Les livres dont vous n'êtes pas le héros (et sans image)

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Harfang2
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Re: Les livres dont vous n'êtes pas le héros (et sans image)

Message par Harfang2 »

Belphégor a écrit : mar. avr. 15, 2025 10:38 pm Est-ce que le Marquis de Sade possède un quelconque intérêt littéraire ou intellectuel ? 
Non. Aucun.
Tout au plus peut-il permettre de faire semblant d'être cultivé pour les demis-malins en face d'incultes.
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Orlov
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Re: Les livres dont vous n'êtes pas le héros (et sans image)

Message par Orlov »

Belphégor a écrit : mar. avr. 15, 2025 10:38 pm Est-ce que le Marquis de Sade possède un quelconque intérêt littéraire ou intellectuel ? J'ai essayé de commencer plusieurs de ses livres mais je les ai tous laissé tombé parce qu'ils me gonflaient profondément. Déjà parce que c'est pas très bien écrit, avec des phrases longues comme des paragraphes, mais en plus une fois qu'on a passé outre le choc des situations présentées, j'ai pas l'impression qu'il y ai véritablement de l'intérêt. Sade j'ai l'impression que c'est un type qui raconte toujours la même blague sordide mais avec 36 variations différentes. Je ne suis pas un prude, mais Sade je comprend vraiment pas la hype autour.

J'ai une citation qui permet de résumer assez bien son œuvre : "Tout ce qui est excessif est insignifiant".

Vite, il me faut un bon truc là maintenant tout de suite, bon ben je crois que le tome 2 du batard de kosigan fera l'affaire.

Si on s’intéresse à l’histoire des idées et de la philosophie et en particulier de la philosophie des Lumières ou au mouvement libertin, Sade est très intéressant.
Pour le style, il faut supporter l’écriture du XVIIIe siècle et le genre mi dissertation mi roman de l’époque. Je trouve ça chiant, même chez Voltaire et ne sauverais de l’époque que les Liaisons Dangereuses.
Pour l’aspect érotique et pornographique, c’est une question d’intérêt pour la chose sous sa forme écrite, surtout quand le style n’emporte déjà pas.
Bref, j’ai pas accroché lorsque j’ai tenté de lire la Philosophie dans le Boudoir. Mais je trouve la figure de Sade très intéressante sur le plan de l’histoire des idées (comme celle de Sacher Masoch dans un autre contexte mais dans un genre similaire).
Cryoban a écrit : lun. juin 26, 2023 7:56 am Le vrai problème c'est les gens.

Mildendo aka Capitaine Caverne a écrit : Faire du Jdr c'est prendre une voix bizarre et lancer des dés en racontant qu'on tue des gobs.
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Message par Celi »

Le personnage de Sade est plus intéressant que ses écrits. La biographie de Lever chez Fayard est pas mal du tout.
Il faut aussi replacer le bonhomme et sa production dans son époque.
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Inigin
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Re: Les livres dont vous n'êtes pas le héros (et sans image)

Message par Inigin »

Et puis, pourquoi lire Sade quand il y a Proust (à part par masochisme :ange: ) ?
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Celi
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Re: Les livres dont vous n'êtes pas le héros (et sans image)

Message par Celi »

Pas assez de gamahuchages dans Proust.
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Re: Les livres dont vous n'êtes pas le héros (et sans image)

Message par Rosco »

Inigin a écrit : mer. avr. 16, 2025 7:50 pm Et puis, pourquoi lire Sade quand il y a Proust (à part par masochisme :ange: ) ?

C'est justement le concept.

 
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Re: Les livres dont vous n'êtes pas le héros (et sans image)

Message par Erwan G »

Belphégor a écrit : mar. avr. 15, 2025 10:38 pm Est-ce que le Marquis de Sade possède un quelconque intérêt littéraire ou intellectuel ? J'ai essayé de commencer plusieurs de ses livres mais je les ai tous laissé tombé parce qu'ils me gonflaient profondément. Déjà parce que c'est pas très bien écrit, avec des phrases longues comme des paragraphes, mais en plus une fois qu'on a passé outre le choc des situations présentées, j'ai pas l'impression qu'il y ai véritablement de l'intérêt. Sade j'ai l'impression que c'est un type qui raconte toujours la même blague sordide mais avec 36 variations différentes. Je ne suis pas un prude, mais Sade je comprend vraiment pas la hype autour.

