3 étés à Bonneville

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Chestel
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Re: 3 étés à Bonneville

Message par Chestel »

Le nom Bonneville sonnait bien. Je ne savais pas que cette ville existait ni qu'elle était bien située par rapport à la fiction. Ou alors il y a des convergences dans l'Univers et Bonneville est un attracteur étrange.

Suite à une idée de Bakemono
Je reflechis à rajouter une phase boule de neige .
A la fin d'une étape, on choisit un fait (j'ai pris le maillot de bain du mec culturiste de ma soeur) et celui ci va prendre de l'importance dans la vie du personnage, hors champs et plus tard. On jette le dé
1-2 durable ou étendu : j'ai du faire le ménage pendant un mois pour me faire pardonner
3-4 durable et étendu : son copain a perdu un concours et quitte ma soeur
5-6 implique beaucoup de personnes : les membres du club de culturistes me cherchent des noises, un journaliste s'empare de l'affaire et discrédite plusieurs personnes.
Étendu passe de personnel à quelques à beauoup de personnes.

Ceci pourrait faire évoluer le personnage d'été en été, modifier son caractère et les relations avec les autres, donc apporter du grain à la fiction. Du coup, suite à une discussion avec Julian, on modifie les caractéristiques de son personnage entre chaque saison pour refleter son évolution.
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Re: 3 étés à Bonneville

Message par Chestel »

Un premier retour du games chef

J’aime bien l’univers. Et je pense que ça parle à beaucoup d’entre nous. Ca a un p’tit côté régressif, ce début à la Sunrise Kingdom made in Canada. On a tous dans la tête un coin de rivière qui reprend un ou deux éléments que tu proposes. On s’y baigne, dans le barrage, ou en tout cas, on a envie de s’y baigner. 

Le système semble rouler. les états sont clairs et bien expliqués. On retrouve nos petits sans problème.
J’aime bien la narration type Oui et, Non mais etc. Je trouve qu’elle se prête bien à ce type de jeu.
Je comprends bien les types de scène, même si j’ai un peu plus de mal sur la Validation. J’ai notamment un petit bug sur la phrase «Pas de lancer de dés, ça fonctionne » : rien à faire, je n’arrive pas à lui faire dire ce qu’elle devrait me dire, elle m’est toujours aussi sibylline. J’ai l’impression que je comprends tout le jeu sauf cette phrase. 
J’aime bien les encarts en gris qui explicitent bien les règles, et ce, dans le ton du jdr.

J’aime moins les noms des caractéristiques. Je les trouve peu claires ou peu évocatrices. Par exemple « Farceur » me perturbe, je ne vois pas en quoi elle permet d’ « anticiper un événement ». Je ne pense pas que ce soit un exemple de personnage que tu voulais proposer, car sur la feuille tu reprends les termes. J’en conclus que les termes rebelle, farceur, adapté etc. y sont inscrits tout le temps. J’ai l’impression que cela nuit à une bonne immersion du joueur dans son personnage, car ces termes pourraient êtres compris comme proposition de jeu, et les autres termes qui se veulent génériques ne sont pas selon moi très heureux. Meneur, Prévoyant, Débrouillard, Agile, Attentionné ? Plus classique certes. A voir. 

Le raccord avec les ingrédients me semble plus ou moins bien casé effectivement : je n’ai pas eu l’impression que le jeu soit développé de façon fondamentale autour des ingrédients cités. Ils restent assez lointains. Mais ça ne m’a pas traumatisé. D’autant que je considère aussi que fumer c’est mal.

Je m’interroge sur le scénario proposé dans le troisième Eté. Je pense que c’est du à l’irruption de protagonistes étrangers aux joueurs, qui influent énormément sur le déroulé du scénario, alors que les deux premiers Etés se passent en vase clos (bon, à ciel ouvert, mais tu as compris), et je me demande si le jeu n’aurait pas été plus puissant s’ils étaient restés comme ça. C’est notamment du à Fred : c’est le premier PNJ croisé depuis les deux dernières sessions (je sais que c’est pas vrai : ya aussi les parents, les oiseaux et les raptors qui font bzz, mais tu as compris). J’ai l’impression que la poésie de la proposition vaut a plus de force si le groupe d’amis est maintenu. Est-ce que cette malette n’aurait pas pu arriver toute seule, bloquée contre une écluse ? S’il y a d’autres protagonistes, peut-être sont-ce plutôt des groupes agissant comme des menaces latentes plutôt que des individus précis avec lesquels les joueurs ont une interaction directe. Des entités non nommées, dans le sens ou elles ne disposent pas d’identités précises mais répondent plutôt à des termes génériques, comme les voleurs, les flics. Des voleurs qui ont perdu la malette et se lancent aux trousses des joueurs ? ou des flics qui poursuivent le même but ? Bref. Tu peux appuyer sur X, je m’emballe, mais je pense que tu as compris mon sentiment.

