L'art de la guerre dans Dune (et autres Space Opera)
Publié : dim. janv. 10, 2016 12:46 pm
J'ai hésité à mettre dans le thread "liens" ce texte du général Michel Goya sur son blog "La voie de l'épée". Ici, notre analyste militaire nous propose un très intéressant aricle nommé L'art de la guerre dans Dune .
Passons sur les parallèles entre le contexte de guerre dunien avec l'actualité et concentrons-nous sur un point qui peut intéresser tous MJ menant des un univers de type Space Opera: comment fait-on la guerre dans un pareil contexte ?
Quelques extraits:
-Une situation politique complexe et fragmentée
-L'absence d'un pouvoir fort et central
-Ceci limite totalement la capacité à user d'une violence guerrière maximale
-L'incapacité à détruire intégralement l'ennemi, tellement ce serait contre-productif
-Une guerre "hors limite" par l'usage de tous les moyens non-conventionnels possibles
-Une guerre "d'élites" qui, pourtant, peut se heurter à une guerre "populaire" qui emporte la décision
Or, outre le roman de Franck Herbert, on retrouve des éléments très similaires dans nombres d'univers de Space Opera en films, livres et JDR.
En film, on pense naturellement à l'Episode 1 de Star Wars où on voit une entité non-étatique mais commerciale, la Fédération du commerce, entrer en guerre contre une entité étatique planétaire, Naboo.
-Une situation politique complexe et fragmentée: Le sénat est un lieu d'intrigue aux équilibre politiques précaires et fluctuants et de nombreuses entités non-étatiques y ont un représentant (Fédération du commerce, Clan bancaire intergalactique... etc)
-L'absence d'un pouvoir fort et central: le Chancelier suprême a un pouvoir faible et il est tributaire d'équilibre et de jeux de pouvoirs complexes.
-Ceci limite totalement la capacité à user d'une violence guerrière maximale : Aucun camp ne peut user d'armes de destructions massives sous peine de représailles, sans doute venues des Jedi. Ces même Jedi se chargent généralement d'arbitrer les querelles, ce qui limita fortement l'usage des outils militaires.
-L'incapacité à détruire intégralement l'ennemi, tellement ce serait contre-productif: La Fédération du commerce veut faire pression sur un camp pour obtenir des concessions. Son invasion de Naboo est surtout une prise d'otage géante de ses habitants ou, en termes plus diplomatique, un "prise de gages territoriale"...
-Une guerre "hors limite" par l'usage de tous les moyens non-conventionnels possibles: C'est moins évident dans le film, mais il est clair que la lutte qui se mène à plusieurs niveau implique un groupe d'intérêt incluant Fédération du commerce+Sénat+Gouvernement de Naboo+Jedi. Par ailleurs l'assassinat du dirigeant ennemi (ici: Amidala) semble une pratique admise, Enfin, la prise du palais de Naboo où séjournent les chefs de la Fédération du commerce est une véritable opération commando dans le plus pur style de guerre non-conventionnelle.
-Une guerre "d'élites" qui, pourtant, peut se heurter à une guerre "populaire" qui emporte la décision: L'usage de droïdes de guerre est l'exemple même de l'hyper spécialisation militaire d'un groupe donné (même s'il est artificiel) , tandis que la mobilisation en masse des Gungans est l'archétype de la Guerre populaire.
Ce n'est évidemment pas le seul exemple que l'on peut trouver.
Le JDR "Traveller" offre un contexte similaire où l'Imperium ne contrôle guère que les routes commerciales spatiales, vitales pour son existence, car l'Imperium ne maintient sa cohérence que de cette façon -on retrouve bien là la notion de "liberté de commerce" vu comme indispensable), mais pas les gouvernements planétaires qui sont libres de se gouverner à leur guise (en respectant quelques principes de base, tout de même) et de régler leur différents avec leur voisins, jusque et y compris par la guerre, laquelle guerre est encadrée par les "Règles impériales de la guerre", preuve que l'option guerrière est tolérée et même codifiée.
Voilà.
Ces quelques exemples me viennent à l'esprit, mais il y a peut-être des contre-exemples. Si vous en avez ça m'intéresse.
Mais quel intérêt pour le JDR ? Me direz-vous...
Ceci: La guerre en mode industriel, c'est nul. Personne n'aime jouer des PJ chair à canon anonymes dans l'enfer de Verdun ou de Koursk.
A contrario, l'art de la guerre dans Dune et dans les autres Space Opera offre l'opportunité aux PJs de briller par des actions d'éclat "héroïques", mais pour qu'un MJ puisse mettre en place une campagne de Space Opera militaire crédible, logique et cohérente, il faut qu'il en ait bien visualisé les mécanismes internes pour ne pas transformer sa guerre épique en un gros gloubiboulga de matériel à viander high tech et pour pouvoir répondre à certaines questions des PJs, genre "mais pourquoi il se font chier comme ça et n'atomisent tout simplement pas la planète ?"