J'ai une citation qui permet de résumer assez bien son œuvre : "Tout ce qui est excessif est insignifiant".
Il me semble que c'est surtout un marqueur historique et qu'il se lit pour son côté iconoclaste. Je n'ai que peu de souvenirs de ce que j'ai lu de lui (Justine ou les malheurs de la vertu, j'ai ensuite emprunté les 100 jours de Sodome, je crois, et j'ai été physiquement écoeuré par ses descriptions, ce qui montre tout de même une certaine qualité littéraire) parce que, à l'époque, je l'ai lu plus par provocation qu'autre chose.

Mais si tu cherches réellement une réponse à cette question, tu as des programmes de France Cul qui peuvent t'aider à te forger une opinion :
https://www.radiofrance.fr/personnes/do ... is-de-sade

Je trouve que leurs émissions sur des thématiques données apportent toujours quelque chose et il est rare qu'à la fin de lune d'entre elles, tu n'aies pas envie soit de lire l'auteur sont ils parlent, soit d'aller brûler ses livres en bonne compagnie.

Après, je n'aime pas la citation. Les romantiques étaient excessifs et, pourtant, il y a de beaux livres qui nous viennent d'eux et le brutal death n'est pas totalement dénué d'intérêt même si l'absence de variation conduit à l'ennui.
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Erwan G
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LE CLAN DES TIGRES
La Légende des quatre, tome 2
Cassandra O’Donnell

Editeur : - Bon, alors, tu en es où de la suite de ta série ? Vu le titre du livre 1, tu en as prévu 4, il va être temps de sortir le deuxième. Le premier a bien plu aux illet… aux ados.
Auteur : - J’ai super bien avancé. J’ai décidé de mettre du piquant dans l’histoire.
E : - des porcs-épics garous ?
A : - Hein ? Ah non, je ne vais rajouter qu’un seul garou, un hibou garou. C’est à la fois un clin d’œil subtil à Harry Potter et en plus, je viens de lire un livre sur les mythes grecs et le hibou, c’est un animal trop cool !
E : - Un Hibaï ?
A : - Ouais, c’est sûr, vu comme cela, c’est nul. Bon, il sera tout seul, donc on se contentera de son nom et de sa fonction : il sera le postier, un peu comme dans Harry Potter, le lien entre les différents clans de Yokaï. C’est mystérieux et subtil.
E : - Euh.. Ok, à peu près autant qu’un film de Dwayne Johnson…Alors, c’est quoi le projet pour ce tome 2 ?
A : - C’est super simple : les humains vont fouiller les terres maudites, tu sais, les terres qu’ils ont détruites avec les armes atomiques ou un truc dans le genre.
E : - Rien de tel qu’une bonne dose de classicisme à l’ancienne, un clin d’œil à la SF des années 50-60 ?
A : - Hein ? Non, juste un jour, j’ai cru que Mad Max Fury Road était en fait Mad Max Furry Road et j’ai attendu les animaux longtemps, mais leur désert, là, c’est trop classe. Avec les gars qui jouent des grosses guitares sur des voitures qui foncent !
E : - Euh… Ok, Ok. Va pour Furry Road.
A : - Donc, dans ces ruines, ils vont trouver des matériaux radioactifs, avec lesquels ils vont empoisonner les Yokaï. Mais les 4 héritiers, chacun puni par leur clan, vont les en empêcher et vont faire un coup d’état pour lancer la guerre contre les humains, pour les génocider jusqu’au dernier.
E :- Ah, euh, ok. Tu ne crois pas que ce soit trop violent pour des enf… adolescents ?
A :- Les ados, y’a rien de plus violent et de plus certains de leurs droits. Tu as déjà essayé de parler avec un dernièrement ?
E : - Nan, j’évite de parler aux miens, je suis systématiquement un vieux con, même si j’édite des livres qui leur plaisent, sans que je ne sache pourquoi.
A : - Voilà. Les ados, ça aime quand on va à fond dans un truc. On peut leur parler de sang, de meurtre, de morts, faut juste pas leur parler de sexe parce que ça, beurk, c’est sale.
E : - Et justement, entre le tigre et la louve ? Tu vas faire quoi ?
A : - Je vais glisser le Serpaï (rire machiavélique)
E : - Mais ça n’a aucun sens !
A : - Et oui, c’est ça qui est beau. Ça ne ressemble à rien, ça n’est pas crédible, ils vont donc adorer. La louve qui ne peut être amoureuse qu’une fois qui était amoureuse du tigre mais qui, finalement, va être amoureuse du serpent qui lui a sauvé la vie parce qu’il a écouté l’injonction du Tigre. Le méchant qui, au fond, a un cœur, un Rogue version Furry ! La violation de l’interdit, Eros et Thanatos, tout ça, quoi !
E : - Dis plutôt que tu pompes à mort dans Hunger Games, avec tes dialogues creux avec des blagues nulles, le triangle amoureux entre devoir et impossibilité…
A : - Ah, merde, c’est aussi clair que cela ?
E : - Oui, mais prends cela pour un avantage : on leur donne ce qu’ils aiment, ils ont l’impression de lire un truc nouveau, mais comme le reste de ce que tu racontes, c’est tiré d’autres œuvres. Ils s’en foutent, ils n’ont rien lu, rien vu et ils aiment qu’on leur raconte toujours la même histoire.
A : - Mais en fait, c’est facile de faire un best seller pour ado !
E : - Pourquoi crois-tu que j’ai dit oui à ta proposition ? Tu aurais voulu le vendre pour des adultes, je n’aurais même pas passé la deuxième page…
A : - Mais, c’est un livre que les adultes peuvent aussi aimer, non ?
E : - Oui, les mêmes que ceux qui ont adoré Harry Potter. Des gens qui aiment lire des livres simples, prévisibles, avec une part de mystère pas si mystérieuse, une histoire classique et déjà vue, comme pour Hunger Games. Mais on va pas se plaindre, ces gens là achètent plus de livres que ceux qui prennent la littérature trop au sérieux. On vend pour les mioches, pour que les parents puissent se vanter de ce que leurs enfants lisent et pour ceux qui ont envie de lire mais pas plus que cela. Bon, commence à bosser sur le troisième tome, parce qu’on tient là un truc qui va bien se vendre. Au boulot.