D’ailleurs, sur « Donner son opinion » je me demande si des phrases clefs dites oralement ne seraient pas plus efficaces que les signes tacites plus ou moins repérables, notamment quand la fiction ne convient pas. Dans ce cas précis, la personne devrait pouvoir le dire sans ambages, et le narrateur changer aussitôt son fusil d’épaule, sans tergiverser, quitte à débriefer en fin de session. De plus, un narrateur trop passionné peut s’emballer dans une scène qui déplait à un des joueurs, sans pour autant qu’il s’aperçoive (car il s’emballe, par définition, le coquinou) que l’un des ces pairs lui indique désespérément le X sur sa feuille en roulant des yeux comme des billes. Cf. plus haut.

Question de mécanique : Outre le plaisir de rejouer les mêmes personnages à 7 ans d’écart (oui j’ai décidé ça arbitrairement. 7, 14, 21 ans, c’est comme ça) il ne disposent pas de bonus/ malus induits par leurs comportements vis-à-vis de leurs potes dans les sessions précédentes. Quand Annie a sauvé Michel des raptors qui font bzz pendant le premier été, elle n’as pas une possibilité accrue de le choper en deuxième été (oui, je la fais courte là), ou un sauvetage gratuit, ou la possibilité de remonter le curseur d’un ou d’une concurrente, etc. Tu comptes donc juste sur les roleplays et tu n’as pas de mécanique supplémentaire pour simuler (et stimuler) ça. Voilà. Disons que je me suis posé la question. 

Enfin, pourquoi ne pas proposer une dernière session plus ouverte ? Pourquoi demander que le joueur revienne avec la malette, tout penaud ? Ca m’intrigue. Pourquoi ne pourraient-ils pas s’entredéchirer complètement ? Est-ce pour maintenir un certain esprit bon enfant au jeu, ce que je peux comprendre, ou est-ce du à une contrainte mécanistique qui m’a échappé ? En tout cas, j’ai été surpris par le caractère relativement obligatoire imposé par cette directive.

En résumé, peut-être ne l’as tu pas perçu à travers mes commentaires, mais je trouve que c’est du bon boulot. J’ai préféré mettre l’accent sur les points qui me semblent flous ou à développer, donc peut être que les différentes longueurs de paragraphe ne reflètent pas ce sentiment, mais c’est bien ce que je pense. 

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Re: 3 étés à Bonneville

Message par Chestel »

2e retour

D’abord bonjour au bon docteur ! Je crois que c’est la seconde fois que j’ai un de tes jeux à examiner pour le gamechef, je suis désolé si je me répète ou si mes remarques manquent de pertinence. Je vais répondre aux questions posées avant d’avoir tester le jeu, et je referai un paragraphe après avoir testé le jeu si j’ai le temps de le faire d’ici la date limite. 
En avant propos, je te dis déjà bravo, c’est un jeu que j’ai pris plaisir à lire et qui m’a donné envie de m’y plonger. 

# qu’avez vous aimé dans ce jeu ?

J’ai particulièrement aimé l’idée des trois époques, et le ton de chacune de ces époques. J’aime aussi les états des persos et la boucle de gameplay principale “je mets mon personnage en difficulté, les autres le sauvent” qui doit être reproduite. Et y’a un super potentiel dans les plans proposés (avec quelques réserves que j’évoque plus loin). Franchement bravo pour tout ça parce que ça donne carrément envie de jouer, et de vivre l’évolution de ces gamins de ce trou paumé vers des adultes paumés dans un trou perdu. 

Il y a aussi beaucoup de choses qui me plaisent au niveau réalisation/mécanique dans 3 étés à Bonneville. Les états de “santé” des personnages, les indications sur la fiche de perso des éléments de communication méta par exemple. C’est une excellente idée, je n’avais jamais pensé à intégrer une carte X à une feuille de personnage et ça ouvre des perspectives intéressantes de rituels/gestes à réaliser en partie pour améliorer l’expérience de chacun.