La réponse est dans le texte ci-dessus.
Autre intérêt, comme le disait Nicolas Boileau
Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement,
Et les mots pour le dire arrivent aisément.
Si l'exposé ci-dessus permet au MJ de mieux concevoir l'Art de la guerre en Space Opera, il pourra plus facilement rendre les PJs plus conscients des enjeux et des mécanismes du conflit en cours, donc leur permettre de mieux se projeter "en situation" et imaginer leurs propres solutions originale à une situation qu'ils ne seront sont capables d'analyser QUE si le MJ est, à son tour, capable de la leur présenter clairement.
En clair: si le MJ sait comment ça marche et si les PJ savent comment ça marche, ils pourront mieux s'impliquer dans le développement crédible, cohérent et créatif d'un scénario de guerre qui sera basé sur des concepts un peu plus élaborés que simplement "Allons Boum-boum les rô vaisseaux!!", pour une campagne mémorable...
Prenez une feuille, vous avez deux heures.
Passons sur les parallèles entre le contexte de guerre dunien avec l'actualité et concentrons-nous sur un point qui peut intéresser tous MJ menant des un univers de type Space Opera: comment fait-on la guerre dans un pareil contexte ?
Quelques extraits:
Michel Goya a écrit :Ces guerres sont limitées par trois facteurs. Le premier est la fragmentation des pouvoirs et le souci d’éviter qu’un acteur (la Maison impériale Corrino en premier lieu) devienne hégémonique. Toute Maison qui devient trop puissante voit ainsi se liguer les autres contre elles. La deuxième contrainte est celle des coûts et particulièrement des coûts de transport. Les opérations s’effectuant généralement d’un monde à un autre doivent passer par l’intermédiaire de la Guilde et la projection spatiale coûte très cher. La dernière enfin est la présence des armes atomiques. L’emploi de celles-ci est prohibé par la Convention mais, contrairement aux machines pensantes, pas leur existence. On peut donc considérer (en admettant que les principes de la dissuasion nucléaire s’appliquent de la même façon aux familles qu’aux Etats-nations) que les « atomiques » conservent un intérêt en emploi en second, peu probable, ou comme ultima ratio.
Michel Goya a écrit :Les guerres prennent donc une forme large puisque tout ou presque peut être utilisé contre l’adversaire - sabotages économiques, corruption, pression diplomatique, raids, assassinats, etc.- mais peu profonde du fait de ces limites à une montée aux extrêmes. Elles ne se terminent donc normalement pas par la destruction de l’adversaire. Deux facteurs peuvent toutefois conduire à pousser ces limites voire même à les dépasser : la haine, comme celle que se vouent les Atréides et les Harkonnens, et une menace sur la circulation de l’épice, élément indispensable du fonctionnement de la Guilde et donc aussi de l’Empire.
Michel Goya a écrit :La recherche de la destruction totale d’une grande Maison, comme celle des Atréides, sans l’emploi en premier d’atomiques, est complexe. Une stratégie de première frappe conventionnelle contre les atomiques de l’ennemi est difficile surtout avec l'emploi des champs de force. La seule solution est de foudroyer l’adversaire par une attaque suffisamment rapide et massive pour obtenir un résultat décisif avant même que la décision d’emploi de l’arme ultime puisse être prise. C’était le scénario d’engagement dans la « marge d'erreur » de la dissuasion que décrivait par le général Hackett en 1979 dans La troisième guerre mondiale. C’est évidemment le choix qui est fait par le baron Vladimir Harkonnen.
On constate donc:Michel Goya a écrit :La difficulté est que le coût de la projection de forces et l’efficacité des champs de force Holtzman (que l’on peut comparer aux murailles des châteaux forts) privilégient la défense sur l'attaque. Pour obtenir un rapport de forces écrasant, il faut donc réunir une masse considérable (et donc ruineuse) et si possible bénéficier d’une « cinquième colonne ».
-Une situation politique complexe et fragmentée
-L'absence d'un pouvoir fort et central
-Ceci limite totalement la capacité à user d'une violence guerrière maximale
-L'incapacité à détruire intégralement l'ennemi, tellement ce serait contre-productif
-Une guerre "hors limite" par l'usage de tous les moyens non-conventionnels possibles
-Une guerre "d'élites" qui, pourtant, peut se heurter à une guerre "populaire" qui emporte la décision
Or, outre le roman de Franck Herbert, on retrouve des éléments très similaires dans nombres d'univers de Space Opera en films, livres et JDR.
