[CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Critiques de Jeu, Comptes rendus et retour d'expérience
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Pikathulhu
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Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

LE SIÈGE DES URSULINES

Nous testons le vieux jeu post-apo du Grümph dans une partie très tactique assez longue pour voir le grand potentiel du jeu, mais hélas trop courte pour vraiment créer de l’histoire.

Le jeu : Charognards, par Le Grümph, récupérateurs de déchets dans un monde parti à vau-l’eau sous la domination des extraterrestres

Joué le 21/10/17 à la Convention Scorfel

(temps de lecture : 7 min)


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Le contexte:

Charognards est un jeu de John Grümph qui traîne sur mon disque dur depuis longtemps. Sa mise en page bricolée, un peu punk franchouillarde avec ses morceaux de catalogue Manufrance et autres revues collées ici et là et ses photomontages déglingo a été d’une grande inspiration pour les maquettes de mes premiers livres Millevaux.

J’avais conscience du potentiel de ce jeu post-apocalyptique visiblement assez raz-de-terre comme je les aime (ici, on ne sauve pas le monde comme dans Krystal, on essaie d’abord de sauver sa couenne ou au mieux, celle de sa communauté), il était plus que temps de le tester. J’ai procédé à une légère adaptation dans le monde de Millevaux, en rajoutant de la forêt comme à mon habitude, et en remplaçant les extraterrestre qui font la loi dans le monde de Charognards par des horlas. Charognards, comme la plupart des jeux post-apo (sauf Millevaux), se situe peu après la chute de la civilisation, aussi les personnages les plus anciens ont connu l’avant. J’ai conservé cet aspect car il est crucial dans la création de personnage et c’est de toute façon quelque chose qui m’intéresse même si j’en ai fait l’impasse quand j’ai imaginé Millevaux au départ : il m’arrive de temps en temps de maîtriser des parties de Millevaux qui dévient de la story line officielle en situant la chute de la civilisation à notre époque, et en faisant jouer juste après.


L’histoire :

Je vais ici faire l’impasse de la fiction, qui d’ailleurs fut plutôt courte tant c’est l’aspect technique des choses (création de personnage, puis en cours de partie gestion des jets de dé et du matériel) qui nous a occupés.

En résumé, le groupe de personnage, des récupérateurs ambulants, se réveillent au beau milieu d’une foire commerciale, en l’occurrence une foire organisée dans le Couvent des Ursulines, qui est le lieu où nous étions en train de jouer dans le cadre de la convention Scorfel (du couvent, il ne reste que le cloître, le reste est composé de bâtiments modernes dédiés à la vie culturelle et sportive). Le Couvent des Ursulines est devenu un marché fortifié très convoité par les pillards, et donc les camelots passent la nuit à l’intérieur du marché pour parer à toute éventualité.
Les personnages se réveillent donc en pleine nuit à l’intérieur de ce marché, en mode very bad trip, ils ne se rappellent pas de comment ils ont échoué là (syndrome de l’oubli bien pratique pour lancer une action in media res, c’est un procédé dont j’ai usé et abusé à l’époque du jeu Grogne), ils essaient de piller des équipements en mode discret, mais ils ont maille à partir avec un des gardes du marché (armé de FAMAS) et avec des camelots qui se réveillent : ils se retrouvent obligés de tuer un garde. Ils veulent entreprendre une fuite mais la sortie principale du marché est constituée par un tunnel à plusieurs portes, surmonté de barbelés, bref une véritable souricière conçue par les gardes du marché pour contrôler les entrées et sorties. Ils découvrent que le garde à l’entrée de la souricière a été abattu et réalisent que des pillards sont en train d’investir la souricière. Ils attaquent les pillards et « Çà », l’un des jeunes mutants du groupe, fait particulièrement un ravage. Ils arrivent à l’extrémité de la souricière, et se retrouvent confrontés à la cheffe des pillards, une redoutable colosse flanquées de chiens mutants aux réflexes et aux sens hypertrophiés. Elle prend en otage l’un des leurs… Fin en cliffhanger.



Descriptifs des personnages et de leur micro-communauté :

Silina, 50 ans, ancienne cuistot
look cambrousse / nomade
A perdu sa famille
A suivi le clan d'assez loin
Peut disparaître pendant des jours sans prévenir
Très bricoleuse
Connaît toutes les plantes comestibles

Dio
Garçon d'environ 15 ans
Arc, couteau, fusil à pompe.
Aime les animaux à manger ou à adopter.

Meïwena
Couettes
fusils
sait se battre
veut une moto

Pr T. Egmon
Sorti d'une secte de scientifiques fascinés par les horlas.
Curieux pour la forêt
Tête de vieux fou, moustache asymétrique, Sympathie pour Nono

« Çà »
greffé au groupe à un moment. N'a jamais parlé
porte un GPS
recouvert de peinture bleue
androgyne
porte une attention dérangeante au Pr T. Egmon
yeux noirs
posture animale

Hope
Petite fille de dix ans. Ses parents sont morts dans des circonstances qu'elle n'a pas rapportées au groupe.
S'est greffée au groupe en même temps que le Pr T. Egmon
Discute bien, discours pertinent.
Pas comique.

Figurants (nomades anarchiques) :

Les personnages les ont croisés il y a pas longtemps. Formation d'une communauté.
André : quincaillier, bricoleur, 50 ans
Rachelle : jeune martiniquaise, grande gueule, 18 ans, mariée avec André
Nono : mutant toubib, 8 ans, se soigne seul et soigne les autres, peut-être le fils d'André, prend les gens de haut
Trombone : cuistot / homme à tout faire, premiers soins, social, 40 ans, veuf, n'aime plus Rachel (ils ont failli être ensemble), a eu une copine qui est morte (musicien à ses heures perdues et pour le grand dam des oreilles des autres.


Feuilles de personnage

Meïwena

Jeune, origine : zone, implication : émeutière, survie : toute seule

Points de vie / fatigue / moral : 4/4/4

Bastonneur 4 (spé arme blanche)
Bidasse 1 (Scout)
Chasseur 2 (camouflage)
Conducteur 2 (moto)
Cuistot 1 (conservation)
Récupérateur 1 (mécanique)
Survivant 2 (psychologie)
Technicien 1 (mécanique)
Tête 1 (orientation)
Toubib 1 (premiers soins)



Çà

bébé, survie : seul
Mutations : lecture des émotions primaires, vision nocturne / thermographique, peau caméléon (+2dE en chasseur dissimulé), pistage (seuil +1)

Points de vie / fatigue / moral : 3/5/5 (2/0/5 à la fin du jeu)

Bastonneur 2 (spé empoignade, corps-à-corps)
Bidasse 1 (sang-froid, courage)
Chasseur 2 (approche furtive)
Conducteur 1 (reconnaissance)
Cuistot 1 (dépeçage)
Récupérateur 1 (création d'armes improvisées)
Survivant 1 (affronter terrains difficiles)
Technicien 1 (démontage)
Tête 1 (estimation météo)
Toubib 1 (médecine de brousse)

Hope
bébé, origine : parents morts
Mutations :
Polar (lit vite, mémoire photographique, toutes langues comprises et parlées, -1 seuil au jet de connaissance, +1 spécialité par jour)
Points de vie / fatigue / moral : 3/5/5

Bastonneur 1 (spé armes à distance)
Bidasse 2 (capable de dormir n'importe où comme dans un lit)
Chasseur 1 (bonne reconnaissance des traces)
Conducteur 1 (très bon sens de l'orientation)
Cuistot 1 (capable d'identifier tout ce qui est mangeable dans un milieu)
Récupérateur 2 (reconnaissance des objets précieux échangeables)
Survivant 1 (anticipation de la météo)
Technicien 1 (réparation et utilisation des objets électriques)
Tête 1 (identification des mutations dans tout l'environnement)
Toubib 1 (bon en couture / suture fixe)

Image

Silina

âge : vieille, origine : cambrousse, formation : lycée professionnel, survie : communautaire

Points de vie / fatigue / moral : 5/3/3 (3/0/3 à la fin du jeu)

Bastonneur 1 (corps à corps)
Bidasse 2 (embuscade)
Chasseur 1 (pièges)
Conducteur 2 (engins lourds)
Cuistot 1 (organisation)
Récupérateur 3 (création)
Survivant 2 (réactivité)
Technicien 1 (plomberie et eau)
Tête 1 (plantes comestibles)
Toubib 2 (attelles)

Image

Pr T. Egmon
âge : vieux, origine : cambrousse, formation : universitaire, implication : mystique

Points de vie / fatigue / moral : 5/3/3 (4/2/3 à la fin du jeu)

Bastonneur 1 (escrime)
Bidasse 2 (gestion de groupe)
Chasseur 2 (piégeage)
Conducteur 1 (bateau)
Cuistot 3 (plantes comestibles)
Récupérateur 1 (objets pratiques, de bricolage)
Survivant 1 (se cacher)
Technicien 2 (fabriquer outils)
Tête 3 (latin, connaissance des horlas)
Toubib 2 (plantes médicinales)

Image

Dio
âge : jeune, origine : campagne, implication : fuite, survie : seul

Points de vie / fatigue / moral : 4/4/4

Bastonneur 2 (armes blanches)
Bidasse 1 (résistance physique)
Chasseur 1 (arc, arme de projection)
Conducteur 1 (bateau)
Cuistot 3 (boucherie)
Récupérateur 1 (armes)
Survivant 1 (forêt, nature)
Technicien 1 (campement)
Tête 1 (animaux)
Toubib 1 (points de couture)

Image


Mise en jeu :

Je suis parti dans l'idée que la Salle des Ursulines, le lieu où nous étions réunis pour jouer, allait être le décor de notre aventure, reconvertie en marché fortifié dans le futur post-apocalyptique forestier de Millevaux. Cela nous servait de repère, je montrais les différents endroits de la salle en expliquant comment ils avaient évolué, j'ai aussi décrit la cour et le bâtiment derrière qu'on voyait par les fenêtres, et les contre-allées qui étaient en dehors de notre champ de vision mais qu'on connaissait, ainsi que l'escalier qui descend vers le cloître auquel se greffe la salle des Ursulines, reconverti dans mon imaginaire en souricière avec cloisons, sacs de sable et barbelés.

Les figurants (André, Rachelle, Nono, Trombone) m'ont servi à montrer un peu l'exemple des types de personnages et de relations typiques d'un Charognard (de mémoire, au moins une partie étaient empruntés au livre de base).


Retour des joueuses :

Joueuse de Silina :

+ J'ai pas trop compris le système de dés.

Joueur de Meïwena :
+ Le système est un peu trop complexe, par rapport à Marchebranche qu'on avait testés avec toi l'année dernière (voir CR : La fille au ruban rouge).
+ Il y a une grande différence entre les bébés, les vieux et les jeunes. Les jeunes ont très peu de compétences, mais leurs pouvoirs sont cheatés. [on discute aussi pour savoir si oui ou non les mutants sont monodimensionnels, trop spécialisés dans une chose ou non]

Joueuse de Hope :
+ J'ai trouvé que ça a déclenché beaucoup de trucs d'ouvrir le portail.

Joueur de Pr T. Egmon :
+ Les persos sont trop polyvalents et pas assez skillés. [Joueur de Meïwena : mais du coup on sent le côté survie].


Retour personnel :

+ J'ai aimé improviser une situation de siège, qui est un type d'aventure proprement post-apocalyptique que j'ai pourtant peu exploité.


Retour sur le jeu :

Charognards dispose d’une quantité d’outils pouvant gérer les aspects de Millevaux. La création de personnage, qui détermine ton rapport à la catastrophe, si tu es né avant ou après. Les personnages mutants évoquent les maletronches de Millevaux. Les extraterrestres, surpuissants et aux motivations insondables, offrent une variation sur le thème du horla : ici les horlas ont gagné, ils ne sont pas planqués dans les ombres comme dans le Millevaux classique, ils sont les maîtres du monde et c’est les humains qui doivent se cacher. La notion de communauté est une force du jeu, le concept de personnages récupérateurs, la gestion des voyages (anxiogènes) tout comme du sédentarisme (on devient une cible) est super intéressante.

Le véritable coup de cœur vient de la gestion du matériel. Chaque joueuse dispose d’un plateau représentant ses sacs de voyages avec un nombre de cases représentant la quantité de matériel pouvant être transporté. Et le jeu fournit des planches de matériel très complète, allant des armes aux dispositifs de survie à des types de matériel assez hétéroclites qui vont faire parler l’instinct de MacGyver des joueuses. Ici, il n’y a que du matériel qui peut avoir une utilité dans un contexte de survivalisme, y’a pas de banjo ou de journal intime. En fait, ce JDR est carrément un exercice pratique pour collapsologue radical.

On a tous trouvé ça très fun et en campagne, ça doit être vraiment jouissif. Par contre, mon idée de faire démarrer le groupe au milieu d’un marché était assez piteuse, car malgré les gardes, les personnages ont tenté (et réussi) de récupérer des équipements supplémentaires, ce qui cassait la dynamique de pénurie. Limite, je me demande si l’existence même de ce marché avait une quelconque pertinence dans le contexte de Charognards où l’accent mis sur la pénurie est très fort, et donc une telle structure était peut-être too much. Les extraterrestres auraient dû la repérer et la neutraliser bien avant. Un marché, ça devrait être deux roulottes avec trois bricoles, point. Là, c’était le supermarché en mode survival.

Les mécaniques de jeu (jets de dés, combat) sont très crunchy, ça s’est ressenti par une création de personnage longue et une mise en jeu assez longue également. Ce n’est pas un jeu pour one-shot ! Il faut une campagne pour apprivoiser le système et que ça devienne fluide.

C’est un jeu du Grümph assez atypique je trouve, plus désespéré que sa moyenne. Les personnages ont un gros potentiel, mais on sent que le monde est hyper dangereux, la parano règne et on a intérêt à se serrer les coudes entre membres de la micro-communauté parce que le reste du monde ne vous fera pas de cadeau, hormis quelques chiens perdus sans collier qu’on ramassera sur la route et à qui on va s’attacher malgré le lot d’emmerdes que ça va immanquablement entraîner.
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Message par Pikathulhu »

INFLORENZA POUFSOUFFLE

Il n'y a pas forcément de potion magique pour se faire des amis... Un récit de partie par Eugénie assortie d'un théâtre « Poufsouffle à Poudlard » par Faux Mensonge ! Merci à eux !

Joué le 09/11/2019

Le jeu : Inflorenza, héroïsme, martyre et décadence dans l’enfer forestier de Millevaux

(temps de lecture : 2 min)

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Madelyn, cc-by-nc-nd, sur flickr


On a joué une partie d'Inflorenza en mode « Poufsouffles à Poudlard » sur un théâtre rédigé par Faux Mensonge.

Je n'ai pas le courage de faire un CR mais ça a vraiment bien fonctionné, alors qu'on n'était pas des experts de Harry Potter. On a choisi de jouer contemporain, dans une uchronie où Voldemort ne s'est jamais réveillé, et donc la menace s'est un peu estompée et Harry Potter a fait une scolarité à peu près normale à Poudlard.

J'ai mis le théâtre sur la Partie du lundi

Et voici nos fiches de perso pour donner une idée de la partie. :)


VIOLETTE LOVEGOOD

Je voudrais que toute l’école nous admire, moi et mes amis
De toute façon ça va finir en accident
Quoi qu’il arrive une potion se retournera toujours contre nous
Toutes mes tentatives pour faire briller Poufsouffle sont vouées à l’échec

RICKY BAKER

Je veux partir à l’aventure loin de cette école moisie avec Childéric (qui est un héros, mais il a besoin d’un guide: moi)
J’ai les meilleurs plans pour avoir un high score PoufSouffle
Les potions, ça sert à tout
Les sorciers se croient au dessus des autres, et ça, ça craint
À peine 2 mois d’école et déjà j’en peux plus

LOLLY LOMBRIC

Je voudrais que Kreatur sous le lit de Lestrange devienne mon ami
Il y a forcément une potion magique pour se faire des amis
Le Mal est pavé de bonnes intentions
Nous avons tué les poissufars !
Nous compensons les faiblesses de l’administration scolaire
Tant de petites créatures comptaient sur nous

DEMITRIUS LESTRANGE

Je voudrais que mes amis arrêtent de me voir que pour mon nom (rayé)
Albus Dumbledore n’est pas mon ami
Je ne veux plus abandonner mes amis quand l’autorité les oppresse
J’ai un tome de magie interdite
Suis je une mauvaise copie de ma mère assassine ?
Je trouverai pourquoi Dumbledore est jaloux des Poufsouffles

CHILDÉRIC POINTDUJOUR

Je veux convaincre Violette de ne pas faire de vagues
Je porte la marque d’Helga Poufsouffle
J’ai révélé la tyrannie de Dumbledore malgré moi
Il faut négocier avec les elfes de maison
Je suis un sang-de-bourbe inutile
Mes rêves funestes deviennent réalité
Jevaismefairerenvoyerjevaismefairerenvoyerjevaismefairerenvoyerjevaismefairerenvoyer


On a fait un tour de PNJ et lieux pour s'approprier le décor :
- la bibliothèque : QG des Serdaigle
- notre refuge : le rayon horticulture de la bibliothèque, assis par terre entre les rayons
- le préfet des premières années : Dany Londubat, qui fait pousser des herbes rigolotes et qui dit toujours «  Oh non, on avait dit qu'on avait pas le droit... »
- nos Némésis chez Gryffondor : Jordan Potter l’arrogant (il est déjà dans l’équipe de Quidditch) et Kevin Malefoy son pote
- Nathael Krueger: Edgelord serpentard qui joue la provoc même et surtout quand il ferait mieux de fermer sa gueule
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Message par Pikathulhu »

LA FORÊT MYSTÉRIEUSE

Un jeu de société jeunesse sur le thème de la forêt ? C'était forcément à tester !

(temps de lecture : 3 min)

Le jeu : La Forêt Mystérieuse, jeu de société familial où on incarne un gamin parti à l'assaut de l'Araignée Géante de la forêt.

Joué le 29/10/2017 aux 24 heures du jeu à Theix (Morbihan)

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Déjà en 2017, l'idée de concevoir des jeux de société ou des jeux de cartes Millevaux me trotte en tête. Au hasard de ce salon de jeu cher à mon cœur que sont les 24 heures du jeu (aujourd'hui Lud'Ouest, il s'agit d'un festival dont j'ai dirigé l'équipe à sa création en 2007, jusqu'en 2009), j'aperçois La Forêt Mystérieuse dans les jeux en démo, et je convaincs l'ami qui m'accompagnait d'y jouer.

Dans ce jeu, on incarne à plusieurs un gamin qui part de sa maison avec une épée en bois et traverse une forêt fantasmagorique jusqu'à la confrontation finale avec un monstre arachnoïde qui fait office de dragon pour ces lieux.

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Tout d'abord, le jeu est magnifique. Les cartes sont peu nombreuses, mais leurs illustrations, en couleur directes et légèrement manga, sont de toute beauté. Les couleurs vives forment un beau tableau d'un monde végétal absolument alien, où le règne animal (une faune étrange ou dangereuse) et minérale (des forêts de cristaux) est aussi à l'honneur.

J'ai trouvé le gameplay franchement astucieux. La Forêt Mystérieuse est une sorte de Mémory amélioré. On dévoile d'abord les cartes qui vont constituer le parcours du héros à travers la forêt. Chaque carte illustre un défi que le gamin aura à relever (éviter une chute, combattre un monstre, etc) et comporte des pictogrammes représentant les équipements nécessaires pour relever le défi.

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Une fois qu'on a visualisé ce parcours et qu'on l'a mémorisé, on remet les cartes face cachée. il faut maintenant remplir la besace du gamin avec des jetons d'équipement : le but est de s'être assez bien rappelé pour avoir en effet les bons équipements quand il faudra faire le parcours !

Il y a pas mal de jokers et des niveaux de difficulté à choisir : c'est un jeu familial, on peut choisir de jouer en mode easy-win ou corser un peu le défi.

Pour se rappeler des équipements, il nous est aussitôt venu à l'esprit de surtout mémoriser l'histoire que racontait chaque carte : pourquoi le gamin utilisait tel et tel équipement pour venir à bout du défi... et c'est ce qui nous a permis de bien mémoriser et donc de gagner. Cette mécanique m'a semblé hyper pertinente pour symboliser le syndrome de l'oubli, et je compte la mettre à profit dans mon projet de jeu de cartes Millevaux tactique / narratif, avec des systèmes de cartes qu'on visualise puis qui sont repositionnées face cachée, alors il faut se raconter une histoire pour s'en souvenir...

Seule ombre au tableau : La Forêt Mystérieuse est un jeu spéciste. L'objectif c'est d'aller buter une araignée géante et ça n'est pas plus expliqué que ça, le jeu suppose que dans les contes pour enfants, les araignées, c'est beurk, c'est des monstres nuisibles ou dangereux qu'il faut éradiquer. En tant qu'animaliste, c'est bien sûr un message qui me gêne au plus haut point. Mais qui m'interroge également sur mon traitement personnel des horlas, qui sont tout comme le monstre arachnoïde de La Forêt Mystérieuse, des antagonistes animaloïdes qu'on trucide assez souvent sans se poser de questions... La paille, la poutre, vous connaissez l'histoire.

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Message par Pikathulhu »

UN VOYAGE

Suite de la campagne Millevaux Mantra de Claude Féry, ici jouée avec Sève. Où les personnages font d'étranges rencontres : d'abord une sorcière horla puis d'énigmatiques ermites !

