Vaste sujet.
Je crois que c'est beaucoup moins le cas de nos jours, mais fut un temps où un personnage féminin - pour être considéré comme intéressant - se devait de faire preuve de qualités dites "masculines" : badasserie, bottage de cul, etc. C'était un peu le règne de l'héroïne combattante à la James Cameron : Sarah Connor, Helen Ripley.
Il semble que cette mode soit un peu passée mais la polémique Sansa laisse à penser que c'est toujours une idée bien ancrée. En effet, pour la plupart des fans du
Trône de Fer, Arya est top parce que c'est un garçon manqué qui se bat à l'épée et devient une super
shinobi. Alors que pffff, Sansa c'est juste le cliché de la princesse neuneu. Or ! Sansa est une jeune fille qui ne dispose que des armes que la société dans laquelle elle a grandi lui a fournie. Et on n'imagine pas la capacité de résilience dont elle doit faire preuve pour survivre. Elle voit son père se faire décapiter, elle apprend peu à peu la mort ou la disparition de tous ses proches, elle est à la merci d'un petit psychopathe, on la marie de force à un nain difforme, on l'accuse d'avoir assassiner ledit psychopathe, elle est utilisée par Littlefinger pour ses plans, elle se retrouve livrée au monstrueux Ramsay Bolton, etc. Et malgré tout cela, elle survit - brisée, endommagée certes mais elle reste la Dame du Nord à qui même Jon Snow ne peut ravir son titre. De par sa résistance, elle devient digne de son titre - là où Arya doit abandonner son identité pour acquérir du pouvoir.
De tout cela, ce qui ressort surtout c'est qu'il existe des qualités associées à la masculinité qui sont très valorisées : capacité de se défendre, force physique, esprit de compétition, etc. Alors que les qualités dites féminines sont souvent dépréciées et associées aux être veules : ruse, aisance sociale, écoute, compassion...
Exemple : Mulan est considérée comme une héroïne car elle s'habille en homme, devient soldat, vainc les Mongols... Wu Zeitan est considérée comme un tyran pour s'être élevée au titre d'Empereur (et non d'Impératrice) en ayant usé de ses capacités sociales.
Bon heureusement, on sort de plus en plus de cette dichotomie qui était encore bien présente dans les années 80 et 90.
Je ne vais pas relister des modèles qui ont déjà été évoqué (
Buffy et autres) mais essayer d'apporter ma pierre. Attention, les liens spoilent.
On parlait de
Vaiana et outre le fait que l'héroïne soit une jeune femme racisée, je trouve deux autres éléments très intéressants dans ce Disney :
- Vaiana s'inscrit dans une tradition familiale, elle est l'héritière d'une histoire qui est plus grande qu'elle. Que ce soit à travers sa grand-mère (dont la mort est l'acte qui la libère) puis
à travers ses ancêtres dont elle découvre le quotidien au travers de visions, elle cherche sa place et la trouve dans un ensemble plus vaste que ce que la société attend d'elle (régner sur une petite île condamnée à brève échéance). On parle beaucoup de nos jours de perte de repères des jeunes et je trouve donc cela assez important qu'une oeuvre montre que chacun est le dépositaire d'un passé dont il peut s'emparer pour se construire. Disney remet d'ailleurs ça avec
Coco : là aussi, le jeune héros refuse un rôle prédestiné et va chercher au plus profond de ses racines pour trouver sa propre voie - réconciliant au passage plusieurs génération de sa famille, morts inclus !
- La situation finale de
Vaiana se résout sans violence - celle-ci, quand elle est utilisée, ne conduit qu'à faire du mal aux deux parties. Quand l'héroïne comprend qui est réellement son adversaire,
c'est par la compassion et l'empathie qu'elle remporte la "victoire" - là où Maui n'est parvenu qu'à perdre sa divinité. Il y a une réelle emphase qui est mise sur la communication, la compréhension d'autrui en lieu et place du conflit. Et c'est une scène dont m'a gamine m'a parlé pendant des mois en posant d'incessantes questions !
J'ai retrouvé cela dans
Ferdinand, sorti récemment. Dans ce dessin-animé, le héros est un taureau de combat présenté comme exceptionnellement puissant. Sauf qu'il déteste la violence et refuse de se battre, préférant s'ébattre au milieu des fleurs. Tout au long de l'histoire, il fera de ses rivaux et ennemis des amis et alliés par son écoute, sa gentillesse et sa compassion. Il "gagnera" d'ailleurs la corrida finale en refusant le combat et en faisant le choix de respecter ses valeurs.
Trolls suit un schéma similaire. L'héroïne Popy est
une boule de bonne humeur, d'enthousiasme et de gentillesse - au point de ne pouvoir s'empêcher de venir en aide à une Bergen (la race ennemie des Trolls) et
de guérir de sa dépression son compatriote Branche, gestes qui sauveront l'ensemble de son peuple au final. Tout cela aboutissant à une réconciliation des deux races grâce
au partage du bonheur et à la musique !
J'aime aussi beaucoup le personnage de Barry Allen dans la série
Flash. Il ne fait jamais le choix de la violence en premier lieu mais cherche toujours à comprendre son adversaire, à discuter avec lui. C'est ainsi qu'il change Captain Cold (au point que celui-ci finira par devenir un héros) et qu'il parvient presque à sauver Savitar. C'est un jeune homme qui ne craint pas de parler de ses sentiments - que ce soit envers ses parents, ses amis ou son aimée. On le voit souvent pleurer face aux souffrances qu'il affronte. La série valorise également beaucoup l'intelligence face à la force brute : la Team Flash est composée de scientifiques qui mettent des plans au point et cherchent des solutions rationnelles.
Bon je parle de l'intention là, pas forcément de l'exécution (je sais que la série est pas mal décriée ici). Mais elle présente un super-héros plutôt inhabituel - qui ne fait pas que jouer de ses muscles et de ses pouvoirs pour l'emporter. Une qualité que j'ai retrouvée dans
Spider-man - Homecoming : Spidey cherche réellement à se comporter en héros (j'adore le montage qui le voit indiquer son chemin à une petite vieille par exemple) et son dernier geste envers son ennemi est de lui sauver la vie malgré le danger - geste qui se voit payé en retour dans une scène post-générique.
De façon générale, faisant abstraction du genre ou de la race ou de l'orientation des personnages, j'aime quand on nous présente des alternatives autres que la violence ou la confrontation frontale pour résoudre les situations. Que l'on nous montre que l'empathie et la communication désamorcent les conflits, que la gentillesse et la compassion engendrent la bonté, que l'exemplarité inspire autrui.
Actualité oblige, je retrouve ça dans
les Derniers Jedi - ce que Rose explique à Finn, ce que Poe finit par comprendre, ce que Luke démontre à la galaxie entière. C'était déjà en germe dans
le Retour du Jedi quand Luke refuse de tuer Vader d'ailleurs.
Le Seigneur des Anneaux présente une philosophie similaire à travers Gandalf qui croit que le bien l'emporte par la multiplication des petits gestes du quotidien plus que par une quête héroïque.
My two cents. 