Bref, j’ai lu le deuxième tome de la meilleure série de l’univers galactique selon mes filles. C’est un livre pour enfants/ados, c’est vu, lu et relu, mais ça fonctionne, un peu comme la F*ck Lit*, mais en plus court et en un tout petit peu moins explicite parce que le public est jeune. Si vous êtes adulte et que vous aimez lire, il y a des livres plus adaptés pas très loin. Si vous avez un ado, un neveu/une nièce de 11+ ans, vous avez là quatre cadeaux faciles qui feront plaisir.

* F*ck Lit : livres légers mais à succès en général dans lequel les mots "putain", "bordel", "fais chier" permettent de passer outre une dinguerie du récit ou de la situation de départ, générant une accélération du récit et, subséquemment, une pause dans la réflexion du lecteur pour engager un récit attendu et jouissif. Dans ce genre, je classe volontiers le cycle du Vieil homme et la guerre de John Scalzi ou Dungeon Crawler Carl de Matt Dinniman.
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Erwan G
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L’ESCALE
Marion Lejeune

Il y a quelques temps, je discutais avec le libraire chez qui je prends la majeure partie de mes livres hors SF, à propos du nombre pléthorique de sorties et de la difficulté de pouvoir déterminer, aujourd’hui, ce qui pourrait devenir un véritable classique, c’est-à-dire un livre qui ne transcende pas que sa génération mais qui aurait la capacité de s’imposer dans un temps plus long, comme le firent les livres des grands noms du XIXème siècle ou du début du XXème. Je garde toujours en tête le fait que le Voyage au bout de la nuit ou Mort à crédit n’ait pas eu le prix Goncourt mais que les Goncourt de cette époque sont, aujourd’hui, quasiment totalement oubliés et peu voire pas lus. Tout comme il est rare, aujourd’hui, de voir dans le Goncourt autre chose qu’une mode passagère récompensant non pas un livre, mais une maison d’édition ou un auteur que l’on veut mettre en avant. Oui, je reste toujours aussi déçu, plusieurs années après leur lecture, par des livres comme Au revoir là-haut (et, généralement, par la production de cet auteur) ou encore Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon.