Joué le 23/10/2019

Le jeu : Sève, un jeu de rôle Millevaux pour pencher entre sa survie, sa mémoire et son humanité, par Claude et Gabriel Féry

(temps de lecture : 5 min)


Image
Sy Parrish, cc-by-nc, sur flickr


Compte-rendu, format PDF illustré
Purple Haze, texte par Gabrielle, format PDF

Nous avons joué cet après-midi avec Sève la suite de notre campagne.
4 joueuses, Alexane, Gabrielle, Xavier et moi.
Durée : 1h50

(les photos suivantes sont de Claude Féry, par courtoisie)


L'histoire :

Marie et Samael quittent leur refuge déserté par Horace.
Le chien de Marie disparaît mystérieusement pendant leur première nuit passée loin de leur cabane de fortune.
À presque-aube, Marie est éveillée par lièvre juché sur sa poitrine. Après un « bonjour » rêvé (?) ce dernier détale dans les broussailles.
Bientôt le chien les rejoint après que Samael , taquin ait laissé entendre qu'il l'avait dévoré.

Les enfants poursuivent leur chemin et rencontrent une vieille dame maigrichonne qui se déclare perdue dans le bois.
Marie décide de l'aider.
Plus tard, ils sont rejoint par un Hessian envoyé en éclaireur par les iroquois du clan de l'ours, toujours à leur poursuite, qui ont flairé la présence d'un esprit néfaste. Le soldat, le mousquet armé, les somme de le suivre.
La vieille femme, Naïa, s'interpose et déclare que les enfants sont libres.
Le soldat, Grigor, la menace alors, même s'il déclare ne pas avoir à cœur de lui nuire.
La vieille femme plonge ses mains telles des serres dans ses nippes et en extirpe un cœur encore palpitant.
Le chien de Marie s'effondre en répandant ses viscères dans une mare de sang.
Les gamins se jettent sur la créature et Grigor parle de poudre et de convictions.
Tous ont à cœur d'éliminer la créature.
Quand Marie enfonce la lame de son couteau de chasse dans les flancs de la créature, devenue un immense et solide brave, ses narines s'emplissent non de l'odeur familière de la poudre mais de celle de végétaux en décomposition.
Samael en la taillant de ses sabres à le sentiment de tenter d'abattre un chêne.

Fondu au noir.

Image

Ils forment un cercle avec les braves Kukeri.
Ils sont couvert de wampus, manteaux de végétaux tressés, ornés de magnifiques fleurs jaunes en guise d’épaulières.

Devant chacun d’eux, dans une coupelle de bois ouvré, repose un oronge orangé à demi rongé qui répand la même odeur que la créature défaite dans le bois.
Le plus vieux s’adresse à eux : « vous êtes des anciens au seuil d’un grand voyage ».
Monsieur t’es qui lui demande aussitôt Samael.
-« Je suis Feuille, comme mes frères nous sommes les feuilles d’un arbre de vie.
Ah mon p’tit gars, tu regardes mes doigts !
Aimerais-tu que je te raconte l’histoire de la droite et de la gauche ?
L’histoire du bien et du mal ?
Ça c’est la haine !
Et, c’est avec cette main gauche, que le frère Caïn tua Abel, qui était aimé de Dieu !
Ça c’est l’amour ! Voyez ces doigts cher cœur !
Ces doigts ont des veines qui les relient à l’âme humaine
L’amour c’est cette main, c’est la main droite !
Regardez c’est là l’image de la vie !
Ces doigts cher cœur sont toujours en lutte les uns contre les autres ! »

Image
Xavier est Samael

Les Kukeri déclarent qu'ils sont des anciens, unis par l'âme et le sang, que le passé est l'avenir ou l'avenir leurs souvenirs qu'ils doivent recouvrer en se rendant dans la Cité de Rouille. Marie est par ailleurs l'une des neufs, du conseil des neufs puisqu'elle a été honorée par la visite du Grand Lièvre.
-« Et toi Samael qui revient de pays autrement lointains,
Tu avances avec la tête tournée vers l'arrière.
Ton voyage se déroule-t-il seulement dans le passé ?
Mais le passé se modifie à mesure que tu avances.
Quand tu arrives quelque part, tu retrouves une part de ton passé, dont tu ne te souvenais plus que tu la possédais.
Et toi, Marie, même les avenirs non advenus sont des branches de ton passé.
Des branches mortes
Des eaux stagnantes
Posant la main sur l’épaule de Grigor
-« Le voyage il est à l'intérieur en fait ».
Puis ils se saluent en disant « tout est lié ».
Samael interroge Feuille « Dis monsieur Feuille t’as tué beaucoup de guerriers ? »
-« Moi j'ai écrit des mots morts à ceux que je voulais oublier. »
Ils s’éloignent en psalmodiant et dansant vers le bois sombre qui domine le chemin sur lequel ils se tenaient. Ils gagnent une clairière obscure et font cercle autour d’une vielle souche couverte champignons.
Avant de partir ils mangent les branches d'une créature jaune frissonnante pour consacrer et renforcer les liens du sang.
« Ceci est le sang, le sang d’une alliance nouvelle et éternelle
Prenez et mangez en tous, car ceci est notre sang ! »

Ils sont désormais sur un chemin battu par le vent et la pluie. Loin devant eux une cité derrière de hauts murs de fer rouillé. Entre eux et leur destination des collines de cendres d’où émergent des arbres malingres.

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Commentaires :

Tous ont apprécié et se sont beaucoup investis.
La résolution de l’affrontement a mobilisé une grande part de leurs attaches, toutes négociées âprement. Finalement, ils disposaient d’un bonus de +3 ! résultat obtenu : 13, réussite !

Xavier a moins apprécié la seconde partie, ou il s’est senti dépossédé de son agentivité.


Purple Haze

Je souriais, transi de joie, la journée était mille fois maussade et pluvieuse, mon avenir ne s’égayait pas. Pourtant je n’étais que liesse. Des chaînes immenses allaient me quérir, et bientôt, elles n’emmèneraient dans l’inconnu, et pourtant seul s’esquissait cet affreux souvenir. Ce sourire, cette pensée happait tout, j’avais même perdu jusqu’à mon nom. Le seul souvenir qu’il me restait c’était ce nuage torride, un nuage fané, fané d’une lueur toute violâtre.
J’étais perdu, je ne sais en quel heure nous étions, seul un affreux tintamarre secouait mes larges oreilles comme les secondes, flot multiple, insoutenable, pressent les vénérables heures. Désormais je n’entendais plus que cette joie damnée comme le ronronnement d’une machine gigantesque, et là je me savais bête. C’était là, et de loin le plus intraitable sentiment qui m’eut gouverné. Pas un instant ne semblait m’être donné avant que ce nuage ne revienne, nuage de folie.

Gabrielle Féry

(Musique : Philip Glass - Metamorphosis | complete)

Image
Gabrielle est Gregor Sanza


Note de Claude sur le texte de Gabrielle Purple Haze :

Gabrielle l'a écrit initialement pour rp en forum mais me l'a soumis en début de partie lorsque nous explorions ensemble l'état d'esprit de son jeune personnage.

Nous avons utilisé la pièce de John Adams lorsqu'ils collectivement tissé le récit de leur victoire sur la créature et Gabrielle en a mis en jeu des bribes de son texte. Ce pourrait être le début d'un solo à jouer aujourd'hui ou demain ce dont nous avons convenu


Commentaires de Thomas après lecture du CR

A. La sorcière sur la deuxième page du CR, c'est la sorcière Naïa, de Rochefort-en-Terre (Morbihan, à 3/4h de voiture de chez moi), qui a donné son nom à un musée de l'imaginaire assez chouette, le Naïa Museum.

B. « Tu avances avec la tête tournée vers l'arrière.
Ton voyage se déroule-t-il seulement dans le passé ?
Mais le passé se modifie à mesure que tu avances. »

J'adore cette tirade et le laïus général au sujet de la mémoire

C. Tu dis que Xavier s'est senti dépossédé de son agentivité lors de la seconde partie. Je me demande si ce n'est pas lié à la nature de ta préparation. J'ai le sentiment (corrige-moi si je me trompe) que tu avais pas mal préparé cette deuxième rencontre et le lieu final. Mais as-tu préparé une cinématique ou une scène dynamique ? Prévoir les interactions dès la préparation pourrait être une bonne façon de garantir que les choses sont interactives. Ici, en effet, les personnages ne sont que spectateurs de la rencontre car tu n'as pas vraiment prévu que leurs actions aient un impact.

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Alexane est Marie


Réponse de Claude :

C. Oui, je n'ai prévu qu'une cinématique de transition. Mais elle a été appréciée par Gabrielle et Alexane. Par ailleurs, ils n'étaient pas spectateurs Alexane et Gabrielle ont joué l'impact de toutes les étapes du rituel kikuri mâtiné de chrétienté. Ils ont décrit leurs émotions et leurs sensations. Il y a une grande part de provocation de Xavier qui a joué la scène entre l'émerveillement candide et la crainte ou le malaise, notamment pour la dévoration du blob. Il jouait non seulement son personnage mais donnait des indications à Alexane façon Goupil.
En outre mes garçons n'ont aucune éducation religieuse et chaque évocation du sentiment religieux, mobilise plus encore leur imaginaire.
Ceci n’ôte rien à la pertinence de ta remarque
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Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

LE SANCTUAIRE

Où il est question de trouver une terre promise dans une Moselle irradiée et de se soustraire aux appétits d'un Shoggoth !

(temps de lecture : 5 min)

Le jeu : Cthulhu Dark 1ère édition VF, de Graham Walmsley (traduit par Le Grümph), un condensé de lovecrafterie pour les hipsters pressés.

Joué le 03/11/2017 aux Utopiales, à Nantes

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Gareth Courage, cc-by-nc, sur flickr


Le contexte:

A sa lecture, Cthulhu Dark m’a fait l’effet d’une bombe, et je ne suis pas le seul, tant la première édition, un pdf de quelques pages, a défrayé la chronique : c’était LA nouvelle manière de faire du jeu de rôle lovecraftien, une sorte de réinvention post-moderne de L’Appel de Cthulhu qui allait à l’essentiel.

Cthulhu Dark est en effet un petit bijou d’élégance et brille par quelques mécaniques puissantes à mes yeux :
+ la possibilité de lancer deux dés supplémentaires : le dé de santé si on met sa santé physique en jeu, et le dé de folie si on met sa santé mentale.
+ le fait de devoir détruire des preuves de l’existence du Mythe pour récupérer de la santé mentale.
+ le fait que les combats contre les créatures du Mythe ne sont pas motorisés : les créatures gagnent, point.

J’avais fait un premier test (sans compte-rendu) en petit comité, dans un contexte purement Cthulhu années 20, autour du De Vermiis Mysteris et d’une invasion de vers. J’avais tout particulièrement apprécié l’ambiance et je me disais que j’avais trouvé mon Graal pour faire du Cthulhu sur le pouce, sans fioritures (je rappelle qu’à L’Appel de Cthulhu, une création de personnage c’est entre 10 à 30 minutes selon l’expérience de la joueuse, ici on est plutôt sur une minute).

De fil en aiguille, je me suis dit que c’était adapté pour jouer le versant le plus lovecraftien de Millevaux. J’ai donc testé le jeu avec une seule adaptation technique : pour récupérer de la santé mentale, il ne fallait plus détruire des ouvrages du Mythe, mais tuer des personnes dépositaires de secrets du Mythe. Ce changement me paraissait mettre en valeur le côté dur de Millevaux et éliminer le côté grimoire ancien qui est assez absent de Millevaux (quand on découvre un catalogue Ikea encore lisible, c’est déjà une victoire, alors un vieux tome médiéval bouffé aux mites…)


L’histoire:

Je ne vais pas m’appesantir sur la fiction, mais grosso modo le groupe était à la recherche d’une terre promise épargnée par la radioactivité, ils ont exploré une fête foraine désaffectée (j’étais content de mettre en scène ce type d’environnement pour la première fois alors que j’ai été biberonné aux photos de parcs d’attractions abandonnés), rencontré Winchester, un type louche et impulsif armé d’un fusil (c’était en fait un liquidateur qui aurait pu les aider), recueilli un gamin dans les autos-tamponneuses (Petit Claude), traversé une forêt hantée par un shoggoth.
Ils se sont embrouillés avec Winchester, qui a tué Sélène, l’une des leurs. Lucas assomme Winchester, et au réveil, il leur explique qu'il est un veilleur. Ortie fait une fausse potion d'oubli : Winchester repart avec les munitions que lui avait pris le Vieux Tanin en échange du médaillon des veilleurs.
Petit Claude trippe sur les microbes qui l’effraient, et avec un microscope qu’il a dégotté, Prof réalise qu'ils ont tous des microbes sur la peau… Angoisse.

Les personnages ont finalement atterri à Frémin, leur fameuse terre promise, qui s’est avérée être… une centrale nucléaire (en l’occurrence la centrale de Freyming-Merlebach. Erreur de ma part, d’ailleurs ; après fact-checking, il n’y a pas de centrale à Freyming-Merlebach, mais à Cattenom, située 52 km plus loin). Les occupants de la centrale acceptent de faire rentrer les personnages sous la surveillance de leurs snipers, mais à l’intérieur, ils leur expliquent que la centrale, si elle émet la radioactivité qui contamine les environs, est elle-même un lieu de sûreté ; il est fortifié et ses tenanciers disposent de capsules d’iode contre la radioactivité. La cheffe de la centrale termine son discours en annonçant que les personnages vont être fusillés parce qu’ils n’ont pas assez de vivres pour les accueillir et qu’ils ne peuvent pas non plus les laisser repartir maintenant qu’ils en savent trop.


Descriptif des personnages :

Prof, petit gaillard, petites lunettes, érudit, son père explorait déjà le monde, a constitué un dossier-encyclopédie. Dégarni, moustache. Un jour son père a disparu, Prof ne sait plus pourquoi. Bonne mémoire, de ce qui est pas dans le dossier, peut être fasciné par ce qu'il découvre dans la forêt. Petit labo portable, sait cuisiner.

Sélène. 25-30 ans, pisteuse. Occupation principale : repérer les endroits importants, susceptibles d'être dangereux, chasse pour le village. D'un naturel discret, observateur. Vive et claire. Yeux de chouette lui confèrent une bonne vue. Arc et flèche, couteau de chasse, radio, armure de cuir, matériel d'escalade. Pendant l'attaque du shoggoth, était partie en forêt.

Charlie, bûcheronne, bon sens de l'orientation, mécano, construit des pièges et des poulies, petit couteau, des ressorts, des lacets en cuir, se nourrit par photosynthèse, veines qui brillent la nuit.

Le Vieux Tanin
Barbu hirsute, bedaine, premiers soins, colporte les ragots

Ortie
Herboriste, guérisseuse. Calme. Sang-froid. Sceptique, prend du recul. Sensible, observe beaucoup les gens et les choses pour se mettre à leur place.
Entend les morts mais ne sait pas trop ce que ça peut lui apporter/
Dans le village, était avec sa mère, une vieille femme connue dans le village pour faire des miracles, lui a transmis son art, des techniques d'un monde ancien. Pendant l'attaque, on n'a rien retrouvé d'elle. Persuadée qu'elle est toujours vivante. Sa mère avait une grosse boucle de ceinture, retrouvée chez l'ermite.
A un chien.

Crève-cœur
Bûcheron, fils de bûcheron. Musclé, imbu de lui-même, peu impressionnable. Hache, pull de laine, besace, gourde, support (claie de portage)


Feuilles de personnage :

Ortie
Santé 1 Folie 2
occupation : herboriste, médecin
traits : calme, sang-froid, sceptique, sens de l'observation
Mutation : entend les morts
Équipement : herbes, serpe, petit couteau, boucle-ceinture, chien

Crève-cœur
Santé 1 Folie 2
occupation : bûcheron
traits : fort, peu impressionnable
Équipement : hache, pull de laine, besace (corde, gourde d'eau, trousse de secours), clef de portage

Charlie
Santé 1 Folie 2
Occupation : bûcheronne
traits : sens de l'orientation, mécano/pièges
mutation : ses veines brillent la nuit (photosynthèse, vert luciole)

Le Prof
Santé 4 Folie 1
occupation : « érudit »
traits : bonne mémoire, un peu dans son monde/curieux
Équipement : dossiers de mon père que je continue, besace, labo portable, sac à dos (matériel de cuisine)

Le Vieux Tanin
Santé 3 Folie 2
Occupation : barbier
Traits : colporte les ragots, premiers soins
Équipement :
rasoirs, matos à aiguiser, ciseaux, trousse de soins, nécessaire de toilette, sac à dos

Sélène (décédée en cours de jeu)
Santé 1 Folie 2
Occupation : pisteuse
traits : alerte, observateur
mutation : yeux de chouette
équipement : arcs et flèches, couteau de chasse, armure de cuir, matériel d'escalade (corde, grappin), kit de survie, kit de pièges

Brook
Santé 1 Folie 2
Occupation : pisteuse
traits : alerte, observateur
mutation : truffe de chien
équipement : arcs et flèches, couteau de chasse, armure de cuir, matériel d'escalade (corde, grappin), kit de survie, kit de pièges


Commentaires :

Retour du joueur de Crève-cœur :
+ Le système de jeu est très bien. C'est le MJ qui fait tout le boulot. On est pas écrasés par les règles

Retour de la joueuse d'Ortie :
+ Parfois on avait tellement de pouvoir que ça manquait de cohérence. [Réponse de Thomas : J'ai oublié une partie des règles. J'aurais dû vous demander des jets de folie plus vite, ce qui aurait accéléré l'attrition.]

Retour personnel :

+ La partie fut intéressante, mais j'ai trouvé que l'attrition de Cthulhu Dark manquait de rapidité, donc même mise à part mes oublis, je pense que les joueuses ne peuvent pas se sentir en danger à l’échelle d’un one-shot, et ma règle maison pour récupérer de la santé mentale n’a pas eu du tout l’occasion d’être testée : le jeu est plus adapté pour des campagnes courtes que pour des séances uniques.
+ Par ailleurs, malgré quelques conseils percutants, la première édition de Cthulhu Dark demeure un nano-game ; c’est surtout un système de résolution, c’est réservé aux grognards de L’Appel de Cthulhu ou aux improvisateurs nés : car le jeu nous laisse plutôt en slip pour construire de la narration. S’il faut y jouer dans l’univers de Cthulhu, des aides de jeu type tables aléatoires et Almanach, voir les scénarios de ma plume ou de la communauté, peuvent s’avérer indispensables si vous débutez dans Millevaux.
+ Je dois me pencher sur Trophy, un hack de Cthulhu Dark appliqué à un univers évoquant Symbaroum, qui propose sûrement une adaptation plus appropriée à l’horreur forestière.
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Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

Du samedi 30 octobre au lundi 1er novembre, je serai aux Utopiales à Nantes !

Invité du pôle ludique, j'animerai un atelier de création d'histoire à partir d'outils de jeu de rôle, une campagne en table ouverte sur la guerre entre l'ordre et le sauvage... et je recherche également un hébergement pour la nuit du samedi soir et du dimanche soir !

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Mon programme détaillé :

+ Samedi 10h30-13h : Atelier d'écriture, créer une histoire avec des outils de jeu de rôle

Les jeux de rôles et autres jeux narratifs proposent aujourd'hui une pléthore d'outils pour créer des histoires : univers riches, logique interne fertile en narration et en épreuves, structures narratologiques, tables aléatoires, jeux de cartes, applications...
En utilisant un certain nombre de ces outils, je vais vous proposer de réaliser chacun.e un synopsis d'histoire : vous verrez que les choses peuvent venir beaucoup plus naturellement qu'en partant de la seule inspiration brute.
Je prendrai l'exemple de mon univers personnel (la forêt de Millevaux) pour sa cohérence et sa richesse en aides de jeu, mais nous aborderons aussi des aides de jeu issues d'autres jeux, ainsi que des jeux narratifs plus orientés story-telling.

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easegill, cc-by

+ Jeu de rôle en table ouverte (samedi après-midi, dimanche & lundi toute la journée) :

L'Ordre et le Sauvage est une campagne de jeu de rôle sans règles qui a lieu dans l'univers forestier post-apocalyptique de Millevaux et vous propose de vivre les événements d'une guerre qui oppose l'humanité et la nature.

La campagne sera proposée en table ouverte, vous venez, vous prenez un perso, vous jouez aussi longtemps (ou pas longtemps) que vous voulez, vous repartez quand vous voulez, et vous pouvez même reprendre le cours de l'aventure avec le même personnage ou un nouveau.

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crédit image : Emanuele Liali, cc-by-sa
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Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

LA REINE DE LA CRASSE

Première partie d’une nouvelle campagne Millevaux solo-multisystèmes, en crossover avec la mythologie de la Trilogie de la Crasse et la ville crapoteuse et hallucinée de Mertvecgorod née sous la plume de Christophe Siébert. Où un simple exécutant s’entiche pour la victime qu’il doit convoyer et tente l’impossible pour la retrouver. Un récit par Damien Lagauzère

(temps de lecture  : 32 min)

Joué le 07/05/2019

Le jeu principal  : Pour la Reine d’Alex Roberts, le turfu du jeu narratif

Salut, je viens de finir le 1er chapitre de ma nouvelle campagne solo Millevaux / La Trilogie de la Crasse. je l'ai fait précéder de l'intro/créa de perso. En tout, j'aurai joué avec Grey Cells, Pour la Reine et Bois-Saule, dans un univers mixant Millevaux, la Crasse et la RIM.