# qu’avez vous trouvé qui mérite d’être clarifié ?

Les étapes des plans sont très évocatrices, mais doivent-elles être réalisées dans l’ordre, ça ne m’a pas toujours paru évident. Pourtant le terme de plan semble indiquer que ce sont des scènes “obligatoires”. Du coup ça donne quelque chose d’un peu scripté alors que les joueurs semblent avoir beaucoup de liberté dans la formation du récit. 

Le rôle du MJ ne me parait pas très clair non plus, pourtant tu lui consacre un paragraphe. Si le meneur de jeu n’a pas de personnage j’ai peur que son rôle ne soit en fait assez peu intéressant, sauf s’il aime être spectateur. Le seul point qui me semble vraiment utile est le dernier : prendre la place de quelqu’un pour raconter. Mais est-ce que quelqu’un qui n’aime pas raconter peut vraiment jouer à ce jeu ? En fait j’ai la sensation qu’un MJ n’est pas trop nécessaire dans ce jeu, ou alors qu’il faut un peu plus éclaircir son rôle. Si je faisais jouer le jeu demain, je n’ai pas vraiment idée de ce que je devrais faire en tant que MJ. 

Le dernier point qui me semble devoir être éclairci concerne les règles et le système de résolution. Le coeur de la dynamique me semble être la boucle suivante : 
je mets mon perso en danger, les autres le sauvent, quand on l’a fait plusieurs fois on peut passer à l’étape d’après et on recommence. 

Je dois dire que ça me plait bien cette idée, mais j’ai un peu de mal à comprendre/voir l’intérêt des fioritures qui l’entourent (ce qui ne veut pas dire qu’elles soient inutiles ou qu’elles soient un mauvais choix de ta part). Est-ce que tu as prévu qu’un joueur doit choisir un “move” à chaque fois qu’il agit par exemple ? Est-ce qu’on est plus dans du freeform ? Les lancer des dés semblent avoir un bon potentiel de dégradation de 

# qu’est-ce qui mériterait d’être approfondi ?

La troisième époque devrait être un peu mieux introduite, contrairement à tout le reste, le coup du payeur de rançon qui amène la malette de l’autre côté de l’eau me semble un peu faible par rapport au reste. Y’a surement une meilleure solution à trouver pour amener cette situation et les choix qui en découlent. C’est très largement jouable dans cette configuration là, mais je pense qu’on pourrait y gagner un peu. 

En fait je me dis qu’une méthode pour faire les plans, voire une méthode de worldbuilding pour créer sa propre ville, ça pourrait être top. 


# bilan général

Un jeu que j’ai pris plaisir à lire, et pour lequel je n’ai pas de mal à imaginer une partie (aux réserves évoquées plus haut près évidemment). Je trouverai ça assez cool que tu le reprennes après le concours pour en faire un burst ou soyons fou un système pour créer des choses similaires.
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Re: 3 étés à Bonneville

Message par Chestel »

3e retour

J'espère que tu va bien !
Future mais imminente paternité oblige je n'ai pas eu (et n'aurai pas) le temps de tester ton jeu de faire ce retour. J'en suis bien désolé d'autant que mon appréciation sera en demi-teinte…

Plus précisément je ressens une déception vis-à-vis de ton jeu, le type de sentiment que l'on ressent face à un jeu qui propose plein d'idées thématiques et mécaniques qui nous parlent mais choisit d'emprunter une structure de jeu qui nous déplaît. Possible que cela tienne en partie de mes goûts propres (je ressens beaucoup de déceptions en lisant les « storygames » et une bonne partie de la scène post-forgienne ces derniers temps) mais je vais quand même argumenter. Thèse/anti-thèse !

1) Pourquoi j'ai envie de jouer à 3 étés à Bonneville

Parce que j'apprécie sa proposition de jeu, sa thématique légère sur la liberté de vivre des aventures sans conséquences (je pense aux deux premières parties du jeu) mais qui n'empêche pas une certaine mélancolie. Oui j'ai envie de jouer ces enfants qui bravent les consignes parentales pour construire une cabane et ces adolescents qui vivent leurs premiers émois amoureux. Je suis moins fan de la troisième partie qui me gêne surtout parce qu'elle induit une rupture de ton (même si j'aime bien le fait qu'on ne soit pas « un monstre » qui laisse mourir les gens...on devrait faire des playsets de Fiasco en limitant la violence possible).