Au cours de cette discussion, le libraire me dit que, pour lui, il existait des auteurs avec un style remarquable qui publient des livres qui, s’ils sont malgré tout assez confidentiels, demeurent malgré tout des livres faits pour durer. Parmi ceux-ci, il m’a proposé la lecture de l’Escale de Marion Lejeune.

Grigori est un marin, un gabier, qui a quitté la Russie pour les pays nordiques. Mais il a quitté la Russie comme il a quitté ensuite la Suède et la Norvège, pour arriver au Danemark, qu’il quitte également au profit du navire sur lequel il travaille, le Glen. Grigori ne s’intéresse pas au passé ou au présent, seul le futur a un intérêt pour lui. Au cours de ce voyage, pour passer le temps, il a eu l’idée de proposer des combats de rats et, pour pimenter le tout, de prévoir des possibilités de paris. Alors, pendant son temps libre, il traque les animaux pour les combats. Mais voilà, le dernier combat n’a pas tourné comme il le souhaitait et il a perdu plus d’argent qu’il n’en avait. Poursuivi sur le navire par celui auquel il doit de l’argent, il cherche le moyen de lui échapper et, certainement, de survivre à la rencontre. Un soir, cette rencontre a lieu mais est interrompue par le seul passager de ce navire, un dénommé Loukine qui partage avec Grigori une origine russe. Lorsqu’ils arrivent à leur destination, un archipel d’îles danoises qui ne possèdent aucun arbre mais une unique usine de fabrication de poissons séchés, il quitte le navire avec Loukine pour être recueilli par les instituteurs du port. Alors que l’escale dure, parce que l’usine ne dispose pas d’assez de produits pour remplir le Glen, les marins vont devoir trouver une place sur ces îles. Ce que Grigori, observateur discret de ceux qui l’entoure, n’arrive pas à faire, jusqu’à ce qu’il finisse par rencontrer un autre hors-case, Alda, une jeune orpheline qui n’a qu’un rêve : quitter cet archipel du bout du monde et voir la civilisation.

Marion Lejeune montre que le style n’a strictement rien à voir avec la nécessité de placer des mots de vocabulaire compliqués dans un texte, mais beaucoup plus à une adaptation de la construction de ses phrases et de son propos autour de ce que l’on veut décrire : le sentiment d’isolement, de perte de conscience de soi, de ses doutes et de son incapacité à connaitre ses envies. Elle y arrive très bien et le livre est une belle réussite, un joli texte sans âge servi par un style adapté. Plaisant à lire tant pour le contenu que pour la forme, je comprends ce que mon libraire a pu me dire autour de ce que peut être un classique de nos jours. Un livre qui s’ancre dans l’humain et qui dépasse les âges et les modes pour se tenir fièrement et porter le discours et la parole de son autrice.

Un livre à lire, assurément.
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Message par Harfang2 »

Erwan G a écrit : jeu. avr. 17, 2025 9:38 am LE CLAN DES TIGRES
La Légende des quatre, tome 2
Cassandra O’Donnell


C'est très, très bon.:)
(Pas le livre, hein, et au surplus je suis content de la pique sur Harry Poter, même si ma fille de neuf ans est en train de se lire le quatrième ce que je lui pardonne allégrement a son âge))
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Erwan G
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Re: Les livres dont vous n'êtes pas le héros (et sans image)

Message par Erwan G »

Merci !
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Re: Les livres dont vous n'êtes pas le héros (et sans image)

Message par Erwan G »

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DUNGEON CRAWLER CARL
Matt Dinniman