La RIM est le théâtre du prochain recueil de nouvelles de Siébert qui devrait paraître l'an prochain (Note de Thomas Munier, 30/09/2021 : il s’agit sans doute des Chroniques de Mertvecgorod). Il y a, je trouve, bien des points communs avec La Trilogie de la Crasse, mais comme il en est aussi l'auteur, on peut difficilement lui en vouloir ^^

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Chiara Baldassarri, cc-by-nc-nd


L’histoire:

Je m'appelle Damon Haze. Je suis âgé de... on s'en fout complètement en vérité. Et je ressemble à ? A rien. Comme en vrai. Pourquoi « comme en vrai » ? Parce que rien n'est vrai, donc tout est permis, isn't it ?
Non, ce qui importe de savoir, c'est que je suis un Éveillé, une Mouche au service de Black Rain. Et là, vous vous dîtes que je suis fou. Pas vrai, docteur ? Et vous avez raison. Je suis fou. Pourquoi ?
Je suis fou parce que je sais que rien de tout cela n'est réel. Et pourtant, j'y crois ! Ce n'est qu'une fiction. C'est un jeu. Un jeu de dupe. Un jeu de rôle. C'est parce que rien n'est vrai que tout est permis. Rien de tout cela n'existe vraiment. Je le sais. Mais je fais le choix aussi conscient et aussi volontaire que possible pour un simple avatar, le simple être de fiction que je suis, oui ! Je fais le choix de croire que tout cela est vrai. Je choisis de croire que je suis un agent de Black Rain, un Éveillé explorant le multivers à la recherche d'indices au sujet de la mort de l'Hommonde. Mais ce n'est pas tout. Je travaille aussi sur cette nouvelle forme de l'Entropie nommée Millevaux, cette forêt maudite, cette bulle de pourriture née sous le derme pourrissant de l'Hommonde qui éclate en bulle putrescente et répand sa pestilence dans tout le multivers, hâtant sa décomposition. La Pluie Noire et les agents de l'Entropie. Millevaux et ses Horlas et ses Cœlacanthes. Le meurtre de l'Hommonde. Je fais le choix de croire que tout ça a un sens, que tout ça a une quelconque réalité. Je choisis de jouer le jeu. J'accepte ces données. Je sais que je ne suis pas celui que je prétends être. Je sais que tout est faux, docteur. Ce n'est pas la peine d'essayer de m'en convaincre. Mais j'ai choisi d'y croire. Alors, je vais jouer.
Et comment je sais que tout cela est faux, que tout cela n'est qu'une fiction ? Parce que je suis un avatar du Joueur. Je suis son personnage, un peu plus qu'une marionnette. Ou un peu moins puisque je n'existe même pas sous la forme d'un bout de bois. Je le sais parce que, en tant que personnage de ce jeu, je... je ne le vois pas, non, c'est lui qui me voit mais... je sais que le Joueur est assis face à son PC. Je sais que son bureau est rempli de papiers, de fiches de personnage, une fiche surtout ! La mienne ! Je sais même, sans le voir car ce n'est pas moi mais le Joueur qui le voit, qu'il y a cet exemplaire de La Trilogie de la Crasse à gauche de l'écran. Je sais même qu'il y a une clé USB blanche et rouge fichée dans le port du PC.
Et comment je sais que tout cela est faux, que tout cela n'est qu'une fiction ? Mais docteur, parce que le pays même où je vis n'existe pas ! La République Indépendante de Mertvecgorod n'existe pas en réalité. C'est une fiction. Une fiction littéraire qui n'existe même pas encore sous forme de livre imprimé ! La sortie n'est prévue qu'en 2020 ! Vous vous rendez compte, docteur ? Je sais tout ça ! Mais je choisis de considérer que c'est réel car je veux jouer. Je veux percer les mystères du meurtre de l'Hommonde. Je veux percer les secrets de cette forme d'Entropie corruptrice qu'est cette forêt de Millevaux.
Mais franchement, même vous docteur, comment pouvez-vous prétendre être réel ? Regardez-vous ! Avec vos... tentacules sur le crane ! Vos yeux de camé...-léon ! Vous ne portez même pas de vêtements ! Vous êtes à poil docteur ! Bon, je sais que cette expression n'est pas trop le bien venue pour un être reptilien mais... Vous êtes à poil docteur ! À poil et à vapeur, même... si je puis me permettre. Bref...

Je suis Damon Haze et je suis une Mouche. Le reste... on s'en fout !

Docteur, même les rêves que je vous raconte ne sont pas réels. Ce ne sont pas les miens. Ce sont ceux d'un écrivain, Anton Vandenberg. Tenez, avant de partir, écoutez celui-là :

«  En voyage avec ma compagne R.
Quelque chose est sur le point de se terminer.
Nous quittons la chambre d’hôtel le cœur serré.
Au-dessus de nous, le ciel est lourd et plombé.
On monte dans la voiture sans rien dire. Pas besoin : on sait où on doit aller.
On roule pendant un long moment sur une route de campagne.
À perte de vue, une immense forêt. Qui défile.
Impression persistante de circuler le long d’une interminable balafre infligée par l’homme à la nature.
Après plusieurs heures de trajet, nous atteignons la frontière.
Devant nous, l’Estonie.
Ma compagne gare la voiture sur un parking jonché de mégots et de bouteilles de bière vides puis coupe le moteur.
Au moment où on ouvre les portières, un cri atroce retentit de l’autre côté de la frontière.
Un cri de hyène.
Tu es toujours sûre ? je demande à R.
Allons boire un verre, répond-elle en désignant le bar miteux situé juste à côté du poste de douane.
Deux types énormes, massifs, sont attablés près de l’entrée.
L’un nous tourne le dos ; il arbore une queue de cheval aussi huilée que son Perfecto orné d’une tête de mort.
L’autre ressemble à un skin, ou un biker – ou un mélange des deux.
Regards croisés façon Western de série B et grand silence avec bruit de mouches violées.
On ressort du bar et on retourne à la voiture. Demi-tour.
On est tranquilles nulle part, dit l’un de nous deux au bout d’un quart d’heure.
Dès notre arrivée à l’hôtel, on s’aperçoit que notre chambre a été faite.
Manifestement, elle est même déjà relouée, car toutes nos affaires ont été balancées dehors en vrac.
Qu’est-ce qu’on fait de ça ? demande ma compagne.
« Ҫa », ce sont deux énormes peluches, grandes comme un enfant de six ou sept ans.
Un ours blanc et une lionne.
On ne peut pas les prendre, je réponds. Pas de place.
Ҫa fait un bail qu’il n’y a plus de place nulle part pour les peluches.
Aucun de nous n’est dupe, mais elle n’insiste pas.
On entasse vite fait quelques fringues dans nos sacs, puis on remonte dans la voiture.
R. démarre, les mâchoires serrées.
Je ne sais pas où on va.
Je n’ai pas envie de le savoir.  »

Alors, docteur, vous en pensez quoi ? Vous savez quoi ? En vrai, je sais où on va. On rentre à la RIM. Je la ramène. Je ramène R. Elle, elle ne le sait pas. La pauvre. J'aimerais pas être à sa place. Je crois que je l'aime.

On nous dit pas grand chose à Black Rain. C'est, parait-il, pour qu'on puisse avoir un regard neuf sur les faits. Nos chefs se chargent ensuite de faire des recoupements et de tirer des conclusions dont on ne sait jamais rien. Et là, je ne sais pas pourquoi on m'a demandé de ramener R. à la RIM. R. ne fait pas partie de Black Rain. Elle n'est ni une Mouche ni même une sensitive. Je l'aurais vu dans ce cas. Elle ne sait rien du meurtre de l'Hommonde, du multivers et de l'Entropie. R. est une actrice. Dans l'industrie du divertissement pour adulte, certes, mais une actrice quand même et... je crois que je l'aime. Est-ce pour ça qu'on m'a demandé de la ramener ? Ou alors est-ce pour ça que ces deux mastards de Black Rain (oui, je sais qu'ils en sont) étaient au bar ? Ils nous surveillaient. Ils me surveillaient. Est-ce une épreuve, un test de loyauté ? Mais oui, je vais la ramener. Et elle le sait...

Je n'ai eu droit à ce qu'on appelle dans le jargon « une rendez-vous privé » qu'une seule fois avec la Reine R. Mais je n'en garde pas un très bon souvenir car je dois reconnaître que je n'ai pas été à la hauteur. Timidité ? Ouais, peut-être... Je ne sais pas. J'ai fait le job, on va dire mais... ce n'était pas inoubliable et j'aurais même finalement préféré l'oublier.

Pourquoi je l'aime ? Pourquoi j'aime R. Je ne sais pas. Rien ne devrait me détourner de ma tâche, ma véritable Reine, les Trois Mouches et ma mission. Pourtant, R. me touche. Je n'aime pas son métier mais... je crois que j'éprouve de la compassion. Je connais un peu son passé. Je sais comment elle en est arrivée là. Elle ne se plaint pas. Elle aussi elle fait son job. Mais je sais et j'aurais aimé que les choses soient différentes pour elle. Si je devais donner dans le mélo, je dirais que j'aime son drame. Alors c'est pour ça que je l'aime, que je veille sur elle autant que possible. J'aimerais faire plus. Mais là... j'avoue être un peu coincé.

Je suis emmerdé par cette mission. Je sais que ça ne va pas bien finir pour elle. Elle le sait aussi. Je crois qu'elle sait que je l'aime. Et je crois qu'elle comprend que je n'ai pas d'autre choix que de l'escorter jusqu'à la RIM. J'essaye de ne pas en faire des caisses, de rester sobre et efficace. Et je crois qu'elle apprécie.

Pourtant, je pourrais lui en vouloir. L'autre soir, on était encore loin de la frontière, on s'était arrêté dans un petit resto italien. On avait commandé des pâtes et plusieurs bouteilles de vin. Et elle a eu l'alcool amer. Elle a dit des choses. C'était blessant. Pas gratuit, mérité même, mais blessant. Le lendemain, elle a dit ne se rappelait de rien, qu'elle était bourrée. Mais elle s'est excusée quand même.

C'est elle qui conduit. Elle a insisté. À tout moment, elle pourrait faire demi-tour, changer de route. Le temps que je reprenne le contrôle de la situation et du véhicule... elle nous aurait peut-être planté contre un platane et ce serait certainement aussi bien pour elle. Et même pour moi... Remarque, moi je m'en fous. Si je meurs, le Joueur me fera renaître sous une autre forme. Un autre Haze, une autre Mouche... ou un Cafard, va savoir.
Mais elle va tout droit. Elle ne dévie pas de la route. Et moi, quand même, alors que je regarde défiler le paysage, j'ai la main dans la poche, serrée sur la crosse de ce flingue dont je ne sais pas s'il va me servir à la protéger contre dieu sait qui ou à lui tirer une balle dans le dos si, finalement, il lui prenait l'envie de s'enfuir.

Mais je ne pense pas qu'elle s'enfuira. Elle a tout de suite compris quand elle m'a vu débarquer. Elle a promis de me suivre sans faire d'histoire. Je la crois.

La RIM... Je ne sais pas quoi penser de ce pays. Je ne sais pas pourquoi le Joueur a choisi de me balancer là. Au moins, il aurait pu me trouver un loft luxueux de l'Ultra-Marin et au lieu de ça je me retrouve dans un studio dégueulasse au Xème étage d'un immeuble déglingo dans un Rajon pourri. Non, c'est pas juste...
En vrai, je sais pourquoi j'ai atterri là. C'est parce que ce pays est un concentré de merde. Parce qu'il y a là la plus grande décharge de toute l'Europe, voire du monde et que tout ce que la planète compte de dégueulasse finit par y arriver, exactement de la même façon que tout ce qui crève et qui est dégueulasse finit sur le tas de merde des Cafards. La RIM est un formidable terrain de jeu pour les Cafards, mais pour les autres aussi, les Soars notamment. Comme le dit la chanson « Tout ce que la ville comptait de sportif et de sain s'était donné rendez-vous là... » Aussi, je devais forcément y être. Au plus près de la merde !

Un jour, après des heures à rouler en silence, elle a demandé « Pourquoi moi ? » En fait, elle ne me demandait pas pourquoi cette merde lui tombait dessus à elle mais pourquoi on m'avait demandé à moi de le faire. Que pouvais-je faire que personne d'autre ne pouvait faire ? « Allez au bout », je lui ai dit. Elle ne comprenait pas. Alors je lui ai expliqué. Je lui ai dit que j'étais fou parce que je pensais ne pas être réel, parce que je pensais que rien n'était vrai et que tout ça n'était qu'un jeu et que c'est pour ça que, même si je l'aimais, j'irais au bout car... le Joueur joue pour jouer et il veut connaître la fin de la partie. Un autre aurait pu renoncer, se laisser attendrir, vouloir s'enfuir. Mais pas moi car le Joueur veut connaître la fin de l'histoire. « Mais nous enfuir et vivre heureux, c'est une fin de l'histoire. Ton Joueur ne veut pas la connaître ? » elle a dit. « Le Joueur s'en fout de cette histoire. Ce qu'il veut connaître, c'est l'assassin de l'Hommonde. Il veut percer les mystères de l'Entropie et de Millevaux. Nous devons rentrer à la RIM. » j'ai dit. Elle s'est tue.

R. m'aime bien. Et parfois, elle m'aime plus que je ne m'aime moi-même. Je le lis dans ses yeux et je lui souris et elle change de regard.

Un matin, je ne sais pas pourquoi, R. s'est mise à me poser des questions. Elle voulait savoir si j'avais été marié, si j'avais des gosses quelque part. Peut-être, je lui ai dit. Techniquement, j'ai fait ce qu'il faut pour en avoir mais je ne suis pas resté pour savoir ce que ça avait donné. Peut-être qu'un jour on toquera à ma porte et qu'on m'appellera papa. Ça l'a fait rire. Et peut-être même que je suis ton père. Après tout, on sait pas. Elle n'a pas ri.

Ça y est, nous avons passé la frontière. Nous sommes rentrés à la RIM. Je sens qu'elle ne l'a pas fait consciemment mais elle a ralenti. Moi, j'ai raffermi ma prise sur la crosse de mon flingue, au cas où. Nous rentrons dans la capitale. Je lui indique les rues, où tourner et tout. Elle s'exécute. C'est le mot. Elle va certainement mourir effectivement. Et prendre très cher avant.
Nous arrivons. Une caisse de luxe aux vitres teintées est déjà là. Elle détonne dans ce décor de décharge publique. Je lui dis d'arrêter le véhicule mais de laisser tourner le moteur. Je ne sais pas pourquoi je lui demande ça. Ça pose une ambiance, un peu comme dans un film policier ou d'espionnage. Ça donne l'impression qu'il va peut-être falloir filer en vitesse, qu'elle sera peut-être sauvée au dernier moment.
Nous sortons de la bagnole. On s'approche de la caisse aux vitres noires. Le chauffeur, un type énorme, vient à notre rencontre. Il se fige et nous toise du regard. Il fait un signe de tête et je demande doucement à R. d'avancer. Elle s'exécute. J'ai les mains moites. Le type la saisit par le bras sans aucune délicatesse. Je ne bouge pas. Il la traîne jusqu'à sa bagnole. Il ouvre la portière arrière et la jette à l'intérieur. Je distingue une silhouette massive. C'est un Soar, hein ? ROHUM me dit que oui.

Je n'attends pas qu'il se tire. Je me retourne et monte dans la bagnole. Le moteur tourne toujours. Je réfléchis quelques instants. Black Rain a forcément une bonne raison. Forcément. Mais là, je vois pas laquelle.
Je desserre le frein à main, enclenche la 1ère vitesse et retourne dans mon rajon dégueulasse. Je crois savoir pourquoi le Joueur a choisi ce studio pourri plutôt qu'un loft luxueux. C'est parce que je suis une Mouche, une Mouche à merde... une mouche de merde... et un Cafard ?

« Je suis embêté docteur. Black Rain m'a refilé une mission bizarre et je ne comprends pas trop pourquoi. Je ne sais pas si vous vous rappelez cette affaire du 10ème Rajon en 2011. Ouais, ça date. Et si vous ne vous souvenez de rien, c'est normal. Ce n'est pas que l'affaire a été étouffée. On ne sait pas trop en fait. Elle est juste tombée dans l'oubli, réduite à l'état de mème viral dans les profondeurs du web.
Bref, pour la faire courte, une bande de jeunes avaient kidnappé des gamins en bas âge. Ils les avaient retenu prisonniers dans un appart sordide. Ils les avaient torturés et finis par les abattre. Mais c'est pas le plus important. Le plus important, ou plutôt ce qui intéresse Black Rain, c'est que ces jeunes se sont suicidés en utilisant une technologie venue d'on ne sait où pour se connecter à leurs victimes et ressentir ce qu'ils étaient en train de leur infliger.
Je sais pas si je suis clair docteur. Ces jeunes s'étaient connectés à leurs victimes pour ressentir les tortures qu'ils leur infligeaient et en mourir avec eux. Sauf que Black Rain veut savoir qui leur a fourni cette technologie. Et moi, ce que je voudrais savoir, c'est pourquoi Black Rain ne s'y intéresse que maintenant !
Et puis, comment ça se fait que cette affaire est tombée aussi vite dans l'oubli pour devenir une sorte de légende urbaine ? Est-ce le fait des pourvoyeurs de cette technologie ? Black rain ne m'a rien dit mais je pense qu'ils pensent que ce sont des gars d'un autre monde qui ont fourgué leur matos à ces jeunes pour le tester en situation réelle. Et une fois le test concluant, ils ont fait en sorte d'effacer toutes traces mais... On est là !
L'autre problème, c'est que je n'ai aucune piste. Le journaliste qui avait rapporté l'affaire à l'époque est tellement introuvable que je ne suis même pas parvenu à savoir s'il était encore en vie. Ma seule piste, c'est ce rêve, docteur... »

À moto. Je conduis. J’ai un passager. Un militaire.
Il arbore des dizaines de décorations – et une énorme moustache.
On dirait un sapin de Noël – ou une drag-queen.
Il s’accroche à moi, les mains plaquées sur mes hanches.
Alles unter Kontrolle, je lui dis.
Quoi ? il gueule en commençant à gesticuler.
Tout est sous contrôle, je répète.
Aussitôt, le type se calme.
On attaque une descente. Quasiment à pic.
Ҫa va très très vite. Plus de 250 km/h.
Je suis serein. Alles unter Kontrolle.
J’enchaîne avec un virage. Je décélère à peine.
Je ne sens plus les mains du militaire autour de ma taille.
Une ville se profile. Je ralentis – un peu.
J’aperçois une épicerie à l’angle d’une rue en pente.
L’endroit me rappelle quelque chose.
Sur la vitrine est écrit le mot « Delikatessen », en lettres gothiques.
Je coupe le moteur, et me gare devant la boutique.
En descendant de la moto, je réalise que le militaire a disparu.
En revanche, ma compagne est à mes côtés, comme sortie de nulle part.
Quatre personnes sont allongées sur les marches à côté de l’épicerie.
Trois filles et un garçon. Je les reconnais.
Je me dirige vers eux. On commence à discuter.
Je leur demande des nouvelles du quartier.
Alors, quoi de neuf, depuis que je suis parti ? ce genre de connerie.
Les trois filles m’envoient un regard vitreux, comme si elles ne m’avaient jamais vu.
Le gars, en revanche, a les yeux qui pétillent.
Ils n’ont pas dû prendre les mêmes drogues.
Ils commencent à se désaper.
Deux des filles s’embrassent ; la troisième se caresse.
J’ai l’impression qu’on est là depuis des heures.
Comme si la scène se déroulait au ralenti.
Soudain, ma compagne brise le silence.
On va peut-être y aller, mon amour ? elle demande.
Tu sais que Caspar rentre le 29 ; on pourrait aller le voir.
Bonne idée, ma belle, je lui réponds.
On est le 26 et je ne connais aucun Caspar.
Tout ça est absurde et j’en ai conscience, mais on s’en fout.
On s’éloigne. Les quatre ne nous calculent pas.
Ils ont déjà commencé à se mélanger.
On n’existe plus pour eux.
Peut-être même qu’on n’existe plus du tout.


Je ne connais aucun Caspar, docteur. Et on est le 26. Alors, je fais quoi ?

Une fois dehors, je constate que mon humeur est maussade. Tout l'inverse du temps. Dommage, ou pas. Je ne sais pas. Mais je n'ai pas l'occasion de rester très longtemps perdu dans mes pensées car je suis... suivi ! Et elle est plutôt pas mal foutue. Ce n'est pas la « compagne » de mon rêve, enfin... du rêve d'Anton puisque mes rêves sont en réalité les siens !, mais elle lui ressemble. Il ne lui manque que le sourire...
Je fais encore quelques pas et me retourne brusquement. Je mets en évidence le poing que je serres dans ma poche pour qu'elle comprenne que je suis armé. C'est pas du bluff. Je suis vraiment armé. Mais je vais pas sortir mon flingue en pleine rue quand même.

« C'est à quel sujet ?
J'ai le cœur brisé.
Pas par moi. En quoi ça me concerne ?
Vous aimez les motos ?
Hein ?
Vous aimez les mots ?
Les mots ou les motos ?
Les mots !
Je... euh... oui... Au fait, vous êtes ?
Bourgeon, Lyre, Histoire. »

Et elle s'éloigne à reculons. L'espace d'un instant, j'ai envie de la retenir. J'ai envie de la saisir violemment par le bras, la traîner jusque dans mon studio miteux pour l'attacher à une chaise et lui faire avouer tout ce qu'elle sait. Mais quelque chose en moi me dit que sa mission est terminée et qu'en vérité elle n'en sait pas plus. Appartient-elle à Black Rain ? Est-elle en mission pour une autre organisation ? Est-ce juste une pute à qui on a donné quelques ₱ juste pour m'accoster et prononcer ces trois mots ?
J'ai envie de pisser et de boire un café. Je ne peux pas faire les deux en même temps. Je vais d'abord pisser. Ça m'aidera à réfléchir car, pour l'instant, je ne pense qu'aux initiales que forment ces trois mots et ça donne BHL et c'est juste insupportable !