En film, on pense naturellement à l'Episode 1 de Star Wars où on voit une entité non-étatique mais commerciale, la Fédération du commerce, entrer en guerre contre une entité étatique planétaire, Naboo.
-Une situation politique complexe et fragmentée: Le sénat est un lieu d'intrigue aux équilibre politiques précaires et fluctuants et de nombreuses entités non-étatiques y ont un représentant (Fédération du commerce, Clan bancaire intergalactique... etc)
-L'absence d'un pouvoir fort et central: le Chancelier suprême a un pouvoir faible et il est tributaire d'équilibre et de jeux de pouvoirs complexes.
-Ceci limite totalement la capacité à user d'une violence guerrière maximale : Aucun camp ne peut user d'armes de destructions massives sous peine de représailles, sans doute venues des Jedi. Ces même Jedi se chargent généralement d'arbitrer les querelles, ce qui limita fortement l'usage des outils militaires.
-L'incapacité à détruire intégralement l'ennemi, tellement ce serait contre-productif: La Fédération du commerce veut faire pression sur un camp pour obtenir des concessions. Son invasion de Naboo est surtout une prise d'otage géante de ses habitants ou, en termes plus diplomatique, un "prise de gages territoriale"...
-Une guerre "hors limite" par l'usage de tous les moyens non-conventionnels possibles: C'est moins évident dans le film, mais il est clair que la lutte qui se mène à plusieurs niveau implique un groupe d'intérêt incluant Fédération du commerce+Sénat+Gouvernement de Naboo+Jedi. Par ailleurs l'assassinat du dirigeant ennemi (ici: Amidala) semble une pratique admise, Enfin, la prise du palais de Naboo où séjournent les chefs de la Fédération du commerce est une véritable opération commando dans le plus pur style de guerre non-conventionnelle.
-Une guerre "d'élites" qui, pourtant, peut se heurter à une guerre "populaire" qui emporte la décision: L'usage de droïdes de guerre est l'exemple même de l'hyper spécialisation militaire d'un groupe donné (même s'il est artificiel) , tandis que la mobilisation en masse des Gungans est l'archétype de la Guerre populaire.
Ce n'est évidemment pas le seul exemple que l'on peut trouver.
Le JDR "Traveller" offre un contexte similaire où l'Imperium ne contrôle guère que les routes commerciales spatiales, vitales pour son existence, car l'Imperium ne maintient sa cohérence que de cette façon -on retrouve bien là la notion de "liberté de commerce" vu comme indispensable), mais pas les gouvernements planétaires qui sont libres de se gouverner à leur guise (en respectant quelques principes de base, tout de même) et de régler leur différents avec leur voisins, jusque et y compris par la guerre, laquelle guerre est encadrée par les "Règles impériales de la guerre", preuve que l'option guerrière est tolérée et même codifiée.
Voilà.
Ces quelques exemples me viennent à l'esprit, mais il y a peut-être des contre-exemples. Si vous en avez ça m'intéresse.
Mais quel intérêt pour le JDR ? Me direz-vous...
Ceci: La guerre en mode industriel, c'est nul. Personne n'aime jouer des PJ chair à canon anonymes dans l'enfer de Verdun ou de Koursk.
A contrario, l'art de la guerre dans Dune et dans les autres Space Opera offre l'opportunité aux PJs de briller par des actions d'éclat "héroïques", mais pour qu'un MJ puisse mettre en place une campagne de Space Opera militaire crédible, logique et cohérente, il faut qu'il en ait bien visualisé les mécanismes internes pour ne pas transformer sa guerre épique en un gros gloubiboulga de matériel à viander high tech et pour pouvoir répondre à certaines questions des PJs, genre "mais pourquoi il se font chier comme ça et n'atomisent tout simplement pas la planète ?"
La réponse est dans le texte ci-dessus.
Autre intérêt, comme le disait Nicolas Boileau
Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement,
Et les mots pour le dire arrivent aisément.
Si l'exposé ci-dessus permet au MJ de mieux concevoir l'Art de la guerre en Space Opera, il pourra plus facilement rendre les PJs plus conscients des enjeux et des mécanismes du conflit en cours, donc leur permettre de mieux se projeter "en situation" et imaginer leurs propres solutions originale à une situation qu'ils ne seront sont capables d'analyser QUE si le MJ est, à son tour, capable de la leur présenter clairement.
En clair: si le MJ sait comment ça marche et si les PJ savent comment ça marche, ils pourront mieux s'impliquer dans le développement crédible, cohérent et créatif d'un scénario de guerre qui sera basé sur des concepts un peu plus élaborés que simplement "Allons Boum-boum les rô vaisseaux!!", pour une campagne mémorable...
Prenez une feuille, vous avez deux heures.