Cela fait maintenant un peu plus d’un an que je me suis mis aux livres audios, via Audible, pour remplacer la radio sur les déplacements routiers. Parce que, parfois, écouter de la musique n’est pas suffisant ou satisfaisant et que je me trouve plus concentré quand j’écoute quelqu’un parler que quand j’écoute de la musique. Cela m’évite, parfois, de prendre la mauvaise sortie d’autoroute ou de prendre le chemin habituel plutôt que celui qui est sensé m’amener là où l’on pense que je dois être. J’entretiens une relation étrange avec les livres audios. Pendant longtemps, j’ai eu du mal à les considérer comme de vrais livres. Je réservais les livres audios aux livres que je n’arrivais pas à lire ou aux livres que je n’aurais pas eu envie de lire en papier. J’ai ainsi pu lire l’intégrale des Rois de Sharakai, du Vieil homme et la guerre comme cela. Mais si lire des livres plus sérieux demeure du domaine du possible, je m’en veux un peu d’avoir écouté le Guépard et non de l’avoir lu. Alors que des livres tout aussi sérieux, comme des livres d’histoire ou des livres de philo me paraissent adaptés, comme par exemple la Route de la soie. Je ne sais pas, peut-être le sentiment d’avoir une sorte de cours plus qu’une lecture proprement dite. Bien évidemment, rapidement, je me suis retrouvé aussi en difficulté avec les lecteurs, notamment ceux qui se sentent obligés de changer de voix selon le personnage qui parle. Je crois que, quand je lis, les gens n’ont pas de voix. Ils ont des intonations, mais pas de voix. Mais, comme pour tout, on s’y fait. Et il est des genres et des lecteurs qui sont plus adaptés à ce type d’interprétation. Je pense, d’ailleurs, que la lecture faite des Rois de Sharakai ou du Vieil homme et la guerre a participé du plaisir que j’ai eu à « lire » ces deux séries. Mais, là, je crois que je viens de trouver le boss du genre : Sylvain Agaësse. Il donne réellement corps à ce livre qui aurait certainement été moins attirant s’il avait été simplement lu en papier.

Carl vivait en couple avec Béatrice et leur chat, Princesse Donut (version courte, la version longue est impossible à mémoriser), un chat persan de concours. Alors que Béatrice est en vacances, seule, elle publie des photos d’elle avec son ex-compagnon sur Instagram. Carl décide alors de rompre avec elle mais espère garder le chat. Ce qu’il regrette, un soir où il doit aller la récupérer dans un arbre dehors, alors qu’il fait froid, vêtu uniquement d’un caleçon et d’un blouson en cuir. C’est alors que l’univers s’écroule sur lui-même. Tous ceux qui avaient un toit de maison, de voiture, de bâtiments meurent écrasés. Et s’ouvrent alors des portes qui mènent au niveau 1 d’un dungeon, comme dans un jeu de rôle ou un jeu vidéo. Carl découvre que la Terre est en réalité une colonie exploitée par un puissant syndicat qui, pour extraire les ressources de la planète, la moissonner en quelque sorte, recours à un show télévisé en univers-vision. Carl devient, comme quelques millions d’humains rescapés, un candidat dans un jeu télévisé où il ne risque rien de plus que sa vie. Et, pour arranger le tout, Princesse Donut a obtenu un aliment magique qui lui donne la conscience, la capacité de parler et fait d’elle un Dungeon Crawler, comme Carl. A deux, ils doivent atteindre le niveau 18 pour gagner le jeu ou tenter de négocier quelque chose en cours de route…
Le fondement de l’histoire est ridicule et l’auteur le sait. Il joue d’ailleurs constamment avec. Mais une fois que cela est dit, le roman rester bien construit et évite les trop grandes répétitions, même si les « nouveau succès » peuvent être fatigants à la longue. Heureusement, la lecture est bien faite et les variations de ton et de rythme permettent de renforcer le coté ridicule exagéré de ces messages.

On est en pleine F*ck Lit. Les scènes s’enchainent pour que l’on ne s’attarde pas trop sur les incohérences, l’auteur est constamment dans la complicité avec le lecteur qui connait ses références et se remémore un certain nombre d’événement vécus en tant que joueur, fan de Dimmu Borgir ou téléspectateur. Les références pop sont nombreuses et je pense qu’il n’est pas réellement possible de lire ce livre si l’on n’a jamais ni joué à D&D, ni fait de « jeu de rôle » vidéo. Bien évidemment, les interjections, dont le fameux « Bordel, Donut », accélèrent le récit et tendent à justifier les incohérences (oui, oui, comme dans le Vieil homme et la guerre où, au moment où l’auteur part trop dans le too much, le personnage se met à éructer un « bordel ! » ou un « putain ! » pour que l’on soit happé dans ce qu’il va dire après). C’est un peu comme si l’auteur avait, à ce moment, parfaitement conscience de ce qu’il fait de trop et qu’il propose au lecteur de passer outre et d’enchainer sur une scène d’action qui n’aura pas forcément plus de sens mais permettra, comme le « putain » ou le « bordel » de recevoir le défoulement que l’on attend depuis un certain temps.