A la fenêtre de mon studio avec vue sur la Zona, je remplis de café la vessie que je viens de vider. Et je réfléchis à ce qu'a dit cette femme. Motos et mots ? Ai-je mal entendu ou cela a-t-il du sens ? Si j'aime les mots... les motos... et si je chevauchais les mots comme une moto. Ou si je m'en servais pour voyager à... 250 km/h. Les mots sont un moyen de locomotion mais pour aller où ? Dans d'autres mondes ? Lyre ? Un instrument de musique. L'ire, la colère. Lire... des mots, des Histoires. Et le bourgeons ? La feuille ou la fleur en devenir... Un végétal en tout cas. Cela me fait penser à Millevaux, la Forêt Maudite, la Forêt Verticale, le Titan-Millevaux à la fois avatar et domaine de Shub-Niggurath, la maladie, le vecteur de l'Entropie.
Les mots sont mes alliés dans cette histoire. Ils vont me faire voyager à plus de 250 km/h et me permettre de vaincre la menace végétale ! Les mots comme moyen de locomotion... Un rituel ? De la magie ? Un voyage astral ? Si pour résoudre cette affaire je dois aller dans un autre monde, soit je dois en trouver les coordonnées dans les dossiers de Black Rain, soit je dois trouver une rune Hshl et un passage y menant. Mais comment savoir de quel monde chercher les coordonnées ? Millevaux, c'est bien beau, mais cette peste a déjà contaminé tant de mondes. Lequel est celui que je cherche ?

Le Voyeur ! C'est à lui que je dois m'adresser. Son vrai nom, c'est Angel Corso. Il est médecin légiste pour Black Rain mais pas que... Il est aussi mort et... vivant. Et il a passé pas mal de temps à charrier des ordures sur le tas de merdes des Cafards. Là, il a appris des trucs. Notamment des trucs concernant le mythe de Mantorok.
Ce mythe veut que trois entités – auxquelles correspondraient trois univers reflets les uns des autres – s'affrontent sous l'arbitrage de Mantorok, le Gardien. Ces 3 entités doivent finir par s’entre-tuer. Cela suppose soit une fusion des trois univers dans une sorte de paradis retrouvé sous la houlette de Mantorok, soit la destruction de tous les univers. Les trois divinités auraient enchaîné Mantorok pour pouvoir se faire la guerre. Il s'agirait de Chattur'Gha, symbole de la force brute, Ulyaoth, symbole de la magie et de la spiritualité, et de Xel'lolath, la folie.
Il existe des runes qui, selon la façon dont on les combine, permettent de faire des choses... magiques. Et Corso en possède quelques unes lui permettant d'invoquer une espèce de petit scorpion à trois pattes. Ce petit monstre n'est visiblement pas fait pour vivre chez nous car il explose généralement au bout de quelques instants. Mais, tout ce qui est pris dans l'aire d'explosion se retrouve téléporté pour un temps dans ce que Corso a appelé la Dimension du Voyeur. Il décrit ça comme une espèce de dimension intermédiaire entre d'autres dimensions. Vous voyez ces châteaux avec tout un réseau de couloirs secrets permettant d'espionner les gens à travers un miroir sans tain ou une peinture percée. La Dimension du Voyeur, c'est ça. Ça permet de voir les autres dimensions, de les espionner.
Avec l'aide de Corso, je devrais pouvoir trouver dans quel monde je dois me rendre pour en savoir plus. Par contre, je ne dois pas traîner. On est le 26 et Caspar arrive le 29 !

On est sensé être le 27 mais là... je n'ai aucune idée de où et quand je suis. Corso a utilisé ses runes. Le petit scorpion à trois pattes est apparu et à explosé au bout de quelques instants. Je me suis retrouvé dans l'aire d'explosion puis... ici, dans le noir et le blanc.

Une chansonnette se fait entendre. Je ne sais pas d'où elle vient. Je suis seul ici. Mais je me rappelle que les mots sont mes amis, mon véhicule.

«  Je suis censé l'aimer ?
Celui-là serait mon ami ?
J'exercerais la profession de médecin ?
Impossible !
Qui a falsifié mon journal intime ?  »

Un ami ? S'agit-il de Corso ? Est-ce que je l'aime ? Oui... enfin, dans les limites du raisonnable. Est-ce à dire que je dois lui faire confiance ? Mais je lui fais déjà confiance. Est-ce une mise en garde ? Va-t-il m'arriver quelque chose ici qui pourrait me faire douter, me faire penser qu'il m'a tendu un piège ? Et puis quoi ? Moi, médecin ? Non ! Je ne suis pas médecin. Je consulte oui mais... à moins que... ma mission ferait de moi un médecin. Résoudre cette énigme guérirait quelqu'un ou quelque chose ? Et pourquoi parler de mon journal intime ? Je ne tiens pas de journal intime ! Mais un tel journal, c'est une mémoire, non ? Qui a falsifié ma mémoire ? On a falsifié ma mémoire ? Je ne m'en rappelle pas. Devrais-je tenir un journal ?

La chansonnette s'éteint. Je quitte mes pensées et regarde autour de moi. Les couleurs sont étranges, essentiellement du noir et du blanc. Si j'en crois les nuances, c'est le crépuscule... ou l'aube. Mais tout est inversé, comme en négatif. Il fait chaud mais c'est une chaleur étrange, bizarre. Étouffante mais pas désagréable. Un craquement retentit et il se met à pleuvoir. Une pluie noire. Là, j'ai peur. Ce monde est-il souillé par l'Entropie ? C'est alors que je prends conscience que je me trouve dans une forêt, où toutes les couleurs sont des nuances de noir et blanc inversées. La Dimension du Voyeur serait une sorte de négatif du notre, ou d'un autre ? Lequel ? Un monde rongé par l'Entropie ? Corso ne m'avait pas prévenu. Pourtant, il semblerait que je doive continuer à lui faire confiance.

Je respire un grand coup et fait un premier pas. Je ne sais pas pourquoi mais l'espace d'un instant j'ai eu peur de ne pas pouvoir bouger, d'être paralysé et de me briser les os en voulant esquisser le moindre mouvement. D'où me vient cette appréhension ? « Qui a falsifié mon journal intime ? »

J'avance entre les troncs d'arbres. J'explore ce monde végétal. Cette forêt. Et je pense à Millevaux. Le bourgeon, la végétation qui se développe, grandit et envahit tout comme elle a envahi les ruines que j'aperçois maintenant. Ces pans de murs sont d'un blanc éclatant. Il reste encore quelques grilles faisant penser que cet endroit a pu être une prison. Est-ce dans l'une des cellules que je trouverais ce que je cherche, une fenêtre vers le monde d'où provient cette technologie que veut récupérer Black Rain ? Non ! Pas une cellule, le poste de surveillance ! Dans une prison, il y a un poste de surveillance, un endroit avec des écrans permettant de tout voir ! C'est là que je dois me rendre. Cet endroit existe encore. Je le sens. Et même si de toute évidence plus rien ne fonctionne ici, je trouverai la réponse à ma question. J'ai confiance en Corso. S'il m'affirme que je trouverai une fenêtre vers un autre monde dans cette Dimension du Voyeur, c'est que c'est vrai !

J'erre dans ces ruines beaucoup moins longtemps que je ne le craignais. Je trouve ce qui a été un poste de contrôle. Il y a plusieurs écrans de surveillance, tous brisés. Rien ne laisse penser qu'il y a la moindre chance de les faire fonctionner. Pourtant, du fond de ma mémoire falsifiée (pourquoi en suis-je à ce point convaincu ?) je sais qu'il y a un moyen de voir à travers ces éclats de verre brisé. Mais, je sais aussi que je dois faire marche arrière. La solution est là, sous mes yeux, presque. Mais nous ne sommes pas encore le 29 ! Je pourrais invoquer les Yeux, le Kraken ou la Feuille mais ce n'est pas le moment. Je suis venu chercher une fenêtre vers un autre monde mais c'est autre chose que je vais ramener avec moi. Je vais ramener cette démangeaison. Ce truc qui me gratte au niveau du bras. Cette... moisissure, ce champignon brun et bleuâtre qui s'est taillé la route sous ma peau. Il bouge, il se développe, il grandit. Il bourgeonne... et forme un mot.

« Crépuscule ! »

C'est le crépuscule, déjà ? Une nuit et une journée entière se seraient donc écoulées ? Peut-être... et je dois rentrer maintenant.

Et je me retrouve à mon point de départ. Corso est à côté de moi. Je ne saisis pas l'expression de son visage. À quoi pense-t-il ? A-t-il vu mon bras et le champignon ? Je cache mon bras derrière mon dos comme un gamin qu'on aurait pris en flagrant délit de dieu sait quoi. Il me demande si j'ai trouvé là-bas ce que je cherchais mais je vois bien qu'il n'attend pas vraiment de réponse. Alors, je me borne à lui affirmer que je lui fais confiance et je m'en vais.

Une fois dehors, je ne peux quand même m'empêcher de me demander si ma confiance est vraiment bien placée...

On est le 27. Deux jours avant l'arrivée de ce fameux Caspar dont je ne sais rien. Et je ne sais toujours rien non plus concernant cette fameuse technologie d'un autre monde. Mes seules pistes sont des rumeurs sur le web et un rêve qui n'est même pas le mien. « Qui a falsifié mon journal intime ? » Qui suis-je? C'est dans ces moments là que j'aurais besoin du docteur M. car c'est dans ces moments là que j'ai conscience de n'être qu'un personnage de fiction, le personnage d'un jeu, l'avatar du Joueur. Je ne suis pas moi-même car je n'existe pas. « On n’existe plus pour eux. Peut-être même qu’on n’existe plus du tout. » Rien de tout cela n'est vrai, sauf les mots. Les mots sont mon allié. Ils sont mon véhicule. La moto qui va propulser à plus de 250 km/h vers...

… le cyber café le plus proche ! Je me connecte et explore les recoins les plus sombres du web à la recherche d'infos concernant cette vieille histoire. Mon bras me gratte. Ça me fait faire des fautes de frappe et je tombe là-dessus :

« …la vermine et les oiseaux morts jonchent les rues du centre-ville... »

Qu'est-ce que ça veut dire ? Et surtout, qu'est-ce que ça fiche là ? Quel est le rapport entre cette rumeur et mon affaire ? Cette histoire ne date pas d'hier. En fait, elle a été postée quelques jours à peine après que la vidéo des jeunes bourreaux ait été mise en ligne. J'ai beau chercher, il n'y aucune image en ligne. Et pour ce que j'en apprends, ça n'a même pas eu lieu dans le même Rajon. Pourtant, je vérifie et ce lien n'est pas apparu entièrement par hasard. Certes, il y a eu une faute de frappe mais pas à ce point là. Ces deux faits sont liés. Comment ? Ou... qui ? Évidemment, il n'y aucun nom.

Je rentre chez moi. J'ai besoin d'un café. Sur le trajet, je me dis que je devrais passer par les locaux de Black Rain et jeter un œil aux vieux dossiers. Et je suis de nouveau suivi. J’accélère le pas sans pour autant me mettre à courir. J'espère arriver au bureau avant qu'ils ne me rattrapent. Ce sont maintenant cinq types plutôt costauds qui sont à mes trousses. S'ils me chopent, quoi qu'ils me veulent, je suis mal.
Ce n'est qu'une fois au bureau que je me rends compte que j'avais arrêté de respirer. Je donne des consignes à l'accueil, ainsi que le signalement de ces types. Qui sont-ils ? Pour qui bossent-ils ? Et qu'ont-il après moi ?
Finalement, j'ai de la chance. Leurs têtes sont connues. Ce sont des hommes de main au service des Soars. Les Soars, ceux-là même à qui j'ai remis la Reine de mon cœur au regard nonpareil...
Jusqu'à présent, je pensais que la technologie utilisée par ces gosses était issue d'un autre monde et liée à Millevaux mais... et si je m'étais trompé ? Et si cette technologie n'était pas liée à Millevaux mais aux Soars ? Eux aussi voyagent entre les mondes. Peut-être ne dois-je pas me focaliser sur la forêt et au contraire explorer la piste Soar. D'une manière ou d'une autre, ils sont liés à cette affaire et ont appris que j'étais sur le coup.
J'acquiers la définitive certitude que je tiens quelque chose quand mes recherches sur les PCs du bureau se soldent par un crash du système. Je crois comprendre qu'il va falloir un moment aux gars de la maintenance informatique pour tout remettre en état. Certains prient déjà pour ne pas avoir perdu de données importantes. Je vais me faire passer un sacré savon mais, l'air de rien, je tiens enfin un début de piste.

Les mots sont mes alliés alors je pose des mots sur un bout de papier :
-Millevaux : pour l'instant, rien de concret, si ce n'est ce truc au bras qui me gratte par intermittence et change de forme.
-les Soars : ils ont appris que j'enquêtais sur cette affaire. Ils m'ont fait suivre et il est plus que probable qu'il soit à l'origine du crash-système issue de mes recherches. Je ne suis sûr de rien mais il est très probable que j'ai activé un truc, un logiciel ou un virus installé là depuis 2011.
-cette Technologie issue d'un autre monde ne vient peut-être pas de Millevaux. Elle aurait peut-être même été introduite par les Soars qui l'auraient refilée à ces gamins en vue d'un test en grandeur nature.
-la Vermine et les Oiseaux morts : je ne sais pas en quoi c'est lié à mon affaire mais il y a un lien. Et si c'était dû à une technologie d'un autre monde ? Mais quel monde pourrait mettre au point des trucs pareils ? On a d'un côté quelque chose qui vous fait ressentir ce que vous infligez à quelqu'un d'autre et de l'autre un truc qui ferait mourir les oiseaux en masse. Dans les deux cas, ça peut faire des dégâts.

Bon, l'air de rien l'heure tourne. Il va bien falloir que je ressorte et... les cinq gars sont toujours là. Ils sont sacrément confiants car ils ne font même pas l'effort de se planquer. Ils m'attendent. Si je les affronte, je vais juste me faire défoncer. Je peux aussi voir si le chef ne m'en veut pas trop pour le système informatique et veut bien envoyer quelques gros bras aussi.
Le chef ne l'admettra pas mais il veut en savoir plus lui aussi. Alors, oui, il me passe un savon mais accepte ma requête. Évidemment, il me jure qu'après ça j'ai intérêt à ne plus rien lui demander avant d'avoir ramené du concret et blablabla. Mais bon, il décroche son téléphone et j'espère vraiment que nos gars vont flanquer la pâtée à ceux qui m'attendent car sinon... je vais prendre très cher.
Avec le chef, on observe la scène à travers la fenêtre de son bureau. Nos gars sont plutôt rapides et discrets. Ils abordent les hommes des Soars comme si de rien était. Nous, on sait qu'ils leur ont bien fait comprendre qu'ils étaient armés et qu'il valait mieux obéir sans discuter. Et les gars ne discutent pas. Mais ça n'empêche pas l'opération de partir en sucette. Au moins, personne n'a eu à sortir son arme en public. Pourtant, il y a quand même eu une bonne bagarre sur le trottoir d'en face. Et on peut dire que nos gars l'ont suffisamment emporté pour faire fuir les autres. J'aurais aimé qu'ils en ramènent au moins un, histoire de le faire parler. Mais d'une certaine façon, ils ont mieux que ça. Ils ont un nom. L'un des gars, dans leur fuite, a mentionné un certain Lewis-Maria. Et lui, il est bien connu de nos services. C'est un Cafard ! Mais pas n'importe lequel. Ce n'est pas un agent du Tas de Merde. Il est en free lance. Il serait même plus juste de dire qu'il mène sa petite vie tranquille en essayant de mener ses petites affaires le plus discrètement possible. Il ne souhaite pas du tout attirer l'attention de ses anciens chefs qui lui feraient certainement regretter son petit hobby. Lewis-Maria aime les « animaux ». Il aime les zoos. Alors, il a monté son propre petit zoo personnel ici, quelque part, à Mertvecgorod. On ne sait pas vraiment où, mais on sait qu'il retient captifs plusieurs personnes, peut-être plusieurs dizaines même. Certaines sont même portées disparues depuis plusieurs années. En tout cas, le Cafard a l'air de rouler pour les Soars sur ce coup là. Il va falloir que je le trouve. Et d'autant plus vite que, l'espace d'un instant, je me surprends à craindre que la Reine n'est fini dans une cage de son zoo. Si le Cafard possède quelque chose que les Soars veulent, il peut leur avoir donné en échange de la Reine, pensionnaire de choix pour son zoo s'il en est. Mais alors, pourquoi Black Rain m'a demandé de remettre la Reine aux Soars ? Nos chefs savent des choses qu'on ne sait pas... Mais si la Reine est bien captive du Cafard, je ne suis pas loin de penser que Black Rain aurait fait en sorte de manigancer tout ça pour parvenir à des fins que j'ai bien du mal à comprendre.
Il me faut un plan d'action. Ou au moins un but. Et ce but, c'est de trouver Lewis-Maria, trouver sa planque et savoir ce que les Soars lui veulent. Et s'il retient bien la Reine... et bien, je la sauverais et je serais un vrai héros !

On est le 28 et Caspar rentre... demain ! J'ai une journée, peut-être deux, pour trouver la planque de Lewis-Maria et savoir s'il détient vraiment ma Reine captive. Cette perspective me fait grave psychoter quant aux intentions de Black Rain. Est-il possible qu'on m'ait contraint à la remettre aux Soars juste pour me « motiver » à trouver le Cafard et l'origine de cette technologie alien ou xeno-quelque chose (je ne sais même pas comment on appelle une technologie venue d'ailleurs, extra-dimensionnelle ?). Nos chefs sont-ils tordus à ce point ?

Ici, ce qui se rapproche le plus du tas de merde des Cafards, c'est la Zona. La question est alors de savoir si Lewis-Maria a voulu s'en éloigner au possible ou si, au contraire, mû par un quelconque atavisme ou juste la volonté de garder ses traqueurs sous surveillance il s'est installé à proximité. Après tout, autant commencer par-là et voir ce que ça donne.
D'après la page Wikipédia qui lui est consacrée, la RIM « tire ses principales ressources de la gestion et du recyclage des déchets internationaux, y compris biologiques et nucléaires. Une grande part de cette économie est souterraine.
[…] Le trafic d'organes, aux mains du crime organisé, constitue une autre source importante de richesses. [...] »
La vue imprenable de mon studio sur la Zona me permet d'affirmer d'une part que cette économie de l'ordure n'a rien de souterrain ! Et d'autre part, les rumeurs concernant Lewis-Maria attestent qu'on ne trafique pas que des bouts d'humains mais aussi des humains entiers.
C'est en repassant par chez moi que j'ai eu la joie de constater que mon appart’ avait été savamment mis à sac. Évidemment, on m'a pris tout ce qui pouvait avoir un semblant de valeur mais je reste convaincu que les Soars sont derrière ça. D'ailleurs, ce n'est pas par hasard que certains dossiers, heureusement sans réelle importance, ont disparu. Je suis malin et tout ce qui concerne l'affaire en cours et tout ce que je peux savoir concernant le Joueur et la « vraie » réalité sont... ailleurs. Dans ma tête ? Dans les notes du docteur Mugwump ? Dans ces journaux intimes que je n'ai pas écrits mais qui ont pourtant été falsifiés ? Bref, je remettrai de l'ordre dans cette pièce plus tard. Avant ou après avoir remis de l'ordre dans mes idées et dans ma tête.
Je descends. Je me balade aux alentours de la Zona. Je ne m'étais jamais posé la question de savoir si le Cafard pouvait s'être installé dans le coin. Mais si c'est le cas, peut-être que certains le savent. Et alors, il me suffirait d'un peu de chance ou d'un coup de pouce du destin. Et puis, les hommes de mains des Soars sont peut-être toujours dans le coin...
Bon, c'est le moment de se rappeler que tout ça n'est qu'un jeu et que rien de ce qui va arriver n'est vraiment réel. Chaque jeu a ses règles. Dans les règles que le Joueur utilise, un « pouvoir » lui/me permet d'être « au bon endroit, au bon moment » mais il/je ne l'a/ai pas utilisé, préférant le garder pour plus tard. Dommage ! Car à l'instant, alors que je posais innocemment quelques questions pour savoir si quelqu'un avait vu dans le coin quoi que ce soit qui puisse me laisser penser que le Cafard créchait par-là, ce sont les hommes de mains des Soars qui me tombent dessus et... je vais certainement prendre très cher. À ce stade, ça ne sert à rien de faire dans la dentelle. Je sors mon flingue et tire le premier.
OK ! J'aurais pu m'en tirer si j'avais eu un peu de chance mais les dés en ont décidé autrement. C'était pas loin de passer pourtant. Mais ça reste quand même un fail intégral. Je suis KO ! À peine conscient. Et maintenant, que vont-ils faire de moi ? Me laisser là ? M'achever ? Me conduire quelque part ? Oh putain ! Je n'aurais pas dû mettre « achever » dans les options car maintenant... ça peut vraiment arriver !
Mais finalement j'ai du bol car ils m'abandonnent là. Ils doivent penser que j'ai eu mon compte, que le message était clair et que je vais en rester là. Erreur ! Je rampe jusqu'à chez moi. Je compte bien m'accorder une bonne nuit de repos et voir demain si je peux reprendre mes investigations.

Je me réveille une dizaine d'heures plus tard. Je me sens à peine mieux. Toujours crevé et des courbatures partout. Je suis couvert d'hématomes. Niveau coloris, c'est dans le même ton que cette mycose bizarre qui me court le long du bras.
On est le 29. C'est aujourd'hui que Caspar doit rentrer.

