous fûmes aiguillés vers les lieux de vie et de repos. Au loin les échos des chants funéraires s'estompèrent peu à peu. L'intendant du palais nous accueillit et nous témoigna de la reconnaissance du peuple sylvain. Il nous apporta des nouvelles du chevalier Orophal. Désormais sauf, ses blessures mettraient du temps à s'effacer. Il nous invita au repos afin de profiter de la quiétude des lieux et perdre notre lassitude. Avant de prendre congé, il nous informa de la réunion du haut conseil royal, des décisions seraient prises à la nuit et, dès le jour prochain, le temps d'agir viendrait. Ce soir-là, la fatigue nous berça bien vite.
Au matin, nous nous enquîmes auprès des guérisseurs de la santé du chevalier. Celle-ci était préoccupante, Orophal était encore faible mais nous fûmes autorisés à le rencontrer. Des odeurs d'herbes et d'onguents embaumaient sa chambre finement ornée. L'elfe portait sur ses bras et son cou des bandages. A notre arrivée, il entrouvrit ses yeux. Beleg nous présenta et nous le saluâmes en silence mais avec dignité. D'une voix fragile, il nous remercia pour nos actes courageux et nous avoua des souvenirs confus de cette nuit de fuite comme de l'assaut du monstre qui la précéda. Sa voix trembla lorsqu'il s'inquiéta de la résurgence de la bête car il pouvait nous assurer de l'avoir lui-même terrassé malgré les faits récents. Pourtant, à son grand désespoir, une autre vivait toujours dans les bois ou alors ce monstre était immortel. Sa chasse était périlleuse. La bête était un loup et, comme tel, elle agissait, affaiblissant ses chasseurs devenus ses proies. Elle appliquait une stratégie létale : frapper, retraiter, frapper à nouveau. Beaucoup de ses hommes étaient tombés sous ses morsures et ses coups de griffes. Mais il était parvenu à le pister et l'acculer dans sa tanière. Celle-ci se trouvait dans les contreforts des Monts Noirs infestés d'araignées et de gobelins. Mais nous abusions de notre temps dévolu auprès du blessé et laissâmes donc le chevalier à son repos. Nous nous éclipsâmes après de sincères remerciements.
Dans les couloirs du Palais, nous rencontrâmes Saeros. Le frère de Beleg nous cherchait pour nous informer de l'appel du roi. Des expéditions se montaient. Le roi souhaitait le pistage du loup, la localisation de sa tanière et la compréhension de sa hardiesse. Les elfes sylvains ne pouvaient rester ignorant face à cette menace. Saeros demanda à Beleg de l'accompagner, de prendre part à une de ces expéditions. Beleg accepta car il était persuadé de la nécessité de plonger au cœur des ténèbres pour lutter contre sa noirceur. Mais pour cela, il souhaitait des compagnons sûrs et nous invita à partir avec lui. Tout comme Vannedil, j'acceptais et regardais ma lame Nimgargôl heureux de sa présence pour affronter cette nouvelle quête.
Thranduil reçut deux jours plus tard les volontaires en audience. La salle du trône était majestueuse. D'une beauté épurée et ceinte de colonnes ouvragées, elle resplendissait de simplicité. En son milieu, le trône, large siège finement sculpté, était monté d'immenses bois de cerf. Devant ce dernier, début, Thranduil était vêtu d'une tenue d'apparat du plus bel effet et une couronne de fleurs était posée sur son chef. Son regard était déterminé, empreint même de sévérité. Sa voix ferme s'éleva et porta. "La menace sur notre royaume est réelle et terrible. De nombreux elfes, jeunes pour la plupart, ont perdu leur vie. Agir est ma volonté. Le chevalier Orophal a porté un premier coup à la bête en la tuant. J'affirme ici que sa parole ne peut être mise en doute mais une autre créature rôde. Jusqu'à nos portes même. Qu'est-elle ? Que veut-elle ? Que piste-t-elle ? Nous nous devons de le savoir. Votre mission n'est pas de la vaincre. Non, celle-ci est de trouver sa tanière et de comprendre ce qui s'y cache. Ce n'est pas une troupe que nous lançons sur elle mais de rapides groupes d'éclaireurs. Je ne veux pas d'héroïsme mais des faits. La peau de cette bête m'est inutile. Non, je veux savoir ce qu'elle est, ce qui lui permet de défier notre magie protectrice. Vous n'aurez peut-être pas toutes les réponses mais chacune récoltée sera précieuse. Ma bénédiction vous accompagne comme celle de tous les êtres sylvains.". Avec grâce il se détourna et retourna s’asseoir sur son trône pour discuter avec ses proches conseillers. Nous quittâmes la salle.
Avant de partir, nous retrouvâmes Orophal. Il nous confia le lieu de la tanière - une caverne qu'il n'explora pas - et nous traça une carte succincte pour le retrouver. Il nous confia des derniers conseils, la créature était agressive et son musc gagnait en puissance dans ces instants. Elle favorisait la nuit pour attaquer, il nous faudrait profiter de clairière ou de zones dégagées pour nos pauses nocturnes. Son odorat était son atout, tout comme son vice. Finalement, il nous souhaita bonne chance et nous prîmes la route. Une ambiance lugubre pesait sur nous dès les premiers instants. Nous ne pouvions nous empêcher de nous remémorer le combat périlleux vécu face au loup, sa hargne et ses yeux de braise.
Trois jours de marche à travers la forêt vers les Monts Noirs. Nous avions pris la direction du col qui ouvrait vers la vielle route naine. La sombritude des bois croissait lorsque nous vîmes les monts s'élever au loin. Sur notre route, nous rencontrâmes fortuitement une patrouille elfe. Plusieurs étaient blessés et nombreux très affaiblis. Ils s'en retournaient au palais en remontant vers le nord. Nous proposâmes notre aide et Beleg apporta ses soins. Après avoir cherché vainement des plantes médicinales pour mon ami elfe, je me rapprochais du chef de la troupe pour lui livrer des conseils sur sa route à suivre. Devant la méfiance de mon interlocuteur face à un dúnedan, Vannedil intervint et glissa "Dites à votre retour au Palais que vous avez suivi les conseils d'Aigre-Feuille qui porta aide au chevalier Orophal !". Ces propos firent consensus et l'elfe opina de son chef alors que Beleg terminait la pose de ses atèles et cataplasmes. Avant de nous quitter, ils nous mirent en garde sur la présence plus au sud de nombreuses araignées. Celles-ci infestaient la région.
Deux jours de plus. Nous nous enfoncions plus profondément dans les bois sombres. Les monts s'approchaient. Je prenais garde de suivre scrupuleusement les indications d'Orophal. Celles-ci nous menèrent comme indiqué sur sa carte vers les ruines d'une vielles tours délabrées. Certains de ses murs s'élevaient encore sur quelques mètres de haut alors que d'autres pans étaient entièrement écroulés au sol. Orophal et ses elfes avaient campé ici mais à présent, pour notre malheur, de nombreuses toiles envahissaient le lieu. Il nous fallut traverser la ruine car les instructions du chevalier nous menaient au-delà. Les engeances velues de l'Ombre ne tardèrent pas à nous entourer lorsque nous fûmes au milieu de l'enceinte de pierres. Nous luttâmes avec acharnement, hachant et fléchant. Les araignées mordirent et piquèrent mais nous eûmes le dessus, les éliminant une à une. Saeros avait combattu avec rage. Très vite, six corps de ces monstruosités gisaient. Nous pensâmes nos blessures et poursuivîmes notre chemin. Les monts nous dominaient.
à suivre...