A aucun moment Matt Dinniman n’essaie de donner une réelle cohérence à son propos. Il n’est pas là pour cela et, si le livre n’est pas drôle, au sens Disque-mondien du terme, il reste léger. Un peu comme si l’on lisait une BD jubilatoire, dans laquelle le scénario a moins d’importance que les moments de grâce ou les plaisirs jubilatoires.

Est-ce une réussite ? La série a visiblement du succès et je pense qu’il est facile de tomber sous le charme de la facilité et du délire, tout comme il est facile de se retrouver entre potes pour pénétrer, pour une raison bancale, dans un dungeon qui constitue, en lui-même, l’alpha et l’oméga de cette réunion amicale. On espère y découvrir des choses intéressantes, amusantes, désespérantes, tristes mais toujours avec un soupçon de légèreté. On suit donc sans souci Carl dans les deux premiers niveaux du dungeon et l’on se laisse porter avec plaisir par ce récit léger, sans aucune prise de tête et sans volonté d’en faire quelque chose de sérieux même s’il y a, derrière, quelque part, des mystères que l’on espère voir résolus, juste parce que. La magie de la F*ck Lit, ce truc qui nous embarque dans quelque chose que l’on aurait autrement ignoré.

En tout cas, arrivé au terme du premier, je me suis plongé dans le deuxième sans demander mon reste. Avec, quand même, cette question qui me taraude : quelle est la place du lecteur dans le plaisir de cette lecture ? En effet, comme pour le Vieil homme et la guerre, les qualités d’interprétation du lecteur, sa façon de jouer avec le rythme et les ambiances, renforcent l’intérêt que je trouve au livre. Je pense que s’il devait y avoir un changement de lecteur sur la série (peu de risques, Sylvain Agaësse intervenant sur bon nombres de best sellers), je prendrais moins de plaisir à l’écoute. Au point où je me demande si le plaisir que je prends provient de la rencontre du lecteur et du texte, du texte ou du lecteur. Si j’avais vraiment l’inconscience de vouloir trancher ce dilemme, ce serait finalement assez facile : dans les œuvres lues par Sylvain Agaësse, il y a pléthore de livre dont on sait que ni le livre, ni sa rencontre avec un lecteur de talent le peuvent faire le poids. Ainsi, si les Max Lévy, les Maximes Chattam ou le cycle de l’Assassin royal ont quelque intérêt, ça sera uniquement en raison du lecteur…

En tout cas, voici le premier livre pour lequel je me dis que l'audio apporte énormément.
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sherinford
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La bibliothèque des rêves secrets

Message par sherinford »

Dernière lecture:

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"La bibliothèque des rêves secrets" par Michiko Aoyama.

"La bibliothèque des rêves secrets" est un roman de gare. Je veux dire par là qu'il s'agit d'un des rares romans que j'ai acheté dans la librairie d'une gare, juste avant de prendre le train. Il n'y en a pas beaucoup comme ça dans ma bibliothèque, mais étonnamment, un d'entre eux ("le premier siècle après Béatrice" d'Amin Maalouf) m'a vraiment beaucoup marqué, et comme j'ai trouvé celui-ci également très réussi, j'aurais tendance à considérer que c'est un gage de qualité, finalement, d'acheter un roman dans une gare...

Dans le centre social d'un arrondissement de Tokyo se trouve une petite bibliothèque tenue par Sayuri Komachi. Aux clients qui viennent lui demander conseil quant à quels bouquins emprunter dans tel ou tel domaine, Komachi fournit une liste de livres adaptés, mais ajoute systématiquement un autre titre, dont la lecture va bien souvent déclencher une prise de conscience chez le lecteur, et va changer sa vie... ou à tout le moins la perception qu'il a de celle-ci.