J'aime aussi comment tu reconfigures le système pour lui donner des significations différentes. Les bobos d'enfants ne sont pas les blessures d'égo adolescentes mais tu créés un parallèle à la fois thématiquement intéressant et rendant le système de jeu plus fluide (car il n'y a pas de changement de logique dans les mécaniques).

2) Pourquoi je ne me vois pas y jouer en l'état

Pourquoi râlé-je ?
En fait je reproche surtout au jeu son scriptage qui me semble paradoxal. On joue des enfants/ado/adultes qui échappent à l'autorité de leurs parents/de la loi mais on est soumis à l'autorité de l'auteur de jeu qui décide dans les détails de l’enchaînement des scènes. Dans la première phase on incarne des enfants débrouillards mais les joueurs n'ont pas à être astucieux, dans la seconde on nous dit exactement comment transgresser les demandes des parents...on pourrait à la limite justifier le scriptage de la dernière partie puisque les PJ sont un peu piégés par leur propre plan.

Non seulement on doit suivre ces trois plans à la lettre (curieux de savoir si cet enchaînement a « tenu » lors des playtests…) mais en plus les réussites/échecs des PJ dépendent plus du hasard que des choix des joueurs (alors même que la présence d'un meneur de jeu permettrait de récompenser l'astuce des joueurs). 

3) Si j'y faisais jouer

Je modifierai deux éléments :
1) La troisième partie qui ne me plaît pas tellement (la remplacer par une scène de mariage ? Ou renverser la première scène en faisant des personnages des parents inquiets des aventures de leur progéniture?)
2) Je privilégierai une logique de scénario plus traditionnelle. Après tout on a un meneur de jeu ce qui permet d'introduire beaucoup de souplesse !
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Re: 3 étés à Bonneville

Message par Chestel »

4e retour

Bonjour !

Ambiance

L’ambiance du jeu est très forte. La proposition est très stimulante et originale.
La description succincte de la ville au début est très efficace.

Objectifs et obstacles

Lors de la partie, le fait que les objectifs et obstacles soient prédéfinis créé une situation trop cadrée à mon gout. Je suis conscient que c’est un choix de ta part et que c’est plus une différence entre nous en termes d’envie qu’un problème dans le jeu. Pour défendre mon point de vue je souligne tout de même qu’il est facile, vu le cadre du jeu, pour les PJ d’imaginer leurs propres objectifs et il me semble qu’un MJ n’aurait aucun mal à inventer des obstacles à partir de cet objectif (ceci n’est plus aussi vrai pour les étés suivants).

Carac/résolution

La partie carac m’a paru peu claire. On voit que tu sais clairement ce qu’il en est mais j’aurais eu besoin de plus d’explications. 

Qu’est-ce que chaque carac représente ?

Les noms m’ont paru peu adaptés : farceur serait une carac qui permet d’anticiper, j’ai du mal à voir la logique. 

La carac matériel permet d’avoir l’équipement adéquat mais est-ce que anticiper (farceur /événement) ce n’est pas justement souvent avoir prévu l’équipement adéquat ?

Imposer sa volonté. A qui ? à un autre PJ, c’est permis ? à un PNJ, quelle différence avec relation/gentil qui permet aussi de faire en sorte que le PNJ fasse ce que tu veux ?

Le jeu

Il serait intéressant que tu proposes plus de traits pour les PJ. Ceux qui existent donnent de la couleur et du roleplay, on en veut plus !

Parfois tu utilises les termes « hors jeu » et parfois « hors service ». « Hors service » est bien mieux puisque justement le joueur n’est pas hors jeu.

Sans avoir testé le jeu, difficile d’avoir un avis définitif mais j’ai une crainte : 5 obstacles x 3 sauvetages = 15 sauvetages par été et donc 45 en tout. Il est possible que cela devienne répétitif. Selon les retours suite à des playtests, il pourrait être utile de prévoir d’autres façon de faire avancer l’histoire.

Révélations

La partie révélation est très cool et donne une dimension en plus au jeu. Du coup, je trouve qu’il serait utile de l’intégrer davantage dans le système, d’inciter à l’utiliser.

Par exemple : une fois par partie, la révélation permettrait d’échapper à un HS.