Soyons lucide, je suis loin d'avoir récupéré de ma raclée d'hier. Pourtant, je dois sortir. Je dois poursuivre mon enquête. Surtout que nous sommes le 29. Ce Caspar doit rentrer et j'ai un très mauvais pressentiment. Une fois dehors, je me surprends à me retourner tous les trois pas. Partout, je cherche un signe comme quoi je serais suivi, comme quoi les types d'hier seraient là pour la deuxième couche. Mais non...
Je cherche toujours à savoir si Lewis-Maria a sa planque du côté de la Zona ou si je vais devoir chercher ailleurs mais, soyons lucide là encore, je n'ai aucune piste. Alors... « au bon endroit, au bon moment », c'est maintenant ! Et c'est cette femme, là. Elle n'a pas l'air d'aller très bien. Elle a tout de la travailleuse occasionnelle et, dans le quartier, ça en dit long sur le secteur d'activité. Pourtant, je le sais, c'est elle. La bonne personne au bon endroit au bon moment. Je l'aborde.
Elle a le regard flou. Elle est au moins moitié défoncée mais j'ai l'impression que ce n'est pas de son fait. Je lui prends le bras aussi délicatement que possible pour lui faire faire quelques pas, tranquillement, mais aussi pour vérifier l'état de son coude. Je ne vois aucune trace de piqûre, ce qui en soi ne veut rien dire. Il y a tellement de moyens de camer quelqu'un contre son gré. Elle me suit et marmonne :

« On m'a trompé... on m'a trompé... »

Elle est trop fracassée pour pouvoir répondre à mes questions mais j'ai ROHUM. Grâce à ce pouvoir, je peux lire ses pensées, aussi fracturées soient-elles par ce qu'on lui a fait gober. Je vois une cellule, une porte en acier avec un gros judas. Je vois un couloir, comme celui d'un appartement pourri dans un immeuble tout aussi pourri. Un peu comme le mien. Non ? Quand même pas ? Et pourtant si ! Cette femme est sortie de mon immeuble. Mais pas par le hall d'entrée. J'apprends l'existence d'un réseau de passages secrets dans mon propre immeuble menant à un étage dont je ne connaissais pas l'existence. Et cet étage, c'est là que crèche Lewis-Maria. Le Cafard pouvait difficilement être plus près de la Zona. Et si, comme je le crains, il retient ma Reine captive, ça veut dire qu'elle est finalement plus près de moi que je ne l'espérais.
Mes pas nous mènent devant la devanture d'un Delikatessen. Sur le trottoir, deux filles et un garçon. Je regarde celle que je tiens par le bras. Le plus délicatement que je peux, je l'installe à côté des autres et regarde le tableau et...

Je leur demande des nouvelles du quartier.
Alors, quoi de neuf, depuis que je suis parti ? ce genre de connerie.
Les trois filles m’envoient un regard vitreux, comme si elles ne m’avaient jamais vu.
Le gars, en revanche, a les yeux qui pétillent.
Ils n’ont pas dû prendre les mêmes drogues.
Ils commencent à se désaper.
Deux des filles s’embrassent ; la troisième se caresse.
J’ai l’impression qu’on est là depuis des heures.
Comme si la scène se déroulait au ralenti.
Soudain, ma compagne brise le silence.
On va peut-être y aller, mon amour ? elle demande.
Tu sais que Caspar rentre le 29 ; on pourrait aller le voir.
Bonne idée, ma belle, je lui réponds.


Je me retourne subitement pour faire face à ma compagne mais... il n'y a personne. Je suis seul face à ces quatre jeunes camés. Bon, j'ai ma piste. Pas la peine de traîner.
Je ne sais pas trop comment cette fille a pu quitter sa cellule. On dirait que la porte s'est ouverte à cause d'un court-circuit. Cela ne fait pas longtemps qu'elle est dehors et avec un peu de chance le problème n'a pas été résolu. Il est donc possible que je puisse m'introduire chez Lewis-Maria sans trop de difficulté. J'espère...
Et j'espère aussi que Caspar ne m'attend pas là-bas.
Mon bras me gratte. Je relève ma manche. Entre les hématomes, ma mycose a écrit : « Crépuscule. » Putain, clair que ça m'aide ça ! À moins que cela ne veuille dire que quelque chose va se passer à ce moment-là de la journée et qu'il vaudrait mieux que j'en ai fini avec tout ça. Mais j'ai encore du temps devant moi, non ? En vrai, il ne m'en reste pas tant que ça. J'accélère.
Mon bras me gratte encore. Là, c'est franchement désagréable. Je relève encore ma manche et lis que Lewis-Maria appartient à un culte secret dont les membres sont solidaires face à quelque chose. Est-ce que ce culte inclut les Soars ? Oui, me répond la mycose (l'ami cause...) mais ce sont des Soars dissidents, des rebelles. Et ils font face à quoi ? Là, évidemment, elle ne sait pas !
J'arrive au local poubelle de mon immeuble. C'est par-là que la fille s'est enfuie. Je cherche mais ne trouve pas l'accès. Pire que ça, si j'étais Spiderman, c'est mon sens d'araignée qui serait en train de hurler. Là, ce n'est que mon intuition. Mais quelque chose craint vraiment. Je regarde autour de moi. Le local est vide. Je suis seul. Alors, pourquoi je suis fébrile tout à coup ? Je regarde mon bras. Il est écrit « Courage » en lettres moisies. Du courage, mais pourquoi ?
Le crépuscule, cette période qui précède la nuit noire. La Nuit Noire ! La fin ! Et je pense à ce roman avec ce tueur barjo disciple d'Antéros ! C'est ça le crépuscule ! C'est pas la fin de cette putain de journée. C'est ma fin à moi, signifiée par l'arrivée d'un barjo disciple d'Antéros ! C'est ça ? Je regarde mon bras. Rien ! Évidemment !
Je laisse tomber le Cafard, pour l'instant, et quitte le local poubelle en courant. On est le 29 et Caspar doit rentrer. C'est Caspar l'envoyé d'Antéros ! Mais qui l'a envoyé à mes basques ? Et pourquoi ? Et où aller pour être en sécurité ? Le bureau de Black Rain !
Putain ! C'est toujours quand on a besoin d'un taxi qu'il n'y en a pas ! Je fonce dans le métro. C'est pas normal ! Il n'y a personne. C'est impossible que les quais soient déserts à cette heure-ci. Caspar est donc déjà là et il m'attend quelque part. Je m'engouffre dans la première rame qui se présente. Elle est vide elle aussi et je réalise que j'ai certainement fait une énorme connerie. Le métro s'enfonce dans le noir, dans la Nuit Noire. L'éclairage fonctionne correctement dans le wagon. Pourtant, la luminosité décroît peu à peu. Le wagon est vide mais je sens une présence. La Vision m'informe de la présence d'un Soar invisible. Je feins de ne pas l'avoir vu. Il a l'air calme. Il m'observe. Je quitte la rame dès que possible. Ce quai là est également désert. J'ai l'impression d'être dans un niveau de Silent Hill 3 et je m'attends à voir débarquer des monstres à tout moment. Je n'ai aucune idée d'où je suis. Je regarde l'heure. C'est le crépuscule, le vrai, l'officiel. Et il y a un homme. Caspar !

Je me fige. Comme un herbivore, j'espère qu'il ne m'a pas vu. Conneries ! Il m'a très bien vu mais il ne bouge pas. Je sens que quelque chose de terrible va m'arriver alors je consacre ces derniers instants, mes derniers instants à mettre un peu d'ordre dans mes pensées.
Black Rain m'a demandé de remettre la Reine à des Soars. Je pense qu'ils l'ont remise à Lewis-Maria en échange de l'accès à un de ses pensionnaires venant du monde où ces Soars ont trouvé cette technologie, celle utilisée par les gamins en 2011, que veut récupérer Black Rain. Je pense que ces Soars et Lewis-Maria font partie d'une organisation secrète devant faire face à quelque chose, une menace. Et cette menace, je suis en train de me demander si je ne suis pas en train de lui faire face. Et si c'était pour s'en assurer que ce Soar invisible me surveillait tout à l'heure ? Et si cette menace était liée à Antéros ? Et c'est quoi ce type ? C'est quoi Caspar ? Et je comprends quand je le vois se mettre à bourdonner. Je vois se tordre subitement de douleur, pris de convulsions. Et je comprends ce que le Joueur sait depuis le début mais qu'il m'a caché. Il ne savait pas que Caspar était lié à Antéros. Non ! Ça, il vient de l'apprendre en même temps que moi. Mais il savait que Caspar est un Were-World, un monde-garou ! Ce type va se transformer en un monde, en une réalité qui va m'aspirer comme un trou noir et je n'ai aucune idée de là où je vais me retrouver ! Autour de moi, la réalité s'effrite par couches successives, comme un vieux papier peint qu'on arrache. Et dessous, c'est toujours le même motif qui se répète invariablement. Et j'entends ces mots :

« La reine de mon cœur au regard non pareil,
Qui riait avec eux de ma sombre détresse
Et leur versait parfois quelque sale caresse. »


Et alors, je me dis qu'elle ne m'a peut-être finalement jamais aimé. Et j'ai envie de chialer. Et la Nuit devient Noire…



Commentaires de Thomas :

A. Un compte-rendu très littéraire, c'est cool, je trouve ça vraiment bien écrit et évocateur.

B. « Millevaux, c'est bien beau, mais cette peste a déjà contaminé tant de mondes. Lequel est celui que je cherche ?" On acte que Millevaux s'est déjà bien répandu dans le multivers. C'est cool.

C. "Vous voyez ces châteaux avec tout un réseau de couloirs secrets permettant d'espionner les gens à travers un miroir sans tain ou une peinture percée. La Dimension du Voyeur, c'est ça. Ça permet de voir les autres dimensions, de les espionner. " :
ça fait penser à la Camera Obscura de la Maison Carogne...

D. "C'est alors que je prends conscience que je me trouve dans une forêt, où toutes les couleurs sont des nuances de noir et blanc inversées. "
Les forêts limbiques à n'en pas douter. Auraient-elle envahi la dimension du voyeur comme Millevaux a envahi le Multivers ?

E. Tu fais une utilisation profonde de l'entrée de
L'Almanach "Qui a falsifié mon journal intime ?", c'est cool :)

F. C'est assez cool que le personnage développe une mycose au bras sans crier gare pour son premier passage dans Millevaux : on voit que l'emprise dans l'air est très forte et qu'un agent extérieur peut être très vite contaminé. Dans ce compte-rendu de partie (La Forêt-Galerie), les explorateurs venus de l'extérieur de Millevaux utilisent carrément des scaphandres pour éviter des contaminations foudroyantes.

G. "OK ! J'aurais pu m'en tirer si j'avais eu un peu de chance mais les dés en ont décidé autrement. [...] Oh putain ! Je n'aurais pas dû mettre « achever » dans les options car maintenant... ça peut vraiment arriver !" : On se prive vraiment plus du tout de casser le quatrième mur :)

H. "Je vois un couloir, comme celui d'un appartement pourri dans un immeuble tout aussi pourri. "
Si tu veux varier les environnement urbains pourris, je te conseille Little Hô-Chi-Minh-Ville :)


Réponse de Damien :

A. Et pourtant, je ne fais pas d'effort. Je ne relis même pas ^^

B. Oui, j'aime bien cette idée que Millevaux n'est pas qu'un univers mais une sorte de menace, un croquemitaine du multivers. C'est un univers dans lequel on peut jouer mais aussi une menace dont il faut se protéger quand on joue dans un autre univers. C'est une variation de l'Entropie.

C. Effectivement, mais là c'est surtout une adaptation d'un sort dans un jeu vidéo que j'aime beaucoup : Eternal Darkness ^^

D. Je n'en ai aucune idée ^^ En fait, de la dimension du Voyeur on peut aussi basculer vers d'autres mondes. Un peu comme les forêts limbiques d'ailleurs...

E. On fait ce qu'on peut ^^ je fais de plus en plus de méta-jeux et de cut-up. C'est la faute de Batro ^^

F. ça, c'était l'effet L’Empreinte ^^ merci pour le lien:)

G. Là encore, c'est la faute de Batro XD

H. Re-fanx pour le lien ^^
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Message par Pikathulhu »

Le jeu du vertige logique sur Chartopia !

Besoin de chambouler votre façon de jouer ? De faire interagir des réalités qui n'auraient jamais dû se rencontrer ? Le jeu du vertige logique est fait pour vous !

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Message par Pikathulhu »

GN Vestige : (7)-8-9 janvier 2022, Le Gâvre (44)

Quand le monde n’en finit pas de finir

Quand espoir et nourriture manquent dans la besace

Le Dédale nous appelle



Un GN post-apocalyptique adapté des Sentes

23H de jeu partagé entre forêt et intérieurs, un dortoir, le bonheur quoi !

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Artwork par Ashling. Crédits affiche : Crédits © http://www.laurentmichelot.com ; Tuomas Puikkonen ; Jonathan E. Shaw ; Terry Heiser / USFWS ; Joachim Aspenlaub Blattboldt
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Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

HEXCALIBUR

Le premier test d’Écorce est une campagne en table ouverte, une version brute et déglinguée du Mythe de la Table Ronde avec des orques et des Corax, jouée avec le supplément de contexte Brittania Obscura, par le Grümph !

(temps de lecture : 16 min)

Le jeu : Écorce. Aventures extrêmes dans les forêts maudites de Millevaux. Viscéral. Survivaliste. À l'ancienne.

Joué les 3,4 et 5 Novembre 2017 aux Utopiales

Image
Bob Jagendorf & chiaralily, cc-by-nc, sur flickr


Le contexte:

Pour moi, les Utopiales sont devenu l’occasion d’une tradition : la campagne en table ouverte sur un de mes jeux récents. En l’occurrence, je choisis cette année de tester mon dernier bébé pour la première fois : Écorce.

Écorce est le fruit de mes expérimentations Millevaux Old School Renaissance entamées depuis mes précédents projets Empreintes & Horlas, puis Grogne, projets qui s’étaient soldés par un demi-échec, car j’avais la sensation d’avoir manqué le feeling OSR que je cherchais. La découverte de Swords and Wizardry White Box a changé la donne. Swords and Wizardry White Box est l’un des OSR qui se rapproche le plus de la première édition de Donjons & Dragons de 1974 et à sa lecture, j’ai compris que je me fourvoyais en cherchant un feeling old school avec des règles modernes : il me fallait au contraire coller au plus près des règles de l’ancêtre.
Cette révélation fut au départ d’une frénésie de parties sous Swords and Wizardry d’une part (dont vous retrouverez un artefact avec ce CR : Voyage au bout de Noël) et du projet Écorce, d’autre part, qui est donc à la base un hack de Swords and Wizardry White Box dans l’univers de Millevaux

Pour ce premier texte, je suis très proche de Swords and Wizardry. Les quelques changements notables sont les suivants :
+ Les caractéristiques FOR, CON, DEX, SAG, INT, CHA, CA sont renommées Viande, Os, Nerfs, Tripes, Crâne, Gueule, Couenne).
+ Les classes de guerrier, prêtre, mage sont renommées Tueur, Idolâtre, Hanté
+ Les races de nain et d’elfe sont remplacées par les races de Corax et maletrait (les mutants de Millevaux, qui seront plus tard renommés - pour Écorce et pour tout Millevaux - les maletronches, terme plus évocateur et qui a le mérite d’être épicène).
+ Chaque personnage tire au hasard un handicap et une force.
+ Quand on tombe à 0 PV, on ne meurt pas mais on fait un jet sur une table de survie inspirée de celle du jeu OSR The Black Hack. Je réalise d’ailleurs que j’ai eu une interprétation différente de cette table. En réalité, dans le Black Hack, un personnage à 0 PV tombe inconscient jusqu’à la fin du combat. À la fin du combat, il tire sur la table de survie, et si justement il y survit, il regagne 1d4 PV. Dans ma version, le personnage tombé à 0 PV reste conscient et en capacité de se battre, il jette aussitôt sur la table de survie, et s’il survit, il ne gagne pas de PV : un personnage à 0 PV reste donc jouable. Cela me semble un peu mieux émuler le côté « grognard » que j’ai toujours voulu insuffler aux personnages de mon projet Millevaux OSR.
+ Quand on tombe à 0 PV, on gagne une expérience de mort imminente, qui est le souvenir d’avoir frôlé la mort, et qui a une bonne valeur sur le marché des souvenirs.
+ Lors de la création de personnage, je skippe l’achat d’équipement, lui préférant un tirage aléatoirement de 4 équipements (la nature de ces équipements étant elle-même tirée au sort parmi 20 catégories, une fois que j’ai obtenu ma catégorie, par exemple « Armure », j’imagine ce que ça peut être comme type d’armure)
+ Parmi les équipements, les objets magiques sont non identifiés (il faut les tester ou les faire analyser pour avoir une idée de leurs effets).
+ Quand on tue un humain, un monstre ou un animal, on encaisse un choc mental (-1 PV pour le hanté, -2 PV pour l’idolâtre, 0 PV pour le tueur)
+ J’ai une table aléatoire de péripétie (reliquat de mes anciens projets) et quelques tables en plus (comme la table de réponse aux questions : 1-3 oui, 4-5 non, 6 réponse bizarre)
+ Les sorts ne viennent pas de la liste de Swords & Wizardry, mais sont des sorts de ma conception, à la fois inspirés par mes notes sur la sorcellerie, et par les sorts de L’Appel de Cthulhu ou de Lamentations of the Flame Princess : ils ont des effets plus puissants que les sorts de niveau 1 de S&W, mais ils sont particulièrement longs, difficiles et coûteux à lancer, et comportent une certaine part aléatoire et interprétative.
+ Je ne prévois pour l’instant pas de jouer autre chose que des niveaux 1, mais on peut faire progresser le personnage de façon narrative (si le personnage veut augmenter son nombre de points de vie, il peut faire appel à un cybernéticien, un druide ou un sorcier, ou contracter une mutation, etc)
+ Comme dans mes précédents projets OSR, les personnages démarrent la partie amnésiques. En revanche, ils sont cette fois-ci habillés et équipés et se rappellent d’une chose cruciale : leur mission commune. Certains peuvent avoir aussi quelques souvenirs additionnels attribués lors de la création aléatoire de personnage, et les Corax n’ont pas de problème de mémoire (ce qui créera un souci par ailleurs, que je ne trouverai à régler que bien plus tard, en décrétant que même les Corax sont amnésiques, car cette amnésie collective est liée à un pacte de mémoire scellé autour de la mission commune, mais les Corax ont la possibilité de puiser dans leur mémoire atavique pour le prix d’1 PV par souvenir).

Fort de cette base, je réfléchis au game design jusqu’au dernier moment. Je suis en retard, je suis encore en train de rédiger des pré-tirés dans le tram qui m’amène aux Utopiales. Sur place, Eugénie et Julien Pouard m’aideront en écrivant une partie de l'équipement des pré-tirés ! Un grand merci à eux ! Ces équipements se retrouveront dans la liste officielle de pré-tirés que je publierai quelques temps plus tard, et il y a des chances qu’ils demeurent dans l’édition finale. Le travail d’Eugénie et Julien va donc connaître une postérité. Plus tard dans le week-end, j’ai visité l’exposition d’objets insolites des Utopiales, ce qui m’a inspiré pour l’équipement des derniers personnages pré-tirés :) [Note du 11/10/2021 : il s’avère que l’exposition était issu du Cabinet de Curiosités du Docteur Berlupin à Guer dans le Morbihan, à côté de chez moi. Si vous passez dans le coin, c’est absolument à voir !]


L’histoire :

Il me fallait un contexte pour justifier une campagne en table ouverte : généralement je choisis quelque chose de simple et percutant :
+ Les chemins de Compostelle pour ma table ouverte d’Inflorenza
+ La traversée de la Méditerranée pour ma table ouverte d’Odysséa
+ Un voyage initiatique dans la contrée du Canal pour ma table ouverte de Marchebranche

J’ai opté pour le contexte de jeu système-agnostique Britannia Obscura, par Le Grümph.
Il est prévu au départ pour le jeu OSR Pits and Perils (et il y a en effet un je-ne-sais quoi d’old school dans le background de Britannia Obscura) mais est adaptable à n’importe quel jeu med-fan et ne comporte aucune mention technique.
Pour citer la description du GROG, « Le cadre est l'Angleterre de l'Âge Sombre, entre le départ des légions romaines et la naissance d'Arthur. C'est une relecture merveilleuse. Des elfes, créés par l'Homme Cornu et la Reine des Fées, des nains créés par le Dragon Rouge, des monstres s'éveillant au passage de l'Étranger ou vivant dans les Terres Sombres et des Orques guerriers demi-dieux peuplent les terres de la Grande Bretagne en plus de tous les autres peuples. »
Ce que j’aime tout particulièrement dans ce contexte de jeu, c’est la technologie datée de la fin de l’Empire Romain : pas de chevaliers en armure ou de châteaux-forts comme dans certaines représentations du Mythe de la Table Ronde. J’avais encore en tête mon séjour en Irlande et j’avais envie d’investir ce décor de grands paysages désolés et très peu habités.
L’ajout de la fantasy est également tout particulièrement intéressant. J’ai écarté Elfes, Nains et Dragons, pour y rajouter d’autres créatures fantastiques, et également les Corax de Millevaux. En revanche, j’ai conservé les Orques dont le traitement par Le Grümph m’a vraiment séduit. Ils viennent de Scandinavie et sont donc typés vikings et, s’ils sont brutaux et guerroyants, ils sont pourtant les serviteurs du bien, puisqu’ils sont en Angleterre pour empêcher l’avènement d’un mal terrifiant (que j’ai interprété comme étant l’avènement de Shub-Niggurath). J’ai adoré mettre en scène les orques, j’en ai fait un peuple dont la violence était la vertu cardinale, avec des officiers qui se battaient nus ou s’infligeaient des mutilations pour montrer leur bravoure, etc. Le fait qu’ils étaient en apparence les méchants de l’histoire, mais en réalité les gentils, c’était vraiment intéressant.

J’ai par ailleurs été soufflé par le film Centurion dont j’ai essayé de restituer l’ambiance dans cette campagne et plus largement dans le jeu Écorce.

J’ai bien sûr insufflé autant de Millevaux que possible dans ce contexte, avec notamment un complot Corax pour étendre l’influence de Shub-Niggurath, et surtout j’ai fait jouer l’Angleterre comme une prémisse de l’Albion décrite dans l’Atlas de Millevaux, où règne un Arthur corrompu par le Putride Graal et Morgane la Mère-Truie, asservissant l’Angleterre sous l’influence de Shub-Niggurath.

