LES CHRONIQUES MARTIENNES
Ray Bradbury
Parmi les livres de ma prime jeunesse, deux livres de Ray Bradbury m’ont beaucoup marqué, Fahrenheit 451 et les Chroniques martiennes qui est généralement considéré comme l’une si ce n’est la plus grande référence du genre.
Années 2030. Alors que la Terre est toujours au bord de la guerre atomique, les Etats-Unis commencent réellement l’exploration spatiale avec, pour commencer, trois expéditions sur Mars. Sur les trois, deux disparaissent totalement, la troisième ouvre la voie à la colonisation sur une planète où l’oxygène est rare, mais la vie possible, comme le démontre la civilisation martienne existant au début du livre, des télépathes. Le livre est une série de nouvelles qui racontent cette découverte, cette colonisation et les suites de celle-ci.
Si je me souvenais bien de la multitude de tons et de thèmes, j’avais oublié la plupart des nouvelles à l’exception de celles qui mettent en œuvre les capacités télépathiques des martiens. Lors de cette relecture, j’ai découvert aussi la qualité du style de Ray Bradbury. Je lisais, à l’époque, des livres de SF pour le coté SF. Si je voulais de la Littérature, j’allais plutôt du coté des classiques. Je ne me suis donc jamais trop intéressé au style des auteurs à cette époque-là. Mais force est de constater que Bradbury a une belle plume. Une certaine poésie, aussi.
Plus de 30 ans après ma première lecture, 75 ans après sa parution, le livre a nécessairement pris des rides, mais il n’en demeure pas moins la référence qu’il est sensé être. Alors, certes, le rôle des femmes y est très secondaire (elles sont là pour jouer les mères, faire des caprices ou être la conséquence naturelle des hommes et de leurs besoins), les noirs sont bien absents, c’est très américano-centré. En cela, c’est un livre bien ancré dans son année de publication, soit la fin des années 40 ou le début des années 50. Néanmoins, il pose la société de son temps, une partie de ses angoisses et de ses impératifs et une grande partie de ceux-ci sont encore actuels aujourd’hui.
Difficile de ne pas faire des parallèles sur certains points entre cette Amérique des années 50 et la Mars des années 2030, les martiens prenant sans difficulté la place des Indiens, notamment. On y voit une société qui se cherche, qui s’adonne à la consommation et au commerce à tout prix, des gens qui, bien que partis de leur plein gré trouver autre chose, ne se défont jamais de leurs racines et de leur origine. A ce mal-être et ces interrogations s’ajoute également une réflexion sur le genre humain, près à tout pour répondre à ses besoins et, une fois ces « besoins » assouvis, se retrouve un peu perdu et pas certain de réellement vouloir ce qu’il a pu obtenir.
J’ai du mal à dire quelle nouvelle m’a le plus marqué que les autres, tant les styles sont différents. Toutefois, toutes celles qui mettent les martiens en œuvre me semblent être excellentes, souvent avec un gros soupçon d’humour noir ou de réelles interrogations. Celle du couple d’ancien qui retrouve sur Mars un enfant décédé plusieurs années plus tôt m’a marqué par la justesse des sentiments qu’elle déroule et ce coté tellement égoïste de l’amour. Celle sur l’expédition qui arrive dans un village qui ressemble en tous points aux villages d’origine des différents astronautes me parait très typique du type de nouvelles écrites dans ces années-là, belle et terrible à la fois. Enfin, la nouvelle de conclusion, mi désespoir mi espoir, m’a aussi permis de reposer ce livre avec le plaisir de l’avoir lu et le sentiment d’avoir fini un livre qui continue de me marquer de la même façon qu’il m’avait marqué lors de ma première lecture.
Les Chroniques martiennes sont donc pour moi le monument dont je me souvenais.