Donner son opinion sur ce qui se joue

Ton système à cet égard est tout à fait efficace sur un chat en ligne mais il ne me semble pas assez visible lors d’une partie sur table. Il faudrait des cartes qu’on lève et montre aux yeux de tous, sinon tu risques de réaliser bien trop tard que tu t’es laissé emporter par une description qui choquait un autre participant.

Globalement, un jeu qui m’a beaucoup plu…
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Re: 3 étés à Bonneville

Message par Chestel »

5e et dernier retour

Retour 3 étés à Bonneville


Premier contact
En survolant le jeu j’ai tout de suite été charmé. J’aime bien l’idée de jouer l’évolution des personnages à travers trois moments de leurs vies, mais au même endroit, pour voir comment leurs rapports évoluent avec l’âge. La présentation du jeu est nickel : on lit et on comprend vite fait ce qu’on est là pour jouer, comment ça va se passer en gros, comment utiliser le jeu. Les deux premiers pitch me semblent super cools pour se créer ensemble des souvenirs de nostalgie et de « bon vieux temps » avec tout l’enthousiasme déraisonné qui convient aux enfants et la maladresse attachante des adolescents.

Un, deux, trois, soleil… noir ?
Je suis particulièrement fan du pitch de la partie enfant, je n’ai pas souvenir d’avoir déjà vu ça dans un jeu et ça me parle carrément. Je n’ai pas personnellement grandi à la campagne, mais j’ai des souvenirs de vacances dans des petits villages au bord de la rivière, et plein d’autres images à connecter à ce genre d’histoire, comme le film Bridge to Terabithia, ou certaines planches de Boulet où il raconte son enfance (lire des BD à la bougie caché dans une grange, se fabriquer des pistes d’obstacles avec les moyens du bord, etc). L’introduction de cette histoire est parfaite, tu as vraiment le ton juste et la bonne façon d’évoquer en quelques phrases la vision du monde des enfants, leurs ambitions de petits cachottiers, leur côté petits débrouillards en short mais toujours effrayés par la perspective de se faire piquer par une abeille. C’est top et concis.

Par contre, je trouve le premier pitch aussi séduisant que je trouve le troisième repoussant. Je pense qu’après deux séances à construire tout plein de souvenirs d’aventures, de découvertes, d’amitié et d’amour, je n’aurais absolument pas envie de jouer une troisième histoire de voleurs où les liens entre les personnages sont écartelés par une compétition glauque pour de l’argent. Je trouve aussi le pitch plus perché, moins pertinent parce qu’il n’a plus du tout ce goût de réalisme et de contact avec la vraie vie des gens qu’avaient les deux premiers. Échapper aux parents pour construire une cabane ou crever de gêne parce que Michel vient de me toucher la main (est-ce qu’il a fait exprès!??), ça me parle complètement ; voler une malette de pognon pour payer mes études aux dépends de mes potes, beaucoup moins. Un scénario comme ça aurait sûrement plus de sens en stand-alone (ça ferait totalement un playset Fiasco, over the top bien comme il faut), mais avec les liens affectifs construits dans les deux précédents, je l’imagine à peine. C’est d’autant plus un souci à mon avis que les scénarios ont l’air très dirigistes (on a beau faire ce qu’on veut, il y a un certain nombre de passages obligatoires) et le jeu demande de roleplayer son perso tenté par la thune et le profit personnel, ce qui risque d’être violemment rejeté par certaines joueuses. En tout cas, c’est ce que je m’attendrais à voir de la part des joueuses que je fréquente. Peut-être qu’en cours de playtest le feeling serait différent, que ça viendra finalement naturellement ; je n’aurais pas le temps de tester le jeu ce mois-ci, et je ne suis pas sûr de mon jugement à la lecture. Mais le fait est que ce troisième pitch ne me donne pas envie de jouer du tout. J’aurais plutôt aimé un truc qui capitalise sur le côté feel good des précédentes histoires, et qui insiste sur la nostalgie / le fait que les persos ont grandi, vont être séparés parce qu’ils n’ont pas les mêmes trajectoires de vie, ne sont plus trop dans les mêmes cercles et les mêmes délires, etc. Une sorte de bilan de vie et de retour doux-amer sur des lieux qui n’auront plus jamais le même goût. Ce serait aussi un peu déprimant mais ça peut donner des scènes super, l’occasion de reparler des promesses « pour toujours » du premier scénario, etc. et sans le côté glauque. Je ne développe pas plus, vu que ce n’est a priori absolument pas ce que tu veux faire.