Les personnages, amnésiques, ne se rappellent rien hormis de leur missions : ils sont chevaliers de la Table Ronde et ont été missionnés par Arthur pour retrouver Hexcalibur, l’épée sacrée qui lui permettra d’unifier les royaumes d’Angleterre et de lutter contre l’emprise de la forêt. Les personnages ne se doutent pas qu’en réalité Arthur est (déjà à cette époque) corrompu par le Putride Graal et que l’épée ne va pas lui servir à lutter contre l’emprise de la forêt, mais au contraire la répandre. Ce que les personnages ignorent également, c’est que les orques, dont la violence et le mépris à l’égard des humains, va les désigner comme des antagonistes, sont à la recherche d’Arthur pour contrer ses projets et l’éliminer.

Je ne vais pas m’étendre outre mesure sur la fiction, par souci de mémoire, et parce que l’intérêt était plutôt sur l’aspect game design, mais je peux dire que j’ai -enfin- trouvé le feeling OSR que je cherchais, à la fois dans le gameplay et dans la fiction. Cette expérience (ainsi que mes autres tests de S&W en dehors de Millevaux) m’a notamment permis d’enfin éprouver à sa juste mesure un aspect du jeu OSR qui constitue mon Graal personnel : le player skill. Que ce soit dans Empreintes & Horlas, Grogne ou Marchebranche, la joueuse peut toujours se baser sur la mécanique ou les compétences pour résoudre un problème : ici, l’absence totale de compétences rend cette dérobade impossible : il faut vraiment résoudre les problèmes par la narration. Bref, ce coup d’essai d’Écorce est une franche réussite, et une vingtaine de tests plus tard, je maintiens, malgré quelques bidouilles, un cap identique.

Je vais néanmoins lister quelques anecdotes :

+ Premier décor particulièrement chelou (merci l’Almanach) avec une fontaine à orgones, un homme en capuche qui leur sourit (de mémoire je crois qu’il était au service d’Arthur, mais il était tellement chelou qu’ils l’ont tué), des arbres avec des fruits en pierre.
+ Le début des aventures de nos chevaliers errants est marqué par la rencontre avec un basilic de boue (il transforme en boue ceux que son regard croise) : premier passage à l’ambiance vraiment old school :)
+ Un Corax développe une audacieuse technique d’attaque : il vole en forme corbeau au-dessus de sa cible, descend en piqué et se retransforme en homme (nu) au dernier moment, tombant de tout son poids sur la cible.
+ Une escale dans un village humain mis à sac par les orques se solde par quelques mauvaises rencontres : une créature tentaculaire avec une carapace de roche, un mort-vivant fait d’un assemblage d’os et d’ustensiles ménagers carbonisés, une patrouille d’orques.
+ Après tué une cheffe orque, les personnages accèdent à un de ses souvenirs. Ils la voient sur la frontière des terres conquises par les orques tenir tête à une druidesse Corax qu’ils ont déjà rencontrée. Elle lui offre des porgrelets en échange de l'allégeance des orques. L'orquesse refuse, écrase les porgrelets et chasse la druidesse. La cheffe fait preuve de courage et de ténacité et ce souvenir revalorise celle qui n’était au départ qu’une antagoniste.
+ En fouillant les cendres d’une cheminée, ils trouvent les ossements d’un enfant. Ils accèdent à son dernier souvenir : le grand chef orque Anurend le Sanguinaire (un gigantesque orque nu et couvert de sang) et ses soldats tuent ses parents devant ses yeux. L’enfant se saisit du poignard d’un orque et se rue vers Anurend le Sanguinaire. Ce dernier lui dit que s’il arrive à le blesser, il sera libre. Mais l’enfant échoue, alors Anurend le plonge dans le feu de la cheminée.
+ Les personnages ont localisé Hexcalibur au sommet d’une falaise déchiquetée à côté d’une chapelle. Ils font un premier repérage dans la copie de ces lieux, version forêt limbique. Ils découvrent que l’épée sacrée est une énorme épée technologique qu’on verrait plus dans la main d’un mécha que dans celle d’un chevalier. Ils fouillent la chapelle et se font attaquer par un limon jaune (j’ai repris la créature du bestiaire de S&W sans adaptation, c’est déjà très millevalien de base).
+ Pour se nourrir, un personnage tue un gros poisson dans un trou d’eau. Il accède à un de ses souvenirs, une sorte de souvenir unique du poisson qui tourne sans fin dans le trou d’eau, qui lui paraît de plus en plus petit à mesure qu’il grandit.
+ Les personnages dealent des expériences de mort imminente pour amadouer un patrouilleur orque avide de sensations fortes.
+ L’arrivée à Camulodunum (Camelot) assiégée par les Orques, qui ont déjà pris les deux premiers murs d’enceinte : l’enceinte extérieure est une zone réservée aux orques, l’enceinte intermédiaire est la ville des humains sous occupation orque, et l’enceinte intérieure est le donjon où s’est enfermé Arthur et les siens.
+ Le marché clandestin dans les égouts de Camulodunum, organisé par des humains qui veulent se soustraire aux diktats des orques. L’un des personnages, un Corax avec le handicap « cul-de-jatte », va y faire appel à un cybernéticien crado qui va lui greffer des jambes robotiques. Quand plus tard, le Corax se transformera en corbeau, il gardera ses jambes robotiques greffées… Très cocasse, mais embêtant pour voler :)
+ Les personnages voyagent dans les terres orques en empruntant les chemins de contrebande, qui sont de dangereuses crevasses dans le sol où ils feront quelques étranges rencontres et parfois, trop bruyants, n’échapperont pas toujours aux patrouilles orques de la surface. Deux personnages trouveront la mort face aux orques (en plein combat ou sous la torture). Ils se retrouveront alors dans les forêts limbiques, et parviendront à faire un pacte post-mortem avec les Corax (serviteurs de Shub-Niggurath et donc ennemis des Orques) pour revenir à la vie à condition de poursuivre leur combat contre les orques. Ils se réincarnent alors… dans des cadavres d’orques ! Je leur ai fait retirer leur carac physiques au passage, ils conservaient leurs carac mentales.
+ Les personnages adoptent une fillette orque au tempérament de dure à cuire avec qui ils vont avoir une relation amour-haine.
+ L’un de ces personnages revenu d’entre les morts dans le corps d’un orque retourne à Camulodunum, dans le projet de tuer Anurend le Sanguinaire afin de déstabiliser ses troupes. Il va voir un druide humain et lui demande un poison. Le druide lui demande s’il peut payer et il répond : « C’est pour tuer un orque ! ». Alors le druide lui donne gratuitement le poison. Il y a eu beaucoup de belles séquences de player skill dans cette campagne, mais celle-ci est ma préférée ! Malheureusement, le personnage arrivera jusque dans la tente d’Anurend, mais ce dernier le tuera avant qu’il ait pu le frapper de sa dague empoisonnée. (du moins, je crois).
+ Un joueur tenait particulièrement à tester ses objets non identifiés et son rituel d’idolâtre chelou. Cela a donné des scènes très rigolotes. Notamment, il se fait le disciple d’un vieil ermite qui vit enchaîné dans une grotte au fond des crevasses de contrebande, et qui lui propose des rapports sexuels « pour l’initier aux mystères du Très-Haut ».
+ Finalement, les personnages arriveront à sauver Arthur en pénétrant dans l’enceinte du donjon, en brûlant une des tours de siège pour faire diversion, et en s’infiltrant dans le donjon. Ils convaincront Arthur qu’ils savent où se trouve Hexcalibur, et ce dernier et sa suite (dont Morgane la Mère Truie, je crois) s’enfuient avec eux par un passage secret.
+ Les personnages arrivent à la chapelle côtière avec Arthur, et celui-ci décroche l’épée dans un rire démoniaque. Les personnages, pour ceux qui ne l’avaient pas encore saisi, commencent à comprendre qu’Arthur n’est pas le preux chevalier défenseur de la justice qu’il prétend être : il se saisit de l’épée technologique comme si elle ne pesait rien, elle est frappée d’éclairs et il pousse un ricanement diabolique…

Pour conclure, cette campagne m’a fait réaliser qu’avec ce cadre post-apocalyptique / cyberpunk / body horror et tout cette économie autour de la mémoire, Écorce était une sorte de jeu transhumaniste. Une révélation !


Feuilles de personnage :

Gwyn Oeil-Long
Image
eric.parker, cc-by-nc
punkette fanatique
humaine, sauvage, idolâtre
Force : sait détecter les mensonges
Handicap : double personnalité
Viande 9 os 17 nerfs 13 crâne 9 tripes 13 gueule 5
sauvegarde : 15 (+2 contre poison et paralysie)
PV Max 5 actuel 4
(en cours de jeu) Maudite
Rituel : Psaume de gnose. Passer une journée sur une montagne en compagnie d'un être saint. Se crever les yeux. On obtient une révélation suprême sur le fonctionnement du monde.
Objet hanté : une coupe en fer-blanc
Objet hanté : un bougeoir en forme de fleur
10 pièces de cuivre
Objet de valeur : un dentier aux canines pointues

Cynwulf
Image
Bob Jagendorf & chiaralily, cc-by-nc, sur flickr
Court, chauve, gros, bras longs, habillé comme un moine
humain, ordre, tueur
Force : bras cyber = plaques de métal (en cours de jeu, un bras cassé, puis réparé)
Handicap : enragé
Viande 13 puis 12 os 8 nerfs 7 puis 6 [crâne 6 tripes 8 gueule 8] puis échange de psyché avec un autre personnage ce qui donne [crâne 15 tripes 6 gueule 7 puis 6]
Sauvegarde 14 (+2 contre mort et poisons)
PV Max 3 actuel 0
Couenne 12
Objet hanté : un cadavre de porgrelet (porcelet au corps translucide rempli d'excréments)
Relique : un émetteur avec un bouton ON/OFF
Perdu en cours de jeu :
Souvenir : un chien qui porte dans sa gueule l'enfant fruit de nos péchés
Glané en jeu :
Deux expériences de mort imminente
Armure de cuir
Souvenir : initiation de l'orque (dieu borgne + bouclier)
Bénédiction : repousser les morts-vivants
Objet : publicité de croisière
Glané puis perdu en jeu
Deux autres expériences de mort imminente

Fertuinne
Image
teppo, cc-by-nc
Grand gaillard aux muscles épais, hirsute et vêtu d'une pèlerine à capuche
Humain, sauvage, hanté
Force : attire la sympathie des animaux
Handicap : unijambiste
Viande 7 os 10 nerfs 9 crâne 15 tripes 6 gueule 7
Sauvegarde 15 (+2 contre sortilèges)
les adversaires ont -1 en svg contre mes sorts
PV Max 6 Actuel 0
Couenne 12
Relique : un hand spinner rouge
Relique : une machine à écrire sans la lettre E
Souvenir : Une larme sur la joue d'une vieille femme
Armure : gilet de croûtes (12 kg)
Parchemin de sort : Delirium Tremens. Rituel : trouver l'Arbre à Bouteilles, et lui prélever douze bouteilles. les boire en une nuit tout en mangeant du vomi d'ivrogne. perte de 3 PV. La cible devient irrémédiablement alcoolique et vous pouvez faire pression sur elle en lui vendant de l'alcool de l'arbre à bouteilles
Glané en jeu :
Expérience de mort imminente
6 torches
silex
2 flacons d'huile

Estrid
Image
Muffin_elfa, cc-by-nc
humaine, ambivalente, hantée
force : jamais malade
handicap : aveugle
viande 7 os 10 Nerfs 5 crâne 14 tripes 8 puis 7 gueule 9 puis 7
svg 15
Les adversaires ont -1 en svg contre mes sorts
PV Max 5 actuel 0
-1 en tir
Décoction : filtre des noyés
Objets de maraude : œufs, farine et lait
Argent : 17 pièces de cuivre
Outil : une clef universelle
Parchemin de sort : Transfert de souffrance. Rituel : capturer des tiques noires des bois et des scolopendres mangeurs chair, les laisser proliférer sur son corps pendant un jour et une nuit en récitant un message de haine, faire un jet de svg contre la mort. S'il est réussi, on survit et l'objet de notre haine connaît une souffrance éternelle que seul un rapport sexuel fréquent avec le sorcier peut apaiser.
Glané en jeu :
Servante : Hild, fillette orque
expérience de mort imminente

Crocus
Image
coal miki, cc-by-nc
maletronche (taches bleues sur le corps qui brillent les soirs de pleine lune)
sauvage, hanté
force : grimpe aux arbres
handicap : incapable de tenir une promesse
viande 4 os 9 nerfs 16 crâne 16 tripes 9 gueule 5
svg 15 (+3 contre l'emprise, +2 contre les sortilèges)
Les adversaires ont -1 en svg contre mes sorts
PV Max 4, actuel 0
Relique : boîte à musique avec une danseuse
Boisson : jus de ronce
Ration : œuf
Parchemin : écorce gravée en langue putride = recette d'une mixture à base d'humus de terre maudite, de cervelle de grand mammifère et d'un souvenir douloureux. le faire avaler de force, transforme la cible en monstre (mais lequel ?)
Glané en jeu :
fourrure
couteau en os
cervelle de grand mammifère
marteau orque
4 torques orques
3 expériences de mort imminente
Souvenir volé : initiation / accouplement avec une truie
Souvenir volé : a survécu à une épidémie de mycose dans un campement, sa famille est décédée
Souvenir : la mort d'une sœur après une longue maladie
Glané et perdu en jeu :
torse de femme
farine
pot de fleur
1 expérience de mort imminente
ceinture
Souvenir volé : une orquesse monte la garde, la druidesse corbeau lui offre des porgrelets en échange de l'allégeance des orques. L'orquesse refuse, écrase les porgrelets et chasse la druidesse.

Maelmuir
Image
'J', cc-by-nc
Description : je crois en plusieurs religions. (modifié en cours de jeu pour donner : je pense être la réincarnation d'un dieu)
humain, ordre, idolâtre
force : odorat sur-développé
Handicap : pestiféré
[viande 12 os 17 nerfs 8] puis après avoir récupéré le corps d'un orque [viande 8 os 14 nerfs 13] crâne 9 tripes 10 gueule 11
Jet de svg : 15 (+2 contre poison et paralysie)
PV Max 2 actuel 0 puis une fois dans le corps de l'orque max 8 actuel 7
Rituel : Évangile selon Lazare, psaume 4. Passer une longue séance d'apnée dans un bassin d'eau bénite en compagnie d'un cadavre nu. Embrasser le cadavre sur la bouche trois fois en récitant des psaumes. Se brûler les bras avec des bougies. Le cadavre reprend alors vie, pur et innocent.
Équipement de début de jeu perdu en route :
Objet hanté : crucifix en bois de cerf
Décoction : pâte de menstrues
Outils : pinces et tenailles couvertes de mousse
Objet de maraude : un carnet de souvenirs heureux
Glané puis perdu en jeu :
Expérience de mort imminente
Glané en jeu
visage humain découpé
piège à loup (magique)
couteau long

Quinn
Image
cambiodefractal, cc-by-nc
Femme ayant un bandage sur les yeux pour aveugle, cache ses yeux monstrueux.
Accompagnée de Valor, un faucon.
Maletrait : peut voir à travers les yeux d'un oiseau
Ambivalente
Tueuse
Force : résiste à l'emprise
Handicap : inapte au corps à corps
viande 15 os 11 nerfs 13 crâne 14 tripes 15 puis 14 gueule 11
svg 14 (+2 contre mort et poison, +3 contre l'emprise)
PV Max 2 Actuel 2
Combat +1 au corps à corps (ironie du sort)
Objet mémoriel : cadran solaire
Ration : pain aux noix, miel et graines
Relique : agrafeuse
Perdu en cours de jeu :
Consommable : bouteille de kérosène
Glané en jeu :
Cadavre de grive
expérience de mort imminente
bandage (yeux)
briquet en amadou
arc court et deux flèches
Souvenir : A chaque fois qu'Aimé tue quelqu'un, il essaie d'accomplir la dernière volonté du tué.
Souvenir : Excalibur est dans une chapelle celtique (près de la chapelle). C'est une épée du genre robotique.
Souvenir : Rocher creux noir.
glané et perdu en jeu :
flèche
Souvenir : va dans la forêt limbique pour sauver son fils malade. Croise un homme (Aimé), il dit qu'elle va sauver son fils mais il le tue.

Cenfirth
Image
thomas hawk
Corax, sauvage, tueur
Force : peut manger presque n'importe quoi
Handicap : cul-de-jatte
Glané en jeu :
Viande 8 os 10 nerfs 9 crâne 9 tripes 10 gueule 9
svg 14 (+2 contre mort et poison)
PV Max 6 actuel 0
Objet hanté : une rose séchée
Servante : Hild, orpheline orque au sourire inquiétant
Objet de maraude : une gourde d'eau pure
Masque à gaz
béquilles
Perdu en cours de jeu :
Objet mémoriel : une lame du tarot de l'Oubli
Glané en cours de jeu :
jambes cybernétiques
2 expériences de mort imminente
Note : loyer payé

Cicero
Image
ali eminov, cc-by-nc
maletrait, ordre, idolâtre
force : force colossale dans les jambes
handicap : ne perçoit pas l'emprise
viande 14 os 15 nerfs 10 crâne 7 tripes 10 gueule 11 puis 9
svg 15 (+2 contre poison et paralysie, +3 contre l'emprise)
PV Max 4, actuel 0
Sort : contrôle des végétaux sur une zone. Rituel : s'immerger dans la terre, nu, s'accoupler avec des végétaux.
tunique de jute
vieux vinyle usé
figurine en paille
paquet de tabac
Perdu en cours de jeu :
ceinture de cuir
jus de sureau et sève de pissenlit
Glané en jeu :
une poupée princesse avec deux épées
un sac
sécateur
habit de la fille chasseuse
2 expériences de mort imminente
Laisser-passer orque
Souvenir : rochers noirs, falaise des naufragés
Glané puis perdu en jeu :
couteau
bâton-lance avec intestins
fleur en forme d'étoile
placenta
4 orchidées blanches

Bresal
Image
theodora.lumi, cc-by-nc
Rejeté par la société, il vit dans les bois. A cause d'une blessure, il a porté toute sa vie une cicatrice au milieu de la bouche.
Corax, ambivalent, hanté
Force : une troisième main sur la poitrine
Handicap : souffre de vertige
viande 17 puis 16 os 11 nerfs 17 puis 16 crâne 15 tripes 13 gueule 10 puis 8,6, et enfin 4 (s'est notamment pris un coup de marteau dans le visage)
svg 15 (+2 contre les sorts)
Les adversaires ont -1 en svg contre mes sorts
bonus : +1 mêlée, +1 tir
Parchemin de sort : Tarot de l'oubli. Matériel : un jeu de tarot. Coût : 1 PV. Rituel : battre le tarot pendant une nuit blanche. L'appliquer contre deux résidus corporels de la cible. Tirer un tarot, permet de lire un souvenir.
Parchemin de sort : Froid sorcier. Rituel : s'immerger dans l'eau glacée avec le sang d'une créature en récitant un souvenir haineux pendant trois heures. Effet : envoûte une personne ou un lieu : provoque un froid mortel
+ Outre en cuir, contient un liquide noir qui sent la putréfaction.
+ Bouteille avec un liquide ambré qui contient des insectes morts.
+ Un champignon blanc qui émet des germes
+ Une armure de bois couverte de lichens
Glané en jeu :
+ Une hache émoussée
+ Une fourrure
+ Une cervoise
+ expérience de mort imminente x 4
+ Souvenir : Excalibur revient à Aimé dès qu'il tue un humain.
+ Souvenir : Montagne avec rochers noirs et en haut, chapelle celtique et statue de la vierge sans tête. Épée robotique dans son rocher : Excalibur.
+ Souvenir : je sais nager.
+ Souvenir du chamane orque : il a pris des blessures, il part dans la forêt limbique et se soigne en mangeant une orchidée blanche.
+ Souvenir de l'enfant brûlé : Anurend le Sanguinaire.


Lendor
Description : sa passion, c'est l'herbe
humain, ambivalent, tueur
force : insensible à la religion
handicap : manque de jugeote

viande 10 os 9 nerfs 9 crâne 5 tripes 10 gueule 8
sauvegarde 14 (+3 contre la magie idolâtre, +2 contre mort et poison)
PV : Max 3, actuel 2
5 Rats (-1 au prochain test de loyauté) : l'un meurt en cours de jeu (ces rats étaient sur la photo du perso, ce qui est marrant, c'est que la personne a barré le rat sur la photo et c'est comme ça que j'ai su qu'il en manquait un).
Décoction : sève noire
Boisson : whisky qui-aurait-pu-être
Relique : masque vénitien au nez tranché
Objet de maraude : charbon de bois
Glané en jeu :
Couteau orque
couteau en os
Souvenir : orque reçoit l'ordre d'Andurend le Sanguinaire de traquer tous les humains, sauf dans les forêts limbiques.


Aluward
Enfant colérique qui sait monter aux arbres
Humain, ordonné, idolâtre
Force : ouïe très développée
Handicap : hémophile

Viande 10 (-1 pendant un jour) os 12 nerfs 14 crâne 13 tripes 15 gueule 8

Les adversaires ont -1 contre mes sorts.
Sauvegarde 15 (+2 contre poison et paralysie)
PV : Max 3, actuel 0
Sort : Exorcisme chrétien : permet de chasser le démon d'un être (coûte 1 PV / dé de vie du démon). Rituel : flagellation et prière (coûte 1 PV)
15 pièces de cuivre
trois bras humanoïdes (dont deux seront cédés en cours de jeu)
tronçonneuse (sans essence)
Un scalp de beaux cheveux dorés
Glané en jeu :
une bouteille de kérosène
une expérience de mort imminente
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Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

LE PEINTRE SPIRITE

Premier test de la nouvelle version de Sève où la rencontre d’un peintre gorgé d’égrégore annonce le risque d’une invasion d’entités mythologiques. Un récit par Claude Féry.

