kobbold a écrit :ouais mais moi ça m'intéresserait, perso, un truc comme ça
Eh bien ma foi...
Précisons d'abord que l'étude des systèmes monétaires des périodes
médiévales ou moderne (Ancien Régime) est un sujet hautement casse gueule.
Je vais essayer d'être synthétique.
Tout d'abord, le droit de frapper monnaire est un droit régalien, récupéré à
la chute de l'Empire carolingien par les seigneurs locaux, comtes, ducs,
évêques, etc. Donc, déjà, une monnaie par région, voire par ville. De plus,
rien n'indique que les composition et les valeurs de ces monnaies soient
identiques d'une région à l'autre. Exemple: en France, le denier d'argent
pèse 32 grains de blé, en Angleterre le denier ("pence") pèse 24 grains
d'orge, en terme de valeur.
D'autre part, il existe deux systèmes monétaires: la monnaie de compte, qui
n'est pas frappée et qui sert aux échanges commerciaux, et la véritable
monnaie en circulation, qui elle est frappée. Pour exemple: jusqu'au 1er
janvier 2002, l'Euro était une monnaie de compte (sa valeur était utilisée -
vous pouviez payer en Euros - mais pièces et billets n'étaient pas en
circulation).
En France et dans les pays voisins, un standard s'impose: dans une livre
d'argent (322,22 grammes), on frappe 240 deniers. Les subdivisions sont les
suivantes :
- 1 livre = 20 sous (livres et sous sont des monnaies de compte)
- 1 sou = 12 deniers d'argent. L'argent est depuis longtemps la base de la
monnaie (exit le réalisme des "PO" de Donj' ! :-p)
J'ai dit tout à l'heure que chaque région avait ses propres valeurs. Deux
mesures de compte s'imposent également en tant que standard:
- la livre "tournois", de Tours (gros succès, usage important: le plus
souvent vous entendrez donc parler de "deniers tournois" dans les bouquins)
- la livre "parisis", venant de... Paris, et qui subsiste jusqu'en 1667,
date à laquelle est est supprimée par Louis XIV (effort d'harmonisation).
En attendant, ces deux standards de compte sont utilisés conjointement (d'où
le rôle important des banquiers et changeurs). 5 deniers tournois valent 4
deniers parisis. Et à l'époque, pas de calculettes à Euros pour les
conversions.
De plus en plus, on s'achemine vers un système de monnaie "fiduciaire"
("fides": foi, confiance), où la valeur du métal n'entre pas en compte dans
la valeur que l'ont prête à la monnaie (exemple: les dévaluations
successives de Philippe le Bel - grand manieur d'argent - histoire de...
gagner des sous, quoi).
Vous suivez pour l'instant (je vous avez dit que c'était casse gueule) ? Je
continue alors... :-)
En Italie, la Renaissance est déjà en marche et le commerce se développe.
Ici, aussi, chaque cité frappe sa propre monnaie. En raison d'un commerce
florissant, une petite révolution se produit à partir de la fin du XIIe
siècle., avec une innovation en matière de monnaie. Le petit denier ne
suffit plus aux besoins du commerce: on invente alors à Venise une nouvelle
pièce d'argent, le célèbre "ducat", qui vaut 24 deniers. Cette pièce connait
dès lors un succès fulgurant, et se répand en Italie sous le nom de "grossi"
et en France sous le nom de "gros" (sous Louis XI, 1226-1270). Le "gros"
français vaut 12 deniers tournois.
Les besoins augmentant encore, on commence à frapper des pièces d'or à
Florence et à Gênes ("les "florins" et les "genevinos"), ces pièces étant
l'équivalent de nos "grosses coupures" (sauf si vous êtes banquier ou
trafiquant d'arme, n'espérez pas avoir en mains des billets de 500 Euros !
:-D). Le florin devient la monnaie d'or la plus connue en Europe, et connait
comme le ducat un succès assez important (c'était la monnaie moderne des
Pays-Bas, avant l'Euro...), et est largement utilisé en France au XIVème
siècle.
Dans la seconde moitié du XIVe siècle, Jean le Bon a eu quelques petits
problèmes avec les Anglois : capturé, il est libéré en échange d'une forte
rançon (et de la moitié du royaume :-D). Pour célébrer sa libération, sa
"franchise", il crée un nouvel écu d'or, le... Franc., qui vaut 20 sous
(note : jusqu'en 1960 et le nouveau franc, dans l'esprit des Français, "100
sous" équivalent à 5 francs...).
Plus tard, à la Renaissance, l'Espagne de son côté frappe rapidement le
"real de ocho", une grosse monnaie de 28 grammes d'argent. Dans les
territoires allemands, c'est le "thaler" (qui est aussi une grosse pièce
d'argent) qui s'impose... jusque dans les colonies anglaises du Nouveau
Monde, qui l'adopte en l'appelent "talari"... ou "dollar". En France; le
franc acquiert la valeur de la livre de compte.
En 1639 : Richelieu crée le "Louis d'or", la dénomination "écu" est alors
réservée aux grosse pièces d'argent.
Comme quoi, les histoires de nouvelles monnaies ne sont pas réservés aux
périodes modernes... Bon, stop, promis je ne me lance pas sur les problèmes
de dévaluations, les lettres de change et tout ça... :-D
(Désolé pour les références appuyées à l'Euro, ce texte a bien 10 ans, il date des mailings lists. Désolé aussi pour la concaténation merdique des lignes, pas pris le temps de la faire.)
(mithriel : deux poules pour ton âne, ça va ?)