J’ai peut-être une piste de compréhension du pourquoi du comment qui t’a poussé à écrire cette histoire (je le répète, je ne comprends vraiment pas ce troisième pitch ^^). Quand on lit l’introduction de ton jeu, on dirait que tout est tourné vers ce dernier scénario, avec l’enjeu de l’amitié qui y survit ou non, mais surtout on y lit un avis visiblement très négatif sur Bonneville, qui est je suppose l’avis générique standard que les PJ sont censés avoir sur l’endroit. Du coup le troisième scénario prend plus de sens, ça a l’air d’être le moment où on craque et où on envisage de saisir l’opportunité crasseuse de s’en sortir. Mais ce truc de « Bonneville c nul » ne transparaît pas vraiment dans les deux premiers scénarios : d’accord, les enfants n’ont pas grand-chose pour s’amuser, d’accord, les ados ont une connexion pourrie et s’emmerdent dans ce petit bled. Mais il y a aussi énormément de sensibilité dans ce que le jeu attend des personnages, de leur forger un passé qui aura un goût de nostalgie, que j’ai du mal à imaginer comment le feeling général pourrait être négatif. La partie enfant respire juste la joie de vivre et de faire des bêtises. Construire une cabane ensemble, c’est même carrément cool. Pour la partie ado, même si effectivement « c nul Bonneville, y’a pas internet, y’a rien à faire », le jeu propose de jouer les premières romances maladroites, les petits tracas d’ado, la première cigarette… le genre de trucs auquel on repense avec le sourire dix ans plus tard. Du coup, le troisième scénario super sombre me semble vraiment arriver comme un cheveu dans la soupe.

Sauve qui peut
Rentrons un peu dans les détails, la façon dont le jeu est mécanisé. Je pense que j’ai bien compris les règles, elles sont expliquées de façon claires et didactiques, et la mécanique de résolution a la simplicité et l’élégance qui convient. Mais j’ai deux gros, gros problèmes avec la résolution des étapes corrélée avec les sauvetages : d’une part, j’ai l’impression qu’il y a un énorme souci d’équilibrage, ce qui ne me donne pas envie de tester tel que mais reste corrigeable ; d’autre part, je ne comprends pas du tout le pourquoi du comment de ces règles, qui me paraissent assez à côté de la plaque par rapport aux intentions. Explications.

Trois sauvetages pour valider une étape, cinq étapes au total : ça me paraît monumental, et complètement injouable à la lecture. Je suis un peu gêné de dire ça, parce que si j’ai bien suivi tu as fait un playtest en ligne donc j’imagine que tu as une idée de l’effet réel des règles – du coup mon point de vue de joueur qui n’a pas testé est peut-être abscons – mais j’ai l’impression que j’en ai pour 15h de jeu à terminer chaque scénario.

Il faut donc, pour finir chaque scénario, faire 3x5 = 15 scènes de sauvetage. Quinze ! Quand je lis la partie enfant, je comprends qu’un sauvetage implique qu’un personnage soit dans une situation telle qu’il ne soit pas capable de s’en sortir par lui-même. « Effrayé par les abeilles » est un exemple léger mais les choses les plus évidentes qui me viennent à l’esprit sont plus complexes : besoin d’être repêché de la rivière, bloqué en haut d’un arbre, le coup de la baie toxique, etc. Ca a l’air d’être le genre de situation dérapage, le truc rare et problématique, qui va peut-être impliquer un adulte et donc une bonne fessée à la clé, ou au moins une grosse frayeur : tu dis que les enfants ne doivent pas risquer grand-chose, mais aussi que les dangers en eux-mêmes ne sont pas forcément anodins. Du coup, jouer 15 événements de ce genre en 2-3h, ça me semble gigantesque, il va falloir les enchaîner à un rythme industriel. Plutôt que des moments forts, j’ai peur que ça aboutisse des micro-saynètes un peu forcées pour utiliser la mécanique vite fait.