(temps de lecture : 3 min)

Joué le 27/10/2019

Le jeu : Sève la durée du oui, gamins du bois confrontés aux beautés et aux horreurs du sauvage, par Claude Féry

Image
Prince Henry de Battenberg, photo anonyme, domaine public

Toutes les photos suivantes sont de Claude Féry, par courtoisie


L'histoire :

tentative première de Sève, la durée du oui

Présentation des règles en 30 minutes
J'ai une sacré marge de progression en matière d'esprit de synthèse !

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Une heure de fiction assez intense où un peintre s'évertue à chasser les idées noires que lui suggère une Sérénissime croulant sous la végétation qui répand sa pestilence dans les cœurs et les chairs.
Gabrielle a campé le décor.
Tripier, un vieux barbu fouille les crottes des animaux qui endiguent la progression de Forêt à la recherche de chenilles dont on tire un élixir vital.
Le jeune soldat évoque la mort, Petite la pestilence, puis tout s'emballe et se mêle.
Pour finir, le peintre conjure son spleen dans l'observation des jeunes drôles. Le Deodand est repoussé.

Alexane et Gabrielle ont aimé et se sont prêtées au jeu.
Xavier est réfractaire aux instances et se trouve brimé dans ses élans spontanés, (il a fait grimper l'Innommable à D12).
Gabrielle a conclu que cette mouture était plus fidèle à l'esprit de Marche et a beaucoup apprécié l'expérience .

Image

Commentaires de Thomas :

A. Je pense que Sève la durée du oui doit pouvoir se résumer en une demi page à condition de supprimer les formulations poétiques. Je suppose que si tu écrivais cette demi page de résumé, tu pourrais t'appuyer dessus pour faire un briefing plus court.

B. Pourquoi as-tu mis des instances dans Sève la durée du oui ? Je pose la question pour savoir s'il est pertinent ou non d'accéder à la requête de Xavier de supprimer les instances au profit d'un jeu plus libre.

C. Marche, c'est le nom du jeu que Gabrielle faisait jouer lors des trajets pour revenir du collège ?


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Réponse de Claude :

A. Les pages 3 et 4 sont celles que j'ai utilisées. L'énoncé était rapide (10 minutes), mais en questionnant Xavier et Alexane je me suis rendu compte que cela demeurait abstrait. Les 20 minutes qui suivent furent employées à jouer de courtes scènes autour d'un caillou.
Nous avons alors marqué une pause et j'ai alors rédigé mon billet, avec le sentiment que j'avais été trop long.
Rétrospectivement, non, j'ai sans doute été trop pressé.
Le coût d'entrée est relativement élevé. Incarner le décor ou envisager les menées des protagonistes de façon distanciée avec en sus une visée esthétique, c'est intimidant.
Ce le fut pour les deux premiers tours pour Alexane.
Xavier s'est livré à une forme d'anti jeu, détournant la règle pour favoriser l'adversité et emmerder son grand frère.
Cela écrit, un résumé factuel des mécaniques sera rédigé après la seconde tentative où j'examinerai la pertinence des cartes X dans le dispositif

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B. Pour que chacune puisse envisager l'une des trois postures : décor, gestes, émotions.
Cela permet d'introduire en outre une dimension tactique et de gérer la survenance de l'Innommable.
Enfin, c'est une mesure envisagée à l'origine, couplée à celle qui voit croître l'Innommable lorsqu'une joueuse interrompt une autre sans y être invitée, à favoriser la collaboration, le respect et contrer le côté pieds dans le plat de Xavier.
Une part du désarroi de Xavier provient du ton adopté dans la partie. J'ai joué Tripier, un vieux, rébarbatif. Or, ce qu'il aime, lui, c'est se confronter à des gamins insolents comme Horace-Pierre.
Nous en avons discuté plus avant dans la soirée et Xavier envisage de rejouer volontiers, à priori dès mercredi, avec la perspective de demeurer à hauteur d'enfants.

C. Oui

[Note de Thomas : une version de Marche, co-écrite par Gabrielle et Claude Féry, est depuis disponible ici]

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Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

VALERRANCE

Les équilibres sont rompus. La magie est de retour. Les petites histoires se jettent dans la grande. Retour sur le GN Valerrance, une geste médiévale au cœur d’une forêt ensorcelée.

(temps de lecture : 15 min)

Une session du GN Les Sentes, drames forestiers dans une réalité sorcière.

Jouée le 11 & 12 septembre 2021 à La Ville Albertine, Ambon.

Image
Les Sylvestres. Dessin : Élie, par courtoisie


Ressources :

Voir l'album photo

La page du GN

Articles de Ouest France portant sur ce GN : (1) (2)


Image
photo : MT, cc-by-nc-sa


Le contexte :

Valerrance était une session d'inspiration médiévale / millénariste tirée du GN Les Sentes.
Sur un week-end, nous avons réuni 5 orgas et 40 personnages, soit 5 de plus que la précédente session des Sentes, Dusk River.
Outre son thème, elle se démarquait des précédentes sessions par une approche mimant davantage le GN action, avec un conflit opposant trois regroupements de communautés, les alliances : Sylvestres, Christiques et Bannis, avec pour enjeux en vrac : l'avenir du bois enchanté de Valerrance, la possibilité de le fuir ou de l'étendre au monde "civilisé" autour.
Plus que précédemment, cette session a été l'objet de grands défis en matière de partage de la narration, il nous a fallu gérer des objectifs de personnages très antagonistes, ainsi que des rituels et des actions ayant un impact à grande échelle. Cela a pu faire l'objet de débat, mais j'ose croire qu'en général l'expérience a été dépaysante et immersive la plupart du temps.
J'en repars en tout cas avec beaucoup de belles images dans les yeux, des rencontres perso et RP toutes enrichissantes et la délicieuse sensation qu'il s'est passé beaucoup de choses quand j'avais le dos tourné.
Beaucoup d'entre nous étaient en tout cas motivés pour refaire rapidement des Sentes. C'est pas moins de quatre projets parallèles qui se sont lancé. Le premier a être officialisé est la session Vestige, les (7)-8-9 janvier 2022 en Loire-Atlantique (inscriptions encore possibles... mais sur liste d'attente). Si vous voulez que je vous tienne au courant des prochaines sessions, signalez-le moi et je vous ajouterai à la mailing list.

Image
Les Féeriques, photo (C) par Amandine Alexandre


Les retours sur les pages facebook et discord du GN :

" Du coup j'en profite pour remercier comme il se doit tou(te)s les joueurs(euses) pour leur interprétation c'était très chouette. Un grand merci spécifique à mes Frères ainsi qu'à Oriente [Note de Thomas : Oriente étant mon personnage] pour cette expérience unique. Et un grand merci au cuistot et au rester de l'orga évidement."

"J'en profite pour remercier absolument tout le monde pour cette incroyable expérience. Je suis heureux d'avoir pu jouer Toi qui n'a pas de nom, l'Innommable, Miroir, Théophile, puis finalement Oriente, en votre compagnie. Merci de m'avoir permis de jouer pour la première fois un personnage masculin, vous n'imaginez pas à quel point j'en suis fier. Merci d'avoir été de fantastiques compagnons de jeux et organisateurs !Reposez-vous, soyez prudents sur la route.

Tout est lié, je suis beaucoup trop de choses, et ceci était une belle histoire."

"Merci à toustes pour le jeu, c'était une expérience super intéressante et pleine de nouveautés pour moi."

"Coucou tout le monde, bien rentré de notre côté aussi et plus propre que jamais. Merci pour pour le jeu Oriente, merci pour les repas en jeu dans la forêt c’était si bon et si cool ! Mais comme d’hab merci Gast ! Merci aux joueurs.euses!"

Image
Les joutes sont ouvertes. Photo (C) par Amandine Alexandre

"Je souhaiter adresser des mercis pour ce chouette week-end de GN ! Tout d’abord à Oriente pour avoir conduit ce jeu vers sa réalisation avec tant d’imagination, de douceur et d’humanité. Un très grand merci à toutes les personnes présentes à La Ville Albertine pour nous avoir accueilli à bras ouverts et pour avoir assuré la logistique (et la bonne cuisine) permettant ce bel événement ! Merci également à toutes les participantes pour leur entrain, leur débordante énergie et leur capacité à générer tant de beaux instants de jeu, le tout dans la nostalgie épineuse de cet univers si particulier qu’est Millevaux. Vive Valerrance ! Dans nos têtes et nos cœurs, pourvu que l’Oubli ne nous ronge jamais ! Des bises de Millicente l'alchimiste."

"Vous me manquez déjà énormément les amis! j'ai passé un GN extraordinaire, j'ai aimé toutes nos interactions (même toi La jolie inquisitrice Tétrarque Christique ;)) . Merci à la ville albertine et leurs habitants pour l'accueil, le miam, la gentillesse, merci Thomas pour l'orga, merci les joueurs pour ce moment 🙂
Merle aime tout le monde, Merle a coché toutes les cases de l'oiseau [Note de Thomas : Merle était une Corax, une femme-corbeau] (validé par les copains fanatiques d'oiseaux attention, la liste est en anglais) :
- speaking birb ✔️
- Screaming at eberyone ✔️
- checking footies regurlarly ✔️
- stealing toyms amd biotifull thimgs ✔️
- making a big mess in others camps ✔️
- puttimg eberything on the floor and makimg them roll ✔️
- damcimg, simging birbs songs ✔️
- makimg hoomans preem me ✔️
- fimdimg mine favorite hoomin ✔️
- preening frens ✔️
- blehblehbleh at juice ✔️
- eatimg others food ✔️
- stealimg pems ✔️
- makimg a lot of noice ✔️
- beimg deconcemtrate easily ✔️
- taping at mine thimgs ✔️
- arrivimg in ebery important moment and speaking and talking or screaming ✔️
- trhowing thimgs on people ✔️
- Hissing hiss to bad bad people

"Merci à toutes et tous pour ce super GN, je lutte pour taper trois mots tant la fatigue est grande, mais les souvenir en valent la peine ! Vous étiez belles et beaux, le rêve était bien vivant ! J'ai trop hâte de voir les photos !
Bravo et Merci Oriente pour ton énergie créative, je serais très heureux d'être présent pour de futures aventures mystiques !"

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Il y a de l'eau dans le gaz chez les Nobles. Photo : (C) Amandine Alexandre

"A mon tour de vous remercier toustes pour ce super accueil que vous avez fait aux retardataires que nous sommes. Ce fut un moment magique et fort parsemé de très belles rencontres. De quoi alimenter les songes un moment, jusqu'au prochain!"

"bon, en attendant, bilan corporel à J+1 : les égratignures de ronce en pagaille je gère, par contre, j'avais pas relevé la masse de piqûres avec lesquelles je repars 😅 je crois que dormir dans la tombe = devenir le banquet du jour pour la population d'araignées... oupsie"

Retour de Thomas : "A mon tour de remercier tout le monde pour votre participation, votre bonne humeur, votre sérieux qui a permis un briefing pas trop long, votre enthousiasme, votre inventivité et tous les beaux et intenses moments passés ensemble dans ce bois de Valerrance qui vivait ses dernières heures. J'en repars avec juste une motivation énorme pour remonter d'autres éditions des Sentes, donc c'est loin d'être fini. Au rayon des petits bobos, pas de tiques ni trop de piqûres pour moi mais juste une crise de bégaiement le soir due la fatigue et au stress qui descend... Après 12 heures de sommeil, heureusement, je ne suis plus qu'un peu enroué. Faut dire que ça crève de bruiter des entités lovecraftiennes à la bouche"

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Étrange rituel chez les Féeriques. Photo : (C) Amandine Alexandre

"Bonjour à tous,
Je tenais à tous vous remercier pour ce GN qui était une très belle découverte à tous les niveaux !
J'ai vécu auprès de vous des choses intenses et découvert une nouvelle manière de jouer, et j'ai qu'une hâte : recommencer !"

"Salut tout le monde !
j'ai également passé un excellent moment en votre compagnie. J'ai découvert plein de personnes très agréables (dont j’oublierai malheureusement les noms, car ça va un peu au delà du roleplay chez moi ^^). J'ai découvert des façons de jouer nouvelles, déstabilisantes, enthousiasmantes, riches et ouvertes. ça m'intriguait beaucoup et j'en suis ravi ! J'ai commencé à prêcher autour de moi :) Je vous rejoindrai avec plaisir pour une prochaine explorations des sentes et j'espère que j'aurai fait des émules. J'ai le sentiment d'avoir jouer un peu sur la réserve et je pense que prêcher l'oubli n'est pas la façon la plus simple de s'ouvrir aux autres. Pas de regret, c'était introspectif, mais j'ai vécu de très belles scènes de jeu grâce à vous. J'ai hâte de vous revoir"

"Coucou Tout le Monde!
Avec du retard, je voulais tous vous remercier pour ce super week-end et désolée de ne pas avoir pu vous dire au revoir à chacun! Je suis bien revenue [chez moi] lundi (bus depuis Paris), sans petit visiteur (tique), avec quelques bleus, une voix de baryton, des piqûres, une fatigue monstrueuse et un cœur et une tête remplies de bonheur, de super moments et d'aventures!
C'était un plaisir de jouer avec chacun d'entre vous!
Merci pour le soutien de propositions bizarres, des grandes discussions philosophiques en-jeu et hors-jeu! Merci pour votre enthousiasme, votre accueil, votre acceptation, vos présences (oui, j'ai une petite larme à l’œil...).
Je vous fait tout pleins de poutous et j'espère avoir l'occasion de rejouer avec certain IRL ou online!"

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Les Sorcellistes fascinent autant qu'effraient. Photo : (C) Amandine Alexandre

"Bonjour 🙂
Je tenais à vous remercier tous pour ce jeu incroyable que j'ai pu vivre à vos cotés. J’hésitais à faire les 500km pour venir mais heureusement la semaine dernière [une joueuse] a su me convaincre de prendre ma place. Au travers de cet évènement, j'ai pu vivre et observer des scènes incroyables.
Pour la première fois j'ai pu jouer un personnage non imposé par le scénario et m'épanouir avec. Ce système de souvenir laisse une très grande liberté de création sans pour autant piétiner le jeu des autres joueurs. Tout le monde semblait libre de s'adapter et partager ses histoires. Bref, un vrai bonheur.
Merci pour ce moment magique et je suis certain que ce souvenir la, personne ne pourra me le prendre 😁
Bien à vous tous,
Egregor
(qui a oublié son vrai nom après l'avoir mis dans un objet)"

"Bonjour à tous,
Je tenais à tous vous remercier pour ce GN qui était une très belle découverte à tous les niveaux !
J'ai vécu auprès de vous des choses intenses et découvert une nouvelle manière de jouer, et j'ai qu'une hâte : recommencer à parcourir l'univers de Millevaux !
Au plaisir de vous voir dans un monde ou dans un autre !"

Image
Élie, par courtoisie


Et pour finir...

L'histoire de Valerrance vue par Le Bailli :

Passé
Je suis Bailli, j’aime ma femme. Elle donne naissance, je deviens fou.
J’abandonne l’enfant dans le bois de Valerrance, j’en ressors sans savoir comment.
Ma femme apprend mon crime, elle veut se donner la mort, mais c’est l’oubli qu’elle choisi.
Je suis étranger à ses yeux. J’ai le cœur brisé.
Je veux lui rendre ses souvenirs, je veux réparer mon crime et obtenir son pardon.
J’accepte d’être à la tête des Nobles pour sanctifier Valerrance : j’ai-là l’occasion de chercher l’enfant et de le ramener à sa mère ; je n’ai cure de cette sanctification absurde.

Bannissement
Oriente nous guide. Il nous fait passer par la forêt limbique ; immédiatement des visions hallucinées de mon crime m’assaillent : je suis épié et hanté par l’enfant devenu horla.
Je chancelle dans ma détermination à trouver l’enfant, je m’enivre pour oublier mes visions et reprendre courage, en vain : j’ai peur.
J’ordonne aux Nobles de faire lever le camp et de quitter Valerrance avant la nuit tombée.
Les Nobles ne se soumettent pas à ma volonté, ils m’acculent et m’accablent d’appels à les rejoindre dans leur folie. Je tente de les raisonner et menace de punir leur désobéissance. Tétrarque me provoque, je lève ma voix et ma hache, elle m’éborgne. Je tombe à genoux, elle prononce mon bannissement alors que je baigne dans mon sang.

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Chaude ambiance chez les Nobles. Photo : (C) Amandine Alexandre

Errance
J’erre dans Valerrance, vociférant, maudissant mes traîtres et jurant de me venger de l’affront qui m’est fait. Je hurle aux horlas de cesser de me suivre, de me parler, de me cerner. L’odeur du sang qui se répand de ma blessure attire d’autres horlas, aux allures anthropomorphes, elles se présentent : Colm, qui m’intime de parler bas, Merle, qui me tend un message (les Christiques ont été bannis, et ne le savent pas. J’exulte !), Eftichia qui m’apprend que d’autres bannis campent au nord. Je bande mon œil tranché avant de reprendre ma route, suivi par une cohorte de fantômes tapageurs.

Apaisement
Au détour d’un sentier, j’aperçois Oriente, seul. J’alpague ce félon, qui prend la fuite, comme le fourbe qu’il est. Il trouve refuge dans la forêt limbique, ma colère me fait tomber dans son piège : je l’y suit, et l’angoisse m'envahit. Il promet de m’aider à retrouver mes esprits, je succombe à ses paroles rassurantes. Il me confie le cœur de la forêt, et m'invite à gésir dans une tombe ouverte. J'obéis. Je sombre dans l’humus. Un grondement ravissant puise en moi. Le temps d’une infinité, je vois des outremondes jaillir en grappes de branches depuis des troncs comme autant de colonnes d’univers. J’émerge, renaissant : Les voix se sont tues, les esprits éloignés.

Assoiffés
Progressant vers le nord, je cherche à rencontrer les autres Bannies pour orchestrer avec eux une revanche sur les Christiques. Sur les sentiers, une cohue se presse aux abords du camp des Sorcellistes, Hilde refoule les visiteurs le temps de mener à bien leurs sortilèges. A la vue de mon bandage sanguinolent, un air alléché passe sur le visage d’Eude, qui me nomme Bandeau, et m’offre l'hospitalité. Godefroy anime un rituel de partage du sang auquel je participe sans savoir de quoi il retourne.

Image
Les Sylvestres découvrent le camp des Hospitalites avec circonspection. Photo : (C) Amandine Alexandre

Autres
Je quitte les Sorcellistes et marche jusqu’à atteindre les confins de la forêt. Je découvre un cimetière où les Autres ont établi un campement de fortune. Je suis accueilli par Sybille, Chamagne et Primahora, accompagnées de Cagoule et Facti. Nous évoquons l’idée de juger les Christiques pour nous avoir condamnés à errer dans ces bois. Sybille m’enjoint de l’escorter avec Chamagne jusqu’au nid des Corax, où elle doit déposer une offrande.

Double vue
Nous traversons la forêt ; effaré, j'assiste à l’énucléation rituelle de Sybille par Colm,. Alors que Chamagne tente d’apaiser la douleur de Sybille, Merle dévore un œil ; exsangue, Sybille me saisit et use de ses pouvoirs pour placer l’autre dans mon orbite vide. Une fois la douleur passée, je sens que Sybille voit à travers moi à présent, mais aussi bien plus haut, bien plus loin, et bien plus profond dans la forêt me dit-elle, car elle est devenue Corax. Chamagne me nomme désormais Bon-œil. Nous reprenons la route vers notre campement.

Vengeance
Zarastrale m’interpelle à l’orée de la forêt limbique et me révèle qu’afin de me nuire, il a convaincu ma femme de préférer l’oubli à la mort comme issue à sa peine et vengeance contre moi. Fou furieux, je lui crève les yeux de mes mains. Il me remercie de l’avoir châtié de la sorte, prétend que j’ai contribué à sa guérison, et qu’il voit autrement mieux désormais.
La violence de mon acte en un tel lieu me cause des réminiscences de l’abandon de l’enfant. Je vois s’avancer vers moi la flamme d’Éreinte, elle me captive, serait-ce elle que j’ai abandonnée ? Elle me remémore que j’ai fauché de nombreuses vies avec ma hache et me confie la carte du tarot représentant la mort. Je la range négligemment dans ma besace.

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Alléluia mes frères. Photo : (C) Amandine Alexandre

La fête des fous
Au loin résonnent les préparatifs d’un banquet. Je m’approche, un carnaval bat son plein.
Je vois Niobe le simplet jouer avec Ribouldingue le nabot tintinnabulant, ce dernier me propose des pommes pourries pour l’élection du pape de fous. L'innommable est élu, mais la liesse est de courte durée car le Pape des fous agresse Oriente, Parente se pâme et la foule est interdite devant l’issue désastreuse de la fête.

Conspiration
Je m’attable avec mes consœurs et confrères bannies, et nous devisons discrètement des moyens à mettre en œuvre pour isoler un membre des Christiques et le soumettre à notre jugement. Chamagne nous informe qu’elle a le souvenir de crimes atroces qui ont été commis : Père Gondulphe est cité. Nous décidons que ce sera lui qui sera jugé : rendez-vous est pris autour du totem de l’aigle. Je suis pris à l’écart par Chamagne, qui me confie que moi aussi je peuple ses souvenirs en raison de l’abandon dont je me suis rendu coupable.