Au long des cinq chapitres du livre, on va suivre le cheminement de cinq de ces clients, et explorer une tranche de leur vie, dans une ambiance très "feel good" qui m'a vraiment beaucoup plu. Le bouquin est fort agréable, se lit vite, et m'a même tiré quelques éclats de rires par moment.

Il faut dire que le personnage de Komachi est vraiment rigolo: une grosse dame, qui a pour passion les livres, des pâtisseries aux miel et le feutrage à l'aiguille, qui offre à ses clients des "petits plus", mais sans vraiment calculer quoique ce soit. Elle le dit à plusieurs reprise: c'est chaque lecteur qui donne un sens particulier au "petit plus", quelque chose de personnel qui n'a rien à voir avec l'objectif initial de l'auteur...

Et je trouve ça formidable, comme message: finalement, quand on lit un livre, on apporte dans notre lecture tout notre vécu, et on y trouve des idées et des leçons que l'auteur n'a pas nécessairement voulu transmettre, mais qui nous touchent, dans notre contexte particulier.


Lectures de 2025:

Spoiler:
1. "Le dernier voeu & l’épée de la providence" de Andrzej Sapkowski (10/10).
2. "Voix d’extinction" de Sophie Hénaff (6/10).
3. "Béantes portes du ciel" de Robert Reed (7/10).
4. "Dernier meurtre au bout du monde" de Stuart Turton (9/10).
5. "Drame de pique" de Sophie Hénaff (8/10).
6. "La vengeance du Manitou" de Graham Masterton (7/10).
7. "Les chevaliers d'émeraude - tome 1 - Le feu dans le ciel" de Anne Robillard (6/10).
8. "Itinéraires nocturnes" par Tim Powers (4/10).
9. "Dune" par Frank Herbert (10/10).
10. "Le Messie de Dune" par Frank Herbert (8/10).
11. "Les enfants de Dune" par Frank Herbert (6/10).
12. "L'Empereur-Dieu de Dune" par Frank Herbert (10/10).
13. "L'invasion des profanateurs" par Jack Finney (7/10).
14. "Sinistre réputation" par Miranda James (5/10).
15. "Les yeux de la momie" par Robert Bloch (8/10).
16. "Les mines du Roi Salomon" par Henry Rider Haggard (7/10).
17. "She - tome 1" par Henry Rider Haggard (8/10).
18. "She - tome 2" par Henry Rider Haggard (8/10).
19. "La montagne dans la mer" par Ray Nayler (6/10).
20. "Medalon" par Jennifer Fallon (6/10).
21. "L'épée brisée" par Poul Anderson (9/10).
22. "La bibliothèque des rêves secrets" par Michiko Aoyama (8/10).
"Si tu souffres à propos de quelque chose d'extérieur, ce n'est pas cette chose qui te trouble, mais ton jugement sur elle ; il dépend de toi de le faire disparaître." - Marc-Aurèle
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Re: Les livres dont vous n'êtes pas le héros (et sans image)

Message par cdang »

Nicole Vulser, « Le pilon, un vrai-faux alibi écologique dans l’édition », France Culture, 4 février 2025

https://www.radiofrance.fr/francecultur ... on-3867220
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Inigin
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Re: Les livres dont vous n'êtes pas le héros (et sans image)

Message par Inigin »

Le premier siècle après Béatrice est une merveille, mais qui ne tient pas à la gare. 
J'ai acheté en gare un Läckberg (la reine des glaces), qui là encore, ne doit pas sa qualité à la gare d'achat (quand bien même c'est la gare de Grenoble).

Par contre, en gare on trouve des romans modernes, récents, et la place étant contrainte, ce sont généralement les plus vendus ou les meilleurs.

Dans le même registre de livre sur une librairie, j'ai fini la Libraire de la place aux herbes, récit de vie d'une parisienne qui se délocalise à Uzès et essaie d'apporter sa touche littéraire et philosophique à la faune locale. On y croise un déni de grossesse, un Légionnaire, une relation mère-fille, un couvent orthodoxe (dont le vin, par parenthèse, est une merveille dans le monde réel(1)). C'est plein de gentillesse, de références littéraires (le nombre de pages cornées...) et assez ébouriffant. 

(1) monastère de Solan, cuvée Saint-Martin.
Barde biclassé secrétaire de la Voix de Rokugan

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