Mais même, admettons qu’on ne fasse quasiment que des sauvetages simples (genre, les abeilles). Faisons un rapide calcul : pour me mettre dans l’état « à sauver », j’aurais probablement besoin d’au moins trois scènes « complication », à bouger mon état morceau par morceau. En admettant que je ne fasse que ça, que je ne réussisse jamais un jet qui pourrait me faire descendre en stress, et je ne laisse jamais les autres jouer leurs propres scènes, ça veut quand même dire que pour valider 1 étape il faut grand minimum 4 scènes, trois complications et une validation. Ce qui va faire 20 scènes minimum ; en 2-3h, ça fait donc 6-9 minutes en moyenne par scène. Ce n’est pas énorme, si tu prends en compte le temps d’imaginer la scène, d’interpréter les résultats des dés, etc. Et quid de parties où plusieurs joueuses jouent, s’entraident, baissent leur stress, se remettent dans la merde et ainsi de suite : s’il faut 10 scènes par étape, on tombe à 2-3 minutes par scène, ouf ! On va les enchaîner à toute vitesse en forçant les transitions sans cesse ! Est-ce ce que tu veux ? Est-ce qu’une scène c’est juste une action pour toi ? («à mon tour, alors je vais jouer une complication : mon personnage regarde en bas du ravin et trouve que ça fait haut. Je passe soucieux. A toi ») Auquel cas, je pense que ça requiert absolument une petite explication, voir un changement de vocabulaire.

Dans cette histoire d’équilibrage tu comprends donc qu’il y a deux choses qui me gênent : le nombre de scènes (qui, au fond, ne devrait quand même pas être trop dur à équilibrer, et puis, peut-être que je me plante totalement sur tes intentions – mais tu vois au moins ma réaction à la lecture, qui est très tranchée), et le fait que les sauvetages soient donc des mini-actions peu importantes au lieu d’avoir toute la tension qu’ils mériteraient. L’autre truc qui me remue, c’est l’effet de ce choix de design sur la fiction.

On ne progresse vers l’objectif qu’en se sauvant les uns les autres, et alors on valide l’objectif automatiquement, tel qu’il est écrit. Déjà, ça me paraît laisser peu de place pour raconter des histoires nous-mêmes : on sait à l’avance comment ça va se passer, on n’a le contrôle que sur les détails sans importance (Jordan s’est coincé la jambe dans le trou du pont VS Jordan est monté en haut d’un arbre mais ne sait plus redescendre). Mais surtout, pourquoi ce sont les sauvetages qui font progresser le groupe ? Pourquoi c’est ça qui est important, pourquoi c’est la seule chose importante ? En jouant, j’aurais l’impression de n’avoir aucune prise sur la fiction : que je cherche à construire la cabane avec des matériaux de récupération ou que j’aille barboter dans la mare, ça ne change rien, in fine. On pourrait finir toute l’histoire sans jamais rien faire en rapport avec les étapes, du moment qu’on se met dans la panade. Bon, tu me diras, ce n’est pas l’intention du jeu et donc ce n’est pas ce que les joueuses sont censées faire, si elles sont de bonne volonté. Mais alors, que font-elles ? Impossible de fuir la maison en cachette en passant par la porte de derrière, vu que c’est l’objet de l’étape 1 et qu’il faut donc faire des sauvetages avant ; inutile de chercher un beau tronc d’arbre creux pour faire la base de la cabane, parce que de toute façon les matériaux de construction seront les planches de la scierie ; etc. Le jeu m’impose même de jouer avec l’écho dans le ravin. J’ai l’impression qu’on m’a vendu un jeu où l’on incarne un gamin créatif et débrouillard, mais le jeu se charge à ma place d’être créatif et d’être débrouillard. Aller piquer des planches à la scierie, ça m’amuse bien si j’en ai eu l’idée, beaucoup moins si le jeu me dit que c’est ce que je vais faire, point. Alors, au fond, je me doute qu’en jeu, l’idée est plutôt de privilégier le freeplay des joueuses (se lancer dans les histoires qu’ils inventent), mais les étapes obligatoires ont un furieux côté « passages obligés par la case scénar », et en prime, ce qui les déclenche, ce sont les bourdes des personnages – pas du tout les choses qu’ils font en direction de l’objectif. Une contradiction que je comprends absolument pas.

Voilà pour l’essentiel de ce que j’avais à dire. Il reste quelques points du jeu dont je n’ai pas trop parlé, parce que j’ai pas grand-chose à en dire. Le système de résolution simple et moderne avec les caracs me semble tout à fait OK (et j’adore la façon de le présenter avec ce tableau « quand on veut » / « car sinon », c’est fun et très efficace). J’ai très peu parlé du second pitch : je répète qu’il me plait bien aussi, il a un petit goût très authentique, mais mêmes remarques que pour le premier, les étapes me paraissent beaucoup trop forcées.

Je m’arrête là. J’espère que ma critique ne te paraît pas trop à côté de la plaque, j’ai un peu l’impression d’une incompréhension avec ces histoires de scènes de sauvetage multiples – mais en même temps ça m’étonne vu comme le texte du jeu est bien clair du début à la fin. J’espère aussi que ce retour globalement négatif ne va pas sapper ton enthousiasme : je suis toujours super hypé par ton pitch, et j’adorerai jouer au jeu tel que je le comprenais en lisant l’introduction et le pitch ;) et donc, si tu comptes le reprendre : bon courage et bravo pour l’idée !!
 
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Chestel
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Re: 3 étés à Bonneville

Message par Chestel »

Merci pour ces retours. Il y a une belle unanimité sur les forces et faiblesses qui se dégage, c'est impressionnant.

comment evolue le jeu ?

1)les caractéristiques sont à changer, sans doute plus indicateur de roleplay et historique du personnage que chiffres et bonus au dé.

2)le principe du jeu reste : chaque joueur complique la vie de son personnage jusqu'au point oû il a besoin de l'aide d'un camarade pour s'en sortir. Au bout de 3 tentatives de sauvetage, les joueurs racontent comment ils ont réussi l'étape. Si le setting est bien choisi, ça fonctionne, c'est rapide, il y a de la place à l'improvisation. Comme les joueurs n'ont pas peur de perdre leur personnage, ils peuvent se lacher sur les peripéties. Le fait de s'aider soude le groupe. 
il me semble qu'un des plaisirs du jeu n'est pas de trouver le moyen de s'en sortir mais au contraire de pourrir la vie de son personnage, contrairement aux jeux habituels. On est récompensé par le rire des autres joueurs et j'espère les Applaudissements. 

3)le rôle du meneur de jeu est faible, voire il pourrait être tenu par un des joueur de personnage. Mais en pratique, il me semble que ça se passe mieux si le mj ne joue pas, comme si en position exterieure, les interventions du mj sont plus pertinentes ou mieux acceptées. J'ai encore du gros travail de game play à faire suf ce point.

4) advx reste avec quelques précisions.
advx pour applaudissements, difficulté, véto et ok cette fois mais c'est la dernière. J'ai pensé ces 4 lettres pour le tchat car je joue beaucoup roll20 en ce moment. Je pense qu'il est important de  rappeler aux joueurs de s'exprimer en cours de partie, advx sur la feuille a plus une fonction de rappel que d'utilité, irl les joueurs s'expriment naturellement à haute voix. Advx sur la feuille rappelle aussi qu'il faut accepter ces encouragements, critiques et gardes fous.

5) le 3e scénario /été n'est visiblement pas dans le ton. Comme expliqué avant, je voulais coller au thème de la frontière en explorant le sujet de la morale et en "coupant" les liens émotionnels créés dans les parties précédentes.eh bien, ça gache tout à priori. Les années précédentes,  mes jeux étaient moins aboutis techniquement mais plus unifié et lisibles sur la thématique. Une bonne leçon de game design. Il y aura donc un mariage lors du 3e été avec un retour des protagonistes à Bonneville.

6) il manque comment écrire un setting ?
J'ai pensé pièce monstre trésor (oui, j'assume l'inspiration D&D)
- un objectif clair et commun aux personnages, avec une scène finale commune emotionellement parlante. Se blottir dans la cabane, le coucher de soleil entre pote, ça donne envie, c'est le "trésor" 
- une unité de temps et de lieu qui permet aux personnages de s'entraider / sauver. C'est la "pièce", le cadre de la scène.
- un grand vide fertile pour laisser les joueuses exprimer leur créativité. Il y a du wolrd building autant que de l'action (loin d'être héroïque) et de l'émotion.
j'avais testé une liste de mots clé mise à disposition des joueuses, j'ai abandonné après quelques tests, elles n'en ont pas besoin et l'histoire évolue plus librement. Il vaut mieux laisser les joueuses créer le "monstre"
- mettre le focus sur les personnages 

Je reste à l'écoute de vos suggestions et interrogations. J'ai été surpris de l'efficacité du systeme de jeu pour gérer actions et émotions autant que la facilité d'appropriation des joueuses qui sont allés bien au delà de ce que j'escomptais. Donc à bientôt pour la v2 (ou la v4 si je remonte à la filiation de "louseur rpg")

 
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