Tribunal des Bannies
Feignant l’ivresse, j’attire Père Gondulphe à l’écart du festin vers son embuscade, Cagoule referme le piège, et Facti nous rejoint ; nous partons tous les quatre le mener au procès des Christiques. Le chemin est long et semé d'embûches, la forêt nous perd et prend son tribut : la besace qui contenait le tarot représentant la mort est égarée parmi les ronces. Très retardés, nous parvenons au tribunal des Bannies.
Nous trouvons là Ciguë, un Sylvestre ami des Sorcellistes, qui réclame de Père Gondulphe qu’il demande pardon à la forêt pour les crimes des Christiques au cours d’un bref rituel. Leur procès peut ensuite débuter : Cagoule préside, Eude Doré assure la défense de Père Gondulphe qui les représente. Je suis procureur, secondé par Facti, et Godefroy est témoin et greffier. Des visions d’Éreinte viennent troubler mon accusation et me rappeler mes propres crimes. J’échoue à faire condamner Gondulphe, mais il ne quitte le tribunal qu’après avoir été soumis à un rituel de sang païen mené par Godefroy qui l’engage à tenir sa parole de ne rien tenter d’hostile contre les Bannies.

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Qui percera à jour les secrets d'Ereinte ? Photo (C) Amandine Alexandre

Révélation ravisseuse
Je suis Les Bannies dans la forêt limbique. Les discussions semblent mener vers l’idée que l’élue sera choisie collégialement, mais le tour de parole est perturbé par les convulsions d’Eude. Hilde et Godefroy supposent une possession par un horla, et entament un rituel de sang pour le sauver. Je vois les blessures qu’ils s’infligent pour l’abreuver guérir aussitôt. Immédiatement les Sorcellistes concluent qu’Eude est l’élu, et réclament le sang de chacun d’entre nous pour parachever la révélation. Je vois mes consœurs et confrères s'exécuter, je n’accepte pas, je refuse de croire qu’une révélation puisse être aussi laide et nous vole une élection qui s’annonçait juste. Pourtant l’évidence s’impose : les blessures guéries sont un signe, et je me saigne à contrecœur pour nourrir l’appétit de l’élu. Je ne fais plus confiance aux Sorcellistes. A mes yeux, l'alliance des Bannies est rompue.

Discussions
Je médite devant le bûcher des Hospitalites. Tétrarque se tient à quelques pas. Nous discutons sans animosité : Elle aussi est désabusée de la tournure des évènements. Je tombe des nues quand elle évoque à demi-mots que les ordres de celui qui fut le Bailli ne lui semble plus si fous que cela. Elle rejette l’idée de sacrifier quelque vie que ce soit et pense que la forêt nous tend un piège. Je sens que mon ressentiment pour les Nobles est aboli par cette conversation.
Voyant Cagoule passer, je me hâte de lui faire part de mon état d’esprit changeant, lui demande le sien. Barepenti approche et nous propose de trinquer en toute amitié et nous acceptons. Je prend conscience que les conséquences de révélations ont atténué les hostilités : même Père Gondulphe accepte de s’asseoir à la même table que moi, son accusateur. Éole et Merle se joignent à nous. Malgré les divergences, tout le monde semble s’accorder sur le fait qu’un grand péril nous attend tous si des sacrifices ont lieu et qu’il faut contrecarrer ceux qui veulent les mener à bien.
Je m’endors dans la crainte que les partisans des sacrifices n’aient une longueur d’avance.

Incendie
A l’aube, je suis réveillé par l’odeur de la fumée. Oriente s’alarme : la forêt est en feu !
Je m’apprête à abattre des arbres pour empêcher sa progression jusqu’au camp des hospitalites, mais je sais que ce faisant je risque l'ire des Sylvestres. En tant que Corax, Sybille autorise Léthé et moi-même à couper des arbres pour ralentir la progression de l’incendie.
Dans la fumée j’aperçois Éreinte, flamboyante. Je la prie d’intercéder pour les habitants de la forêt auprès des flammes qui nous menacent, elle se met à l'œuvre, et je la perds de vue.

Image
Avez-vous vraiment envie que Sybille prédise votre avenir ? Photo : (C) Amandine Alexandre

Dédale
Ayant fait ce que je pouvais pour que le camp des Hospitalites soit épargné par les flammes, je me rappelle qu’il faut agir vite pour arrêter quiconque voudrait procéder à des sacrifices.
Primahora, Chamagne, Sybille et moi nous mettons en route pour le camp des Corax.
Je suis perdu, comme mes consœurs, et nous errons des heures durant dans les bois sans trouver trace de vie. Alors que nous nous extrayons des forêts limbiques, comme un présage funeste, nous avons la vision d’un spectre à l’image de Tétrarque qui nous toise à travers bois.

Après la bataille
Nous parvenons à ce qui fut le campement des Nobles, où des bruits de voix nous font faire halte. Nous découvrons une troupe de Sylvestre rescapés d’une bataille. Essoufflée, Eftichia fait le récit des affrontements : il n'y a plus rien à sauver au sud, et un élu a déjà trouvé la mort. Sans plus attendre, nous rebroussons chemin.

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Le sacrifice de l'élu des Banni.e.s. Photo : MT, cc-by-nc-sa

Résurgence
Tous les rescapés des affrontements et de l’incendie trouvent refuge au camp des Hospitalites. Je ne vois que des visages harassés de fatigue et troublés par les évènements. Je sens que la résurgence est proche, la tension monte, l’hostilité qui s’était apaisée refait surface. J’apprends des rumeurs effrayantes, mais n’ai pas le temps de démêler le vrai du faux : la folie gagne la foule, L’Innommable est devenu Oriente, que je vois ramper comme un animal, Cagoule m’apparaît changé en corax après une union contre-nature avec Merle, et les sylvestres corrompu par le Bouc noir égorgent sur la place ceux qui n’ont pas encore mué en créatures de la forêt. Je suis menacé, je sais que j’ai en moi la folie qu’il faut pour les tuer tous, je tends vers elle, mais ma raison me censure, et le temps me manque. Prostré et hébété, à nouveau je failli. Je suis massacré.
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Message par Pikathulhu »

Le GN Valerrance : compte-rendu de session

Les équilibres sont rompus. La magie est de retour. Les petites histoires se jettent dans la grande.

Retour sur le GN Valerrance, une geste médiévale au cœur d’une forêt ensorcelée.

(temps de lecture : 15 min)

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Message par Pikathulhu »

L'OISEAU SIAMOIS

Un même personnage, deux destins, sur deux sessions parallèles d'une Nuit à la Cour Corbelle. Retour d'une joueuse en performance sur l'expérience du bac à sable du quotidien. Un récit par Eugénie.

(temps de lecture : 6 min)

Article initial sur le blog JenesuispasMJmais

Joué avec l'auteur le 19/06/21 (essai 1) et le 20/08/2021 (essai 2)

Le jeu : La Cour Corbelle, un jeu de rôle dans la forêt de Millevaux pour se mêler à la noblesse corbeau, jouer, aimer, rêver, apprendre et souffrir avant que sonne l’hallali.

Image
Asa Hagström, cc-by

Un petit soubresaut de blog pour évoquer une très chouette expérience jouée cette année : j’ai eu la chance de jouer une partie et demie de La Cour Corbelle proposée par Thomas Munier. A ce stade, le jeu est à l’état de notes, je ne sais pas s’il est jouable par un autre MJ que Thomas, mais si ça peut donner envie à certains ou certaines de s’en emparer, c’est cadeau c’est bonheur !

Une invitation à la Cour Corbelle

La guerre des Grours contre les humains a pris un tour particulièrement méchant et les Corax ont décidé de réunir les représentants de toutes leurs philosophies pour voter la participation ou non des Corax à la guerre, et de quel côté et dans quel but.

Le fonctionnement de la Cour Corbelle implique l’invitation de citoyens lambda de toutes les obédiences, choisis ou tirés au sort, pour une nuit où ils pourront rencontrer les représentants. Ces citoyens sont libres et peuvent simplement profiter de la fête, ou poursuivre un but très personnel, ou s’impliquer dans les relations diplomatiques, ou tenter de changer les votes…

Les PJ sont ces citoyens.

La Cour Corbelle est pensé comme un Bac à Sable du Quotidien : un bac à sable dans lequel les PJ peuvent aller vers ce qui les intéresse, sans aucun panneau indicateur car il n’y a pas spécialement d’histoire à raconter. Juste vivre une nuit dans une réalité virtuelle, une nuit d’ivresse et de faste, parmi les oiseaux, les ours, les goupils et les humains.

La Cour Corbelle n’a pas de système de résolution, à la manière du JDR sans règles : la logique fictionnelle fait foi, et l’absence officielle d’intention du MJ (il n’y a pas d’histoire, pas de direction vers laquelle emmener les PJ) est un garde-fou pour la liberté des joueuses.

Une liberté particulière, mais pas feinte

Pour la petite histoire, j’ai joué deux fois à La Cour Corbelle.

La première fois, nous étions 3 joueurs et joueuses et avons passé un certain temps sur la création de personnages (très chouette) et je me suis… endormie après un court temps de jeu, alors que nos PJ arrivaient à la salle de bal. Rien à voir avec de l’ennui ou quoi, j’étais simplement épuisée. J’en suis encore bien désolée pour l’abandon de mes camarades, j’aurais adoré jouer cette partie avec eux en entier. Elle a été apparemment fabuleuse.

La 2e fois, nous étions 3 joueurs et joueuses encore (mais pas les mêmes), nous avons été beaucoup plus rapides sur la création (et j’ai repris le même personnage) et la partie a été là aussi fabuleuse. Mais au fond assez différente de ce que j’avais commencé à jouer précédemment.

Et c’est un point qui me paraît important de souligner : à la manière d’un bac-à-sable en jeu vidéo, la Cour Corbelle était sensiblement la même, à une poignée de détails près, certains dialogues étaient quasiment identiques car nous avons interagi de la même façon avec les mêmes PNJ, le déroulé global de la fête et du fonctionnement des votes était le même. Mon propre personnage était le même. Mais les autres PJ étaient différents, ont impulsé une dynamique différente (entre nous et vis-à-vis de la Cour) et ont entrainé des choix différents.

Dans ma première partie, un PJ général Grours ayant perdu tous ses fils à la guerre s’est particulièrement impliqué dans la diplomatie et les intrigues politiques, rendant très prégnants la violence, l’amertume, la réalité d’une guerre qui remonte jusqu’à la Cour. Le thème était dans le jeu en filigrane, mais c’est lui qui l’a mis sous la lumière.

Dans ma 2e partie, un PJ érudit Grours pataud et sympathique a donné à la partie une dimension à la fois embarrassante et drôle, avec des relations de Cour et des philosophades évoquant plutôt le panier de crabes universitaires que le destin militaire. Là aussi les accroches au protocole, la perfidie de Cour et la philosophie sont des thèmes du jeu, mais c’est ce personnage qui les a provoqués dans la partie, de par ses réactions balourdes et ses propres intentions.

Une particularité d’un bac à sable du quotidien, c’est la garantie que les choses pré-existent à l’arrivée des PJ. Nous étions coincés dans un huis clos particulièrement riche, impossible à saisir en une seule partie, et nos choix nous ont permis d’en découvrir des facettes très différentes.

La liberté dont je parle n’est pas celle de renverser la table, de changer le monde d’un coup de dés, ou d’imposer un virage radical dans une histoire en train de se raconter. Mais nous avions la liberté de nos actes et le respect de nos intentions à défaut de la garantie d’un impact majeur sur l’univers.

J’ai pu choisir où aller et avec qui parler, et le fait d’y jouer deux fois de suite m’a montré que le MJ ne trichait pas en nous recollant les mêmes PNJ sous le nez où qu’on aille, et ne changeait pas non plus les PNJ de place/de thème pour varier d’une partie à l’autre. L’univers était stable. A nous de bouger dedans.

J’ai pu choisir deux fois de suite de ne pas m’impliquer dans ces histoires de votes et de guerre, d’émissaires et de représentants, sans qu’on me fasse sentir que je passais à côté de l’expérience. J’ai pu rencontrer un chirurgien cinglé, tergiverser sur ma propre nature (suis-je une humaine ou un corbeau ? mon corps mérite-t-il d’être choyé ?) sauver une personne qui avait pris soin de moi et me réconcilier avec moi-même. Tout cela a été fort intense et tout cela m’appartenait.

Et à aucun moment je n’ai été invitée à revenir dans les clous (car il n’y avait pas de clous et c’était officiel) ou à rejoindre un minivan.

Un JDR à la manière d’un roman naturaliste du XIXe

Un aspect particulièrement original de La Cour Corbelle, et qui en fait à mon avis le très grand intérêt, c’est le style choisi par Thomas dans sa maîtrise.

La Cour Corbelle est un festival de description. Pas de haut potentiel ludique ici, mais des tableaux extrêmement détaillés, ou ces longues descriptions des romans du XIXe, qui s’attardent sur les éclats de lumière des gouttes d’une fontaine et des coupes de cristal, sur toutes ces tenues extravagantes, dans leur variété de coupes, de tissus, de boutons ou de rubans, sur les coiffures et les plumages, les dorures, etc. Certaine parlerait de description-porn.

Pour une joueuse narrativo-vegan en goguette, je ne cache pas qu’il y a eu un pli à prendre pour accueillir le truc. Sur la première partie, il m’a fallu du temps pour entrer dans le rythme particulier de ces échanges, où le MJ prend un temps infini de description et le reprend encore et encore, à chaque fois que les personnages posent les yeux sur une nouvelle merveille à découvrir. La première demi-heure de jeu a été presque douloureuse, à attendre qu’on me rende la parole à chaque fois, à vouloir que ce flot s’abrège.

Et puis je me suis laissée séduire par ces volumes d’échanges asymétriques (le MJ parle beaucoup et les joueuses assez peu en comparaison) parce que l’action elle-même était lente. Il ne s’agissait pas de voir une narration se dérouler sous nos yeux sans pouvoir intervenir, ce qui m’aurait fait suffoquer, mais de regarder se déployer un univers particulièrement précis et riche, qui nous attendait pour qu’on interagisse avec lui.

Sur la 2e partie, j’étais préparée à ce rythme-là et j’en ai profité dès le début, tout en voyant un autre joueur éprouver exactement les mêmes difficultés que ma première fois. Et se faire apprivoiser à son tour.

Cette déstabilisation de joueuse m’a fait réaliser que dans mes cercles, la volubilité d’un MJ n’est pas valorisée. Il semble aller de soi qu’être MJ c’est déjà prendre beaucoup (voire trop) de place et qu’il faut essayer de faire court et efficace, pour laisser au maximum la main aux joueuses. Je trouve intéressant de noter que, quand elle est maîtrisée, quand elle correspond à une ambiance particulière et qu’elle ne confisque pas la narration ni ne contraint les choix des joueuses, cette disproportion de description peut être absolument plaisante.

Et elle implique un style partagé. Puisque notre fenêtre de parole à nous joueuses est réduite, nous avons spontannément mobilisé un certain style d’interactions :

Jouer avec nos corps : de fait, nous avons spontanément pris des postures, échangé des regards ou fait des gestes qui étaient clairement ceux de nos personnages. Sans forcément tomber dans le GN, mais en incarnant un peu plus (parfois beaucoup plus) que ce nous faisions habituellement en JDR ;
Ponctuer les descriptions de réactions très claires et courtes, façon sniper ;
Savourer les dialogues : le dialogue en discours direct étant le moment où le ping-pong retrouve sa symétrie, puisque chacun parle autant que son perso, PJ ou PNJ, ce temps-là avait une saveur toute particulière.
Ce qui amène aussi de très beaux moments presque théâtraux, où après un coup d’œil fictionnel qui s’étire le temps d’une longue description à la table, joueuses et personnages se superposent totalement le temps d’un dialogue, puis à nouveau le temps s’étire, etc. Et cette alternance joue à mon avis énormément dans les très belles sensations et l’originalité que j’ai trouvées dans ces parties.

Voilà, j’ai joué à La Cour Corbelle et j’ai beaucoup aimé.
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Message par Pikathulhu »

PIERRE, PRINCE DES MILLE PEURS

Bois-Saule utilisé pour créer une rédaction de collège sur le thème des arbres ! Un récit par Xavier Féry.

(temps de lecture : 4 min)

Joué/écrit le 17/12/2019

Le jeu : Bois-Saule, jeu de rôle solo pour vagabonder dans les ténèbres sauvages de Millevaux

Image
Photo : Claude Féry, par courtoisie


L'histoire :

Il était une fois, un jeune prince, prénommé Pierre.
Il vivait dans une magnifique demeure, pleine de couloirs, et de chambres, trop souvent obscures. Son père, le roi était trop occupé par les affaires du royaume pour prêter attention à son jeune héritier.
Pierre vivait donc entouré de ses maîtres le jour et la nuit était envahi par ses peurs.
Comme tout enfant, il craignait les ténèbres qui envahissaient le palais, dès presque-nuit.
Alors, chaque soir, il édifiait une tour de ses oreillers pour garder l’entrée de sa chambre, et se réfugiait sous son lit, tandis qu’une pile d’édredons égarait le monstre qui était promis à l’engloutir dans sa faim dévorante.
Chaque matin, il se promettait qu’il serait un jour suffisamment brave pour affronter le monstre de ses cauchemars.
Un matin comme un autre, son maître calligraphe, le gronda sévèrement pour avoir laissé tomber sa plume, une fois de plus au sol.
En la ramassant, glissant sous la table, il crut apercevoir un monstre qui se tenait dans l’ombre du maître. Il sentit dans cette ombre plus dense qui se confondait dans les plis de la robe du vieillard, une force terrible et hostile.
Il était terrifié, terrorisé.
Il se souvint alors de sa volonté d’un jour affronter ses peurs. Il se redressa, prêt à chasser de sa voix l’esprit mauvais qui possédait son maître.
Mais la peur fut plus forte encore.
Il s’enfuit du palais. Il courut à perdre haleine, loin très loin, de l’endroit ou ses peurs l’attendaient.

Bientôt, il se retrouva perdu, au cœur de la forêt.
Pas la forêt où il accompagnait son père à la chasse. Celle-là, il en connaissait les sentes.
Il était égaré, seul dans le bois. Les arbres bougeaient, menaçants sous le vent.
Aucun autre homme alentour.
Il était seul.
Bientôt, la nuit noircit les troncs des arbres.
Il entendit le chant du hibou. Il lui glaça le sang.
Alors Pierre se réfugia au creux d’un vieil arbre vénérable, couvert de lichens et de mousses.
Il tremblait de froid et de peur.

Au comble de sa terreur, il entendit une voix caverneuse, une voix de feuilles, de mort.

Des lianes, des ronces bougèrent tout autour de lui.
Il tenta de s’éloigner au plus vite, mais un tentacule de lianes mêlées le saisit.
Le creux de l’arbre était une énorme bouche béante, et avide, désireuse de le dévorer.

Elle l’engloutit bruyamment et digéra ses peurs nouées en boule dans son petit ventre, pour recracher un Pierre gluant de sève, mais désormais, un prince sans peur.


Commentaires de Thomas :

A. C'est une sacrée bonne idée d'utiliser un jdr solo pour effectuer une rédaction ! Et puis le thème de la rédaction colle en effet à merveille à Millevaux !
B. J'espère que ça a aidé Xavier !
C. En tout cas, le récit se tient tout à fait.
D. Je me suis permis de suggérer quelques corrections ortho/grammaire, plus l'adjonction d'un lexique.
E. Tu dis « Nous avons joué » : quelle part as-tu pris dans le processus de narration et d'écriture ?
F. Est-ce que Xavier envisage d'expliquer au sein de son devoir qu'il s'est aidé d'un jeu de rôle textuel ? (je ne crois pas que ça soit perçu comme de la « triche », surtout avec la ludification en vogue dans l'enseignement, mais je suppose que ça dépend de la sensibilité du ou de la prof)
G. Peux-tu nous scanner les 4 images servant de support à la rédaction ?

Claude :

A. B. C. D. Xavier comme souvent avait « oublié » qu'il avait un devoir à faire. Son enseignante lui a donné un délai supplémentaire. Il m'en a parlé à 17h30 hier soir.
Xavier est dys (dysgraphie et dysorthographie). Le passage à l'écrit est pour lui une épreuve.
Il bloquait et il a fini par me montrer son premier jet. Il ne parvenait pas à agencer les ingrédients du conte attendus. Je lui ai donné Bois-Saule. Il l'a lu et joué sa partie. Pour gagner du temps j'ai saisi sous sa dictée son récit. Je lui ai suggéré quelques modifications. J'ai imprimé le résultat après une relecture trop rapide, (merci à toi) qu'il a recopié en corrigeant certaines fautes de frappe ou d'orthographe.
E. La professeure est une agrégée lettres classiques très old school, sans revival. Je ne pense pas qu'il lui dira.
B. Ce fut pour lui une révélation. Il est capable d'écrire un récit et de raconter des histoires qui lui plaisent !

Thomas :

B. Super ! Je crois moi-même beaucoup au potentiel du jeu de rôle solo pour créer des récits, voir cet article que tu connais sûrement déjà : Le jeu de rôle, un outil pour l'écriture de roman ?

Claude :

Effectivement, sans pour autant avoir épuisé à mon niveau le sujet.
Si j'aspire à récolter le bénéfice esthétique de la démarche, je ne peux me résoudre à jouer en solitaire. J'éprouve le besoin d'éprouver en partage les émotions pour que cela fasse sens, (cf ma pratique antérieure de Bois-Saule avec Xavier)

F. Et bien finalement Xavier lui a indiqué qu'il avait joué son devoir avec jeu de rôle... Et lui a demandé si elle connaissait l'univers de Millevaux et elle ne le connaît pas. Xavier en était surpris

Thomas :

N'explique pas à Xavier que Millevaux n'est connu que par quinze personnes, ça briserait la magie :)
Plus sérieusement, je me demande comment la prof a réagi quand elle a appris que Xavier a utilisé un tel outil.

Claude :

Moi aussi
Suspens le temps des vacances

Claude :

Elle a lu le devoir de Xavier hier soir et lui a dit que c'était très bien, mais qu'elle regrettait que la forêt ne soit pas au cœur de son récit. Elle prévoit de rendre les devoirs corrigés à